#Santé publique #COVID-19

Quand les visioconférences épuisent

La COVID-19 a conduit nombre de travailleurs à recourir aux visioconférences. Un outil très pratique en cas de confinement, mais qui a aussi ses écueils. Plusieurs enquêtes ont montré qu'elles pouvaient être source de divers maux, aussi bien physiques que psychiques.
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Télétravail : des outils à double tranchant (illustration).

Télétravail : des outils à double tranchant (illustration).

Résumé :
Perte de concentration, nervosité, impatience… Ces symptômes peuvent traduire un épuisement par visioconférences, nouveau « syndrome » apparu avec l'explosion du télétravail et du recours aux conférences virtuelles. Et sans doute parce qu'elles accordent généralement une plus grande importance aux éléments de communication non verbale, les femmes semblent plus souvent victimes de cette « Zoom fatigue ».
La généralisation du télétravail, pour les personnes dont le métier le permet, a suscité un fort engouement au début de la pandémie de COVID-19… Pas de perte de temps dans les transports, plus grande flexibilité pour gérer les tâches ménagères, meilleure organisation des journées etc. Mais, corollaire de la prolongation du travail à distance, le recours aux visioconférences a explosé, les réunions, peu fréquentes pendant les premières semaines, ont fini par s'enchaîner, provoquant l'apparition d'un nouveau phénomène dont se plaignent de plus en plus de personnes : l'épuisement par visioconférences, que d'aucuns surnomment la « Zoom fatigue » (Zoom faisant partie des entreprises de communication vidéo utilisées).

Des enquêtes riches d'enseignements
Plusieurs équipes se sont penchées sur ce problème.
Une enquête allemande, menée en septembre 2020 par l'institut IBE à Ludwigdhafen auprès de 422 salariés avait été l'une des premières à préciser l'ampleur du phénomène et les symptômes qu'il engendre. Quelque 60 % des personnes interrogées (des managers, des responsables de ressources humaines, etc.) avaient rapporté souffrir de ce type de fatigue, parfois dans 77 % des cas, mais en permanence dans 14 % des cas, avec une intensité jugée comme forte par deux tiers des sujets. Parmi les symptômes les plus souvent cités : moindre concentration pour la quasi-totalité des répondants, nervosité, impatience, irritabilité pour la moitié d'entre eux, manque de nuance, maux de tête, mal de dos et troubles visuels dans un tiers des cas, comportement impétueux vis-à-vis des collègues et insomnie dans 10 à 15 % des cas. L'analyse détaillée des différents facteurs de stress possibles a permis de distinguer trois grandes catégories : des facteurs touchant à la communication interpersonnelle, des facteurs organisationnels et, enfin, des facteurs techniques.

Perte de la communication non verbale
Le manque de signaux de communication non verbale apparaît comme un facteur de stress important, rapporté par 70 % des personnes interrogées, qui citent particulièrement l'absence de vision de la gestuelle et de l'expression faciale ou le manque d'apartés, bref une bonne part de ce qui fait l'interaction humaine.

Au niveau organisationnel, l'absence de pauses est un facteur de stress fréquemment cité, pendant les réunions ou entre les réunions, qui tendent à s'enchaîner tout au long de la journée. Nombreux sont aussi ceux qui se plaignent du caractère trop structuré de ces visioconférences, ne laissant, par exemple, pas de place aux moments de détente et aux pointes d'humour. L'impossibilité de pouvoir occasionnellement parler en même temps que l'orateur, sans intention de lui couper la parole, mais, au contraire pour l'encourager et manifester son enthousiasme, est aussi source de frustration pour certains, comme le souligne un article du Washington Post

Enfin, les facteurs techniques ne sont pas en reste, la moitié des répondants devant faire des efforts importants pour bien entendre, 40 % rapportant être gênés par des problèmes de connexion internet et un tiers par une image de piètre qualité.

Le rôle de l'angoisse du miroir
De façon étonnante, le fait d'être vu ne semble pas comme considéré très stressant dans cette enquête, alors que cela semble jouer un rôle, particulièrement chez les femmes, dans un autre travail, mené par une équipe de chercheurs de Suède et de l'université de Stanford (États-Unis), sur plus de 10 000 personnes. Cette vaste enquête, qui s'est appuyée sur l'utilisation d'une échelle spécifiquement conçue dénommée ZEF (Zoom Exhaustion & Fatigue), souligne logiquement que le risque de « Zoom fatigue » s'accroît avec la fréquence et la durée des visioconférences ainsi qu'avec leur rythme d'enchaînement.

Mais elle met aussi en évidence une différence entre hommes et femmes, ces dernières souffrant plus de ce type de fatigue que les hommes. En cause notamment l'angoisse du miroir, l'un des cinq mécanismes théoriques non verbaux pouvant être à l'origine de la « Zoom fatigue ». Concrètement, le fait de se voir en permanence en mode « Selfie » sur l'écran peut déclencher plus d'attention sur soi, source d'augmentation des sourires et autres mimiques faciales et de ressenti négatif. Les femmes sont également plus sensibles à la communication non verbale, et tendent donc à être stressées par le moindre accès à ce type de signaux lors des visioconférences, ce qui augmente la charge cognitive. L'enquête montre aussi que les femmes ont moins de temps de repos que les hommes entre les réunions.

Moindre mobilité
Parallèlement, les auteurs confirment, à côté de l'angoisse du miroir et des efforts visant à compenser le manque de signaux de communication non verbale, l'impact délétère des autres mécanismes non verbaux explorés sur le risque d'épuisement par visioconférence : la sensation d'être physiquement piégé du fait de l'obligation de rester dans le champ de la caméra et donc de la moindre mobilité et l' « hyperregard » sur la grille de visages à l'écran, les yeux étant plongés dans ceux des autres participants quelle que soit la personne qui prend la parole.

Un engouement qui, lui aussi, s'est épuisé
Le plus lourd tribut payé par les femmes est confirmé par une autre enquête menée aux États-Unis par le cabinet Robert Half, sur un panel de 1 000 personnes occupant habituellement un emploi de bureau et dont les trois quarts participent à des réunions virtuelles depuis le début de la pandémie. Les femmes sont là aussi plus nombreuses que les hommes à rapporter de la fatigue liée à ces réunions (47 % versus 32 %). En moyenne, 30 % des journées de travail se passent dans ce type de réunions, qui occupent plus de la moitié de la journée dans 25 % des cas. Un quart des personnes interrogées estiment que les côtés initialement appréciés des visioconférences (nouveauté, commodité) se sont évaporés et qu'ils préfèrent désormais communiquer par d'autres moyens comme les mails ou le téléphone.

Que faire pour réduire l'impact négatif de ces réunions virtuelles
Les limiter au maximum, en nombre, en durée et en nombre de participants, les préparer en partageant les documents nécessaires en amont, tester le matériel et éviter le multitâche, aménager l'espace de travail afin de mettre une plus grande distance avec l'écran, proposer des jours sans vidéos, etc. Les recherches se poursuivent, ce qui devrait permettre à terme de développer des mesures de prévention.

©vidal.fr

Pour en savoir plus

- Jutta Rump et Mark Brandt. Institut für Beschäftigung and Employability. Zoom fatigue. Septembre 2020.

- Rachel Kurzius. How Zoom killed the fine art of interrupting. Washington Post. 10 mai 2021.


- Fauville Geraldine et al. Nonverbal Mechanisms Predict Zoom Fatigue and explain Why Women Experience Higher Levels than Men. SSRN. 14 Aprt 2021.

- Cabinet Robert Half. Nearly 4 in 10 Workers are Suffering From Video Call Fatigue. Novembre 2020.

 
Sources

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