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Vaccination antigrippale : un autre médicament à visée cardiovasculaire ?

Administré au décours d'un infarctus du myocarde, le vaccin antigrippal diminue fortement le risque de complication cardiovasculaire ultérieure. C'est ce que vient de révéler une étude randomisée contre placebo, menée sur plus de 2 500 patients.
Patricia Thelliez 19 octobre 2021, modifié le 16 mai 2022 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Une étude menée dans 8 pays pendant 4 ans (illustration).

Une étude menée dans 8 pays pendant 4 ans (illustration).

 
Résumé
L'étude de Ole Fröbert et coll., publiée dans la revue Circulation et présentée fin août 2021 au dernier congrès de la Société européenne de cardiologie, a mis en avant le bénéfice de la vaccination antigrippale, en termes de pronostic cardio-vasculaire, chez des patients ayant eu récemment un infarctus du myocarde (IDM).

Dans cet essai randomisé contre placebo, où plus de 2 500 patients ont reçu, soit une dose de vaccin, soit une dose de placebo, dans les 72 h suivant l'événement cardiovasculaire, une réduction de près de 30 % du risque de nouvel accident coronarien, de décès ou de thrombose sur stent (critère combiné) a été mise en évidence au cours de l'année suivant le tirage au sort.

On sait aujourd'hui que l'inflammation joue un rôle central dans le processus d'athérosclérose et dans la rupture des plaques athéromateuses. Or certains agents extérieurs, tels des virus, pourraient moduler la réponse inflammatoire. C'est en tout cas ce que suggérait déjà un article publié en 1932 à propos, notamment, de la grippe espagnole de 1918-1920.

Concernant la grippe, des études observationnelles ont confirmé une relation temporelle entre cette infection virale et la survenue d'un événement cardiovasculaire. Quelques travaux ont aussi étudié l'effet de la vaccination antigrippale chez des malades à haut risque cardiovasculaire.

Il manquait cependant l'apport d'un essai randomisé de plus grande taille. Sur la base de ce constat, l'étude IAMI (Influenza vaccination After Myocardial Infarction), randomisée, en double aveugle contre placebo, a eu pour objectif de savoir si la vaccination contre la grippe permettait de réduire un critère combiné (décès, infarctus du myocarde, thrombose sur stent) chez des patients ayant eu, depuis peu, un IDM récent ou une angioplastie coronaire percutanée.

Une étude couvrant 4 saisons grippales
En détail, l'essai a été mené dans 8 pays (Suède, Danemark, Norvège, Lettonie, Royaume-Uni, République tchèque, Bangladesh et Australie), d'octobre 2016 à février 2020. L'inclusion a eu lieu pendant la saison grippale, soit de septembre à février dans l'hémisphère nord et de mai à septembre dans l'hémisphère sud.

Les patients étaient éligibles s'ils avaient fait un infarctus du myocarde (avec ou sans sus-décalage de ST) et eu une coronarographie ou une revascularisation percutanée. Pour optimiser le recrutement, quelques sujets de 75 ans ou plus (0,3 %) ayant une coronaropathie stable ont également été enrôlés. Dans l'immense majorité des cas, l'essai a donc concerné le post-infarctus.

Entre le 1er octobre 2016 et le 1er mars 2020, 2 571 patients éligibles, d'âge moyen 60 ans, ont reçu une dose de vaccin (n = 1 290) ou de placebo (n = 1 281) dans les 72 h suivant une coronarographie ou une revascularisation coronaire percutanée. Selon les saisons et les hémisphères, différents vaccins ont pu être employés.

Le critère d'évaluation principal était composite associant la mortalité de toutes causes, les infarctus du myocarde et les thromboses sur stent 12 mois après la randomisation. Ces mêmes événements pris séparément ainsi que les décès d'origine cardio-vasculaire ont tenu lieu de critères secondaires. Les données ont été recueillies par entretien téléphonique ou via les dossiers d'hospitalisation.

Une diminution de 41 % du risque de décès
Une réduction de 28 % du risque selon le critère composite principal a été mise en évidence (67 malades, 5,3 %) dans le groupe vacciné par rapport au placebo (91 patients, 7,2 %), soit un Hazard Ratio (HR) de 0,72 (IC95 % : 0,52 à 0,99, p = 0,04).
Les taux de décès de toutes causes et de décès d'origine cardiovasculaire étaient abaissés de 41 % : respectivement, 2,9 % contre 4,9 % ; HR = 0,59 ; 0,39-0,89 ; p = 0,01 et 2,7 % contre 4,5 % (HR = 0,59 ; 0,39-0,90 ; p = 0,010. En revanche, il n'y a pas eu de différence significative concernant les IDM.

Ces résultats sont en adéquation avec ceux issus d'une récente méta-analyse d'essais randomisés et d'études observationnelles, menée sur presque 240 000 patients atteints d'une maladie cardiovasculaire. La vaccination antigrippale était, là aussi, associée à une réduction du risque de mortalité globale et cardiovasculaire et d'événement cardiovasculaire majeur, mais pas d'infarctus du myocarde (suivi médian de 19,5 mois).

Les auteurs ont aussi cherché à identifier d'autres essais randomisés ayant porté sur la relation entre vaccination antigrippale et coronaropathie.
En poolant les résultats de ces trois études avec ceux de la leur (méta-analyse à effets fixes), O Fröbert et coll. on estimé un HR de mortalité cardiovasculaire de 0,51 (IC : 0,36 à 0,71, p = 0,0001).

Les données de ces trois autres essais randomisés viennent également conforter le fait que les bénéfices les plus importants apportés par la vaccination antigrippale sont observés chez les sujets à haut risque dans les suites récentes d'un syndrome coronarien aigu. C'est en effet ce qui ressort de l'étude FLUVACS et de celle de Phromminyikul A et coll. dont les patients inclus avaient eu un syndrome coronarien aigu. En revanche, l'essai FLUCAD qui concernait 658 coronariens pour la plupart en situation stable, n'a pas trouvé de différence à 1 ans (selon un critère composite).

Des mécanismes d'action suggérés
Pour ce qui est du mécanisme d'action, on sait déjà qu'il existe une part inflammatoire importante dans la maladie athéromateuse, qu'une infection est source d'inflammation et que le vaccin diminue le risque d'infection. Mais comment relier toutes ces notions à la lumière des résultats de O Fröbert et coll.

Selon ces auteurs, la vaccination antigrippale induit une activation immunitaire précoce avec une forte stimulation de gènes impliqués dans les voies de signalisation de l'interféron et de la présentation de l'antigène, tout en abaissant la production de cytokines pro-inflammatoires. Ce qui pourrait aboutir à un effet anti-inflammatoire et de stabilisation de la plaque athéromateuse.

Une autre explication serait que la grippe puisse favoriser un événement cardiovasculaire majeur et que le risque de refaire un nouvel accident cardiovasculaire chez les patients ayant fait un IDM culmine au cours des premiers mois suivant l'événement. Prévenir une infection grippale par la vaccination au cours de cette période serait alors particulièrement important.

Pour clore ce chapitre, il est important de préciser qu'en raison de la pandémie actuelle, l'essai a été arrêté prématurément : d'une part, les décès liés à la COVID-19 auraient perturbé l'analyse et, d'autre part, il est rapidement apparu qu'il y aurait très peu de cas de grippe en 2020. Il est possible que cette baisse de puissance statistique ait pu influer sur les résultats.

Anticipant des questions éthiques liées à une étude recourant à un placebo, les auteurs ont précisé que si les recommandations européennes et américaines étaient en faveur de la vaccination antigrippale chez les coronariens, celles-ci s'appuient surtout sur des données observationnelles, que le moment de la vaccination suivant l'événement cardiovasculaire aigu n'est pas connu et que les taux de vaccination demeurent bas. De plus, seuls les patients pour lesquels une vaccination n'était pas planifiée ont été enrôlés.

Quoi qu'il en soit, cette étude vient renforcer l'intérêt de la vaccination antigrippale chez les patients coronariens et ses auteurs plaident pour que cette dernière fasse partie de la prise en charge hospitalière dans les suites d'un infarctus du myocarde.

©vidal.fr

Pour en savoir plus

- Fröbert Ole et al. Influenza vaccination after myocardial infarction : a randomized, double-blind, placebo-controlled, multicenter trial. Circulation 2021.

- Collins SD. Excess mortality from causes other than influenza and pneumonia during influenza Epidemic. Public Health Rep 1932 ; 47 : 2159-2179.

- Yedlapati SH et al. Effects of influenza vaccine on mortality and cardiovascular outcomes in patients with cardiovascular disease: a systematic review and meta-analysis. J Am Heart Assoc 2021 ; 10 : e019636.

- Gurfinkel EP et al. Flu vaccination in acute coronary syndromes and planned percutaneous coronary interventions (FLUVACS). Eur Heart J 2004 ; 25 : 25-31.

- Ciszewski et al. Influenza vaccination in secondary prevention from coronary ischaemic events in coronary artery disease : FLUCAD study. Eur Heart J 2008 ; 29 : 1350-1358.

- Phrommintikul A et al. Influenza vaccination reduces cardiovascular events in patients with acute coronary syndrome. Eur Heart J 2011 ; 32 : 1730-1735.

 
Sources

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