Un pic de mortalité, mais dont les causes ne sont pas encore détaillées (illustration).
La France a recensé provisoirement 667 000 décès en 2020, soit 53 900 de plus qu'en 2019. Cet accroissement de 9 % doit être pondéré par la prise en compte de l'augmentation régulière des décès liée au vieillissement des Français, augmentation qui frôle les 2 % par an. Cependant, même après ajustement sur l'âge moyen, il existe, en 2020, une nette surmortalité concomitante à l'épidémie de COVID-19, de l'ordre de 7 %.
Les déclarations de décès électroniques, plus rapides à traiter que les manuscrites (mais ne représentant que 40 % des déclarations), nous apprennent que la mortalité française attribuée à la COVID-19, en 2020, a surtout concerné des sujets âgés : 93 % des victimes ont plus de 65 ans et leur âge moyen est de 82 ans. Près de 80 % des décès surviennent chez les plus de 75 ans, contre 5 % chez les moins de 55 ans. Cependant, ces chiffres sont issus de données partielles et la consolidation, réalisée annuellement par l'Inserm, prendra encore de nombreux mois.
Quelle est la part de la responsabilité de la COVID-19 dans l'excès de mortalité ?
Les chiffres bruts étant posés, il reste à déterminer la part de responsabilité, directe et indirecte, de l'épidémie, dans l'excès de mortalité, et c'est alors que les difficultés commencent ...
Première surprise, le nombre de décès français attribués provisoirement à la COVID-19 est de 64 600 pour l'année 2020, supérieur à l'excès de mortalité globale (53 900). Certes, ces chiffres ne proviennent pas des mêmes sources, mais interrogé par Henri Seckel pour Le Monde, le démographe et épidémiologiste Jean-Marie Robine attribue ce « manque » de morts à la diminution du poids d'autres facteurs de mortalité : en premier lieu, la diminution de la mortalité routière et infectieuse hors COVID-19, l'épidémie de grippe ayant été quasi inexistante en 2020. Toutefois, nous ne disposons pas de données incluant les causes de décès français survenus en 2020. À ce jour, seuls les États-Unis ont publié des statistiques provisoires comprenant les causes de décès de l'année écoulée. Ils sont résumés dans le tableau ci-dessous :
Données provisoires sur la mortalité 2020 aux États-Unis Cause du décès |
Nombre de décès annuels rapportés aux causes principales (variation brute par rapport à 2019) |
||
2018 |
2019 |
2020 |
|
Mortalité totale |
2 839 205 |
2 854 838 |
3 358 814 (+ 17,6 %) |
Maladies cardiovasculaires |
655 381 |
659 041 |
690 882 (+ 4 %) |
Cancers |
599 274 |
599 601 |
598 932 ( = ) |
COVID-19 confirmée ou présumée |
345 323 |
||
Blessures non intentionnelles |
167 127 |
173 040 |
192 176 (+ 11 %) |
Accidents vasculaires cérébraux |
147 810 |
150 005 |
159 050 (+ 6%) |
Maladies respiratoires chroniques |
159 486 |
156 979 |
151 637 (- 4 %) |
Maladie d'Alzheimer |
122 019 |
121 499 |
133 382 (+ 9%) |
Diabète (de type 1 et 2) |
84 946 |
87 647 |
101 106 (+ 15%) |
Pneumonies et grippes |
59 120 |
49 783 |
53 495 (+ 7 %) |
Maladies rénales |
51 386 |
51 565 |
52 260 (+ 1 %) |
Suicide |
48 344 |
47 511 |
44 834 (- 6%) |
Certes, les déterminants sociaux nord-américains ne sont pas comparables aux nôtres, mais l'examen de ces données démographiques, publiées par le National Vital Statistics System (NVSS) des CDC est intéressant.
La COVID 19 prend la place du suicide dans le « top 10 » des causes de décès au États-Unis !
Si l'augmentation brute de la mortalité est près du double de celle constatée en France, c'est surtout la répartition des décès qui interpelle : les morts par blessure non intentionnelle (accidents de la circulation compris) sont en nette hausse ! À l'inverse, les décès par suicide sont en baisse de 6 %. Mais les États-Unis ne sont pas la France !
Aux États-Unis, entre janvier et décembre 2020, le taux de mortalité estimé, ajusté sur l'âge, a augmenté pour la première fois depuis 2017 , avec une hausse de 15,9 % par rapport à 2019, passant de 715,2 à 828,7 décès pour 100 000 habitants. La COVID-19 était la cause principale ou contributive de 377 883 décès (91,5 pour 100 000 habitants). Les taux de mortalité les plus élevés liés à la COVID-19 ont été constatés chez les hommes, les personnes âgées et celles d'origine indienne, inuite ou hispanique. Les taux de décès globaux et dus à la COVID-19 les plus nombreux sont survenus en avril et décembre 2020. La COVID-19 était la troisième cause principale de décès en 2020, prenant ainsi la place du suicide.
Le rapport du NVSS prend cependant le soin de préciser que ces données provisoires sont soumises à de nombreux biais liés à leur caractère incomplet.
Dans un point de vue publié dans le JAMA, les auteurs du rapport reprennent leurs données et considèrent que « ces augmentations peuvent indiquer, dans une certaine mesure, une sous-déclaration de la COVID-19, c'est-à-dire que des tests limités au début de la pandémie peuvent avoir entraîné une sous-estimation de la mortalité par COVID-19. L'augmentation d'autres causes majeures, en particulier les maladies cardiaques, la maladie d'Alzheimer et le diabète, peut également refléter des perturbations des soins de santé qui ont pu entraver la détection précoce et la gestion de ces maladies. La hausse des décès par blessures non intentionnelles en 2020 était largement due aux overdoses. Les données finales sur la mortalité aideront à déterminer l'effet de la pandémie sur les tendances concomitantes des décès par surdose de médicaments ».
Si cette explication paraît plausible pour les maladies cardiaques ou le diabète, il est aussi possible que des décès attribués à la maladie d'Alzheimer soit en fait dus à des COVID-19 non diagnostiquées. Enfin, la pertinence limitée d'une comparaison de ces chiffres avec la situation française est matérialisée par le nombre de morts par overdose, sans commune mesure avec la situation française.
Il faudra donc attendre la consolidation des données françaises par l'Inserm pour en savoir plus, mais, comme aux États-Unis, la seule chose certaine est que l'année 2020 aura connu, en France, un pic de mortalité jamais atteint depuis la dernière guerre mondiale.
©vidal.fr
Pour aller plus loin
- Insee. Première estimation provisoire du nombre de décès en 2020. 15 janvier 2021.
- Henri Seckel. "Le décompte de la mortalité liée au Covid-19 est une usine à gaz" Interview de Jean-Marie Robine. Le Monde. 19 janvier 2021.
- Ahmad FB , Cisewski JA , Miniño A , Anderson RN . Provisional Mortality Data-United States, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. Published March 31, 2021.
- Ahmad FB, Anderson RN. The Leading Causes of Death in the US for 2020. JAMA. Published online March 31, 2021.
- Stratégie France. Comparaison internationale : au-delà des décès identifiés Covid, combien de morts en plus. Point d'étape un an après. 28 mars 2021
- Mode d'emploi de la certification de décès électronique en France avec un smartphone.
- VIDAL CDC (Centers for Disease Control and Prevention)
" La COVID-19 était la troisième cause principale de décès en 2020, prenant ainsi la place du suicide. " dites-vous au sujet des USA...
Soit l'un des deux chiffres est erroné, soit votre affirmation est inexacte !
Dans ce tableau, c'est la 3ème place qui a été prise par la COVID, celles des "blessures non intentionnelles" !
Par ailleurs je note que le chiffre de 53900 décès supplémentaires par rapport à 2019 (auquel il faudrait enlever 2% environ) soit si éloigné des 100000 décès imputés à la COVID et ce avant la fin 2020 si ma mémoire est bonne.
Il aurait été intéressant d'avoir un commentaire à ce sujet !
" La COVID-19 était la troisième cause principale de décès en 2020, prenant ainsi la place du suicide. " dites-vous au sujet des USA...
Soit l'un des deux chiffres est erroné, soit votre affirmation est inexacte !
Dans ce tableau, c'est la 3ème place qui a été prise par la COVID, celles des "blessures non intentionnelles" !
Par ailleurs je note que le chiffre de 53900 décès supplémentaires par rapport à 2019 (auquel il faudrait enlever 2% environ) soit si éloigné des 100000 décès imputés à la COVID et ce avant la fin 2020 si ma mémoire est bonne.
Il aurait été intéressant d'avoir un commentaire à ce sujet !
Pour votre deuxième question, la réponse est dans le texte et le chiffre imputé est de 64600 et non 100000 (pour la seule année 2020)