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COVID-19 : la consommation d'anxiolytiques et d'antidépresseurs en forte hausse

Le 6e rapport sur la consommation des médicaments de ville durant l'épidémie de COVID-19 (période couvrant mars 2020 à avril 2021) met en évidence une forte augmentation de la consommation de médicaments anxiolytiques et hypnotiques, mais aussi des instaurations de traitements antidiabétiques, antihypertenseurs et par statines.
David Paitraud 01 juin 2021 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les habitudes de consommation des médicaments ont été complètement déstabilisées par la COVID-19 (illustration).

Les habitudes de consommation des médicaments ont été complètement déstabilisées par la COVID-19 (illustration).

 
Résumé : 
Depuis le début de la pandémie de COVID-19 en France, le groupement d'intérêt scientifique (GIS) EPI-PHARE scrute les tendances de consommation de médicaments dans la population française. 
Les premiers rapports, publiés dès le mois d'avril 2020, ont montré les impacts de cette situation inédite et des mesures sanitaires consécutives sur les délivrances et les prescriptions de ville, par classe thérapeutique. D'une manière générale, les habitudes de consommation des médicaments ont été complètement déstabilisées, en comparaison aux données datant d'avant 2020. 
Ce sixième rapport, qui couvre une période de suivi de 13 mois (16 mars 2020 au 25 avril 2021) confirme une tendance déjà observée dans les précédents rapports, à savoir une forte augmentation des délivrances de médicaments antidépresseurs, antipsychotiques, anxiolytiques et hypnotiques.

Cette nouvelle analyse suggère par ailleurs un nouveau phénomène : la nette hausse de la délivrance, notamment en instauration, de traitements antidiabétiques et cardiovasculaires (antihypertenseurs, antithrombotiques et surtout statines). 
À l'inverse, le déficit des délivrances de vaccins chez les moins de 18 ans persiste au cours des 4 premiers mois de l'année 2021. 
Malgré un rebond des délivrances de médicaments pour examen d'imagerie médicale (coloscopie, IRM, scanner) début 2021, ce phénomène de rattrapage n'est pas suffisant pour pallier le recul accusé en 2020.
Le groupement d'intérêt scientifique (GIS) EPI-PHARE (ANSM et Cnam) publie un sixième rapport sur la consommation des médicaments de ville en France, durant l'épidémie de la COVID-19. 
Ce nouveau point de situation couvre une longue période, du 16 mars 2020 (début du premier confinement) au 25 avril 2021, soit 13 mois de suivi au cours desquels la population française a été confrontée à des mesures plus ou moins restrictives (cf. Encadré 1). 

Conformément à la méthodologie initiale, l'analyse s'appuie sur les données du Système National des Données de Santé (SNDS), ce qui correspond à 4 milliards de lignes de prescriptions remboursées par l'Assurance maladie à 51,6 millions d'assurés du régime général. 

Encadré 1 - Treize mois de pandémie : chronologie des mesures 
  • Premier confinement : 16 mars au 10 mai 2020
  • Second confinement : 30 octobre au 15 décembre 2020
  • Couvre-feu généralisé : à partir du 15 décembre 2020
  • Nouvelles mesures sanitaires restrictives (notamment sur les déplacements) : 3 avril au 25 avril 2021

Délivrance des médicaments psychoactifs : la tendance à la hausse se confirme et s'amplifie
Ce sixième rapport confirme notamment une tendance observée lors des précédentes analyses en 2020, à savoir l'augmentation des délivrances de médicaments antidépresseurs, antipsychotiques, anxiolytiques et hypnotiques.

Ce phénomène tend à s'amplifier au cours des premières semaines 2021 (jusqu'à S16), comme l'illustrent les données suivantes : 
  • délivrances d'antidépresseurs : solde positif de 1 million de délivrances (+ 8 %) ;
  • délivrances d'anxiolytiques : solde positif de 1,3 million (+ 9,7 % entre S1 et S12 et + 12,5 % entre S13 et S16) ;
  • Délivrances d'hypnotiques : solde positif de + 580 000 (+ 11,9 % entre S1 et S12 et + 15,5 % entre S13 et S16).

En termes d'instauration sur les 4 premiers mois de l'année 2021, on observe une hausse globale des primodélivrances pour l'ensemble des médicaments psychoactifs par rapport à l'attendu : 
  • + 23 % pour les antidépresseurs (Figure 1) ; 
  • + 18 % pour les antipsychotiques ; 
  • + 15,2 % pour les anxiolytiques ;
  • + 26,4 % pour les hypnotiques (Figure 2). 

Pour les auteurs, "cette augmentation reflète, sur le plan médical, l'impact psychologique majeur de l'épidémie de Covid-19 sur la population et de ses conséquences sociales, professionnelles et économiques".

Figure 1 -  Nombre par quinzaine des délivrances sur ordonnance d'antidépresseurs en 2018, 2019, 2020 et 2021 – comparaison observé sur attendu. Les périodes de confinement et de mesures restrictives sont indiquées par des doubles flèches. 

Source : rapport EPI-PHARE Usage des médicaments de ville en France durant l'épidémie de Covid-19 – point de situation jusqu'au 25 avril 2021.

Figure 2 - Nombre par quinzaine des délivrances sur ordonnance de médicaments hypnotiques en 2018, 2019, 2020 et 2021 – comparaison observé sur attendu. Les périodes de confinement et de mesures restrictives sont indiquées par des doubles flèches.

Source : rapport EPI-PHARE Usage des médicaments de ville en France durant l'épidémie de Covid-19 – point de situation jusqu'au 25 avril 2021.

Nette hausse des médicaments du diabète et des maladies cardiovasculaires 
Ce sixième rapport met par ailleurs en évidence un nouveau phénomène, observé au cours des 4 premiers mois de l'année 2021 : la consommation (les délivrances) des traitements antidiabétiques et cardiovasculaires a fortement augmenté. 

Le phénomène est d'autant plus marqué en instauration de traitement, chez des patients naïfs de ces médicaments : 
  • + 69 000 instaurations de traitements antihypertenseurs, soit une augmentation de 14,7 % ; 
  • + 15 000 instaurations d'antidiabétiques (hors insuline), soit une augmentation de 11 % ; 
  • + 61 000 instaurations de traitement par statines, soit une augmentation de 24 % ;
  • +122 000 instaurations de traitement par antithrombotiques, soit une augmentation de 19,3 %.

En termes de délivrance globale pour chacune de ces catégories au cours des 4 premiers mois de 2021 (S1 à S16), l'analyse montre :
  • pour les anti-hypertenseurs : un solde positif de 234 000 délivrances par rapport à l'attendu (Figure 3). Dans cette catégorie, le transfert des antihypertenseurs de type inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) vers les sartans s'est confirmé ; la prescription d'IEC a reculé de 19,6 % contre une hausse de 21,4 % pour les sartans ;
  • pour les antidiabétiques : un solde positif de 500 000 délivrances par rapport à l'attendu (Figure 4) ;
  • pour les antithrombotiques : un solde positif de 130 000 délivrances par rapport à l'attendu.

Figure 3. Évolution des instaurations d'anti-hypertenseurs observées en 2020 et 2021 par rapport à l'attendu.
Source : rapport EP-PHARE Usage des médicaments de ville en France durant l'épidémie de Covid-19 – point de situation jusqu'au 25 avril 2021

Figure 4 Évolution des instaurations des antidiabétiques non insuliniques observées en 2020 et 2021 par rapport à l'attendu
Source : rapport EPI-PHARE Usage des médicaments de ville en France durant l'épidémie de Covid19 – point de situation jusqu'au 25 avril 2021

Des explications avancées par les auteurs du rapport
Selon les auteurs, ce phénomène pourrait s'expliquer par plusieurs facteurs concomitants, favorisant la survenue de maladies cardiovasculaires et métaboliques : 
  • baisse contrainte d'activité physique engendrée par la succession des  mesures de restrictions, dont la fermeture des salles de sport et le couvre-feu ;
  • prise de poids en lien avec la baisse d'activité et une modification des habitudes alimentaires (cf. Encadré 2).

Encadré 2 - Quelques chiffres issus de l'étude COVIPREV
  • 27 % des personnes déclaraient avoir pris du poids pendant le premier confinement ; 
  • près de 6 personnes sur 10 déclaraient avoir fait moins de 30 minutes de marche par jour.

COVIPREV est une enquête de Santé publique France dont l'objectif est de suivre l'évolution des comportements et de la santé mentale pendant l'épidémie de COVID-19.

Tendance à la baisse : le déficit en vaccination des moins de 18 ans s'est accentué au premier trimestre 2021
À l'inverse, ce sixième rapport montre une accentuation du déficit de la vaccination des enfants et adolescents durant les 4 premiers mois de cette année (après un retour à la normale fin 2020) :
  • vaccin penta et hexavalents pour nourrissons : - 29 000 doses par rapport à l'attendu, 
  • vaccins anti-HPV : - 103 000 doses chez les jeunes filles (pas de comparaison possible chez les garçons puisque ce vaccin est recommandé cette population depuis le 1er janvier 2021) ;
  • vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) : - 96 000 doses ;
  • vaccin antitétanique : - 230 000 doses. 

La chute de délivrance des vaccins penta et hexavalents (- 3,7 %) pourrait s'expliquer par une baisse de la natalité en France au cours des derniers mois.
Les auteurs relèvent le contraste entre cette baisse des vaccinations obligatoires ou recommandées et la forte demande en vaccin anti-COVID-19 sur la même période. 

Médicaments à visée diagnostique : un rattrapage insuffisant
Parmi les autres catégories de produits pistées depuis 13 mois, les médicaments d'imagerie médicale (
produits permettant de réaliser des actes de diagnostics médicaux par coloscopies, scanners ou IRM) accusent une augmentation des délivrances, après une chute persistante en 2020 : 
  • + 3,6 % pour les préparations pour coloscopie entre janvier et avril 2021 (contre - 17 % en 2020), 
  • + 3,1 % pour les produits iodés pour scanner entre janvier et avril 2021 (contre - 9 % en 2020), 
  • + 4,5 % pour les produits de contraste pour IRM entre janvier et avril 2021 (contre - 10 % en 2020). 
Ces nouvelles données traduisent une reprise des examens d'imagerie à visée diagnostique ou de suivi (cancer, maladies graves en poussée), mais cette augmentation n'est pas suffisante pour rattraper les retards importants enregistrés en 2020 sur l'ensemble de la filière de cancérologie et de médecine de spécialité.

Les antibiotiques et les AINS restent en recul
Après une chute importante (et inédite) de consommation en 2020, les délivrances de médicaments appartenant aux catégories suivantes restent en recul selon les données recueillies entre janvier et avril 2021 :
  • antibiotiques pulmonaires et ORL : - 4,7 millions de traitements en 2021 (soit une recul de 24,8 %) ;
  • anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : - 26,9 % ;
  • corticothérapie orale utilisée pour les affections aiguës ORL et affections inflammatoires : - 27,4 %.

Pour aller plus loin
Usage des médicaments de ville en France durant l'épidémie de Covid-19 : point de situation jusqu'au 25 avril 2021 (ANSM, 28 mai 2021)
Rapport 6 : usage des médicaments de ville en France durant l'épidémie de la COVID-19 - Point de situation jusqu'au 25 avril 2021 (ANSM et Assurance maladie - 27 mai 2021)

Les articles VIDAL relatifs aux précédents rapports EPI-PHARE :

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