#Santé publique #COVID-19

Pas d’azithromycine dans la COVID-19 en dehors d’une indication antibactérienne

L'azithromycine ne doit pas être utilisée chez les patients hospitalisés pour COVID-19 en dehors d'une indication antibactérienne claire : telle est la conclusion de l'essai RECOVERY (1), alors que cet antibiotique a été largement prescrit hors AMM dans la COVID-19, notamment pour ses effets antiviraux constatés in vitro (2, 3).

L'azithromycine est un antibiotique de la classe des macrolides, dotée d'une indication d'AMM dans certaines infections respiratoires bactériennes. L'idée de l'utiliser au cours de la COVID-19 est liée au fait que, au-delà de leurs propriétés antibactériennes, les macrolides ont une activité immunomodulatrice, diminuant la production de cytokines pro-inflammatoires et inhibant l'activation des neutrophiles (4). Or la réponse immunitaire au cours de la COVID-19 est considérée comme déterminante dans la genèse d'une pneumopathie grave, comme en témoigne l'effet bénéfique désormais démontré des corticoïdes (voir notre article du 9 mars 2021).

De plus, l'azithromycine a, in vitro, une activité sur certains virus et, dans une étude, a montré une capacité à inhiber la réplication du SARS-CoV-2 dans des cellules Vero (lignée cellulaire utilisée pour les cultures cellulaires) et épithéliales humaines, à des concentrations équivalentes à celles obtenues dans le poumon, chez des patients traités à la posologie de 500 mg /jour (5). En revanche, l'efficacité de l'azithromycine n'a pas été démontrée cliniquement dans les infections virales.

Cependant, le désarroi engendré par l'épidémie de COVID-19, joint à l'absence de traitement validé, a conduit à « essayer » plusieurs médicaments, dans un certain désordre, entraînant des prises de position « passionnelles ». En France, le paroxysme a été atteint avec l'utilisation de l'hydroxychloroquine, seule ou en association avec l'azithromycine. Pendant que certains cliniciens débattaient sur l'intérêt de ces médicaments, d'autres ont choisi de les évaluer dans un essai clinique dont la méthodologie rendrait leur conclusion indiscutable. Il s'agit du bras azithromycine de l'essai RECOVERY (1), étude qui a permis d'apporter une réponse (en l'occurrence négative), à une question bien posée : l'azithromycine est-elle efficace pour traiter l'infection par le SARS-CoV-2 et en prévenir les formes graves ?



 
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Une activité antivirale in vitro mais pas de bénéfice clinique de l'azithromycine dans l'infection à SARS-CoV-2 (illustration).

Une activité antivirale in vitro mais pas de bénéfice clinique de l'azithromycine dans l'infection à SARS-CoV-2 (illustration).


Certains malades ayant contracté une maladie respiratoire au cours de la COVID-19, développent un syndrome respiratoire sévère (hypoxie nécessitant une ventilation assistée) pouvant conduire au décès. Au Royaume-Uni, pendant la première vague, la mortalité était de l'ordre de 26 % chez les patients atteints de COVID-19 hospitalisés et de 37 % chez ceux ayant nécessité une ventilation mécanique. Or le système immunitaire joue un rôle-clé dans la réponse de l'organisme à l'infection, pouvant, en cas de défaillance, favoriser une atteinte pulmonaire grave de COVID-19, faite de lésions alvéolaires diffuses, d'infiltrats inflammatoires et de microthromboses. En attestent les effets bénéfiques des corticostéroïdes, dont la dexaméthasone, chez les malades hypoxiques. Ces premières données justifiaient donc d'évaluer d'autres immunomodulateurs ou immunosuppresseurs.

L'azithromycine est un macrolide, largement utilisé et bien toléré, doté, en plus de ses propriétés antibactériennes, d'une activité immunomodulatrice et peut-être antivirale.
Une recherche bibliographique (via MEDLINE, Embase, bioRxiv, medRxiv et la WHO International Clinical Trials Registry Platform), faite entre le 1er septembre 2019 et le 12 novembre 2020 a permis d'identifier 3 essais randomisés ayant comparé, chez des patients hospitalisés pour COVID-19, l'azithromycine (500 mg/j) aux soins habituels. L'azithromycine y était toujours associée à l'hydroxychloroquine. Chez les 1 223 malades inclus dans l'ensemble de ces études, aucune différence n'a été constatée entre les traitements concernant : la mortalité (10 %), la durée d'hospitalisation et l'amélioration clinique. Cependant, compte tenu de leur faible puissance statistique, ces essais ne permettaient pas d'exclure une différence qui, en réalité, existerait. En conséquence, au regard du faible niveau de preuve d'un bénéfice clinique de l'azithromycine (ou de son absence) dans la COVID-19, l'évaluation, grâce à une étude randomisée, de l'effet de l'azithromycine en monothérapie sur la mortalité de patients hospitalisés pour COVID-19 devenait justifiée et urgente.

Un plan d'analyse statistique peu critiquable et un sponsor indépendant
RECOVERY (1) est un essai randomisé (avec une répartition de 2:1 en faveur des soins usuels), ayant eu pour objectif de comparer, en ouvert, plusieurs médicaments : azithromycine, dexaméthasone, hydroxychloroquine, lopinavir-ritonavir, plasma de convalescent, tocilizumab et, ultérieurement, la combinaison de deux anticorps monoclonaux contre la glycoprotéine Spike du SARS-CoV-2, l'aspirine et la colchicine, auxquels s'ajoutait un groupe « soins habituels » de référence. L'étude, menée dans 176 hôpitaux britanniques, a été coordonnée par l'université d'Oxford (Royaume-Uni).

Les patients éligibles devaient être âgés d'au moins 18 ans (puis sans limite d'âge après mai 2020), admis à l'hôpital s'ils étaient cliniquement suspects ou porteurs d'une infection confirmée par SARS-CoV-2 et sans allongement de l'intervalle QTc.
Le critère principal d'évaluation était la mortalité toutes causes confondues mesurée 28 jours après la randomisation. Les critères secondaires, recueillis également 28 jours après le tirage au sort étaient : le délai avant la sortie de l'hôpital et, chez les patients sans ventilation mécanique au moment de la randomisation, la nécessité d'une ventilation mécanique invasive (incluant l'oxygénation par membrane extracorporelle), ou le décès. Des critères cliniques prédéfinis ont été analysés à 6 mois : mortalité due à des causes spécifiques ; hémodialyse ou hémofiltration, arythmie cardiaque majeure, durée de la ventilation.

À la fin de l'essai, la comparaison des données du groupe azithromycine à celles du groupe « soins usuels » a été effectuée en intention de traiter, c'est-à-dire que tous malades randomisés étaient analysés dans leur groupe d'affectation par le tirage au sort, quelle que soit la durée de ce traitement. Le nombre de malades qui n'avait pas été estimé lorsque l'étude a été planifiée au début de la pandémie (car on ignorait alors l'intensité et la durée de cette épidémie), l'a été en cours d'essai par le comité scientifique. Ses membres, qui étaient censés ignorer les premiers résultats, ont décidé de calculer le nombre nécessaire de patients à inclure, de façon à atteindre une puissance statistique d'au moins 90 %, avec une valeur de « p » de 0,01, afin de pouvoir détecter une différence de 20 % du critère principal d'évaluation. Dans le groupe azithromycine, l'inclusion a été arrêtée à la fin du mois de novembre 2020, soit dès que le nombre de patients a été suffisant.

Le sponsor de cet essai (The National Institute for Health Reseach (NIHR) Clinical Research Network) n'a eu aucun rôle dans la méthodologie, le recueil des données, l'analyse et l'interprétation des résultats, de même que dans la rédaction du rapport.

Des résultats négatifs clairs et sans appel
Entre le 7 avril et le 27 novembre 2020, 9 433 (57 %) des 16 442 patients inclus dans l'essai RECOVERY étaient éligibles pour être randomisés dans le bras évaluant l'azithromycine (pas de contre-indication à l'azithromycine). Parmi eux, 2 582 ont été affectés au groupe azithromycine et 5 181 au groupe « soins habituels ».

À l'inclusion, les patients des groupes azithromycine et « soins habituels » étaient comparables pour toutes les caractéristiques analysées : l'âge moyen (65,4 ans versus 65,·2 ans ; la répartition des classes d'âge ; le sexe ; l'origine ethnique; le délai entre le début des symptômes et la randomisation ; le délai entre l'hospitalisation et la randomisation ; le type d'aide à la respiration ; l'existence de comorbidités ; le recours aux corticoïdes ; le résultat du test SARS-CoV-2.
Le critère principal a pu être obtenu chez 2 506 (97 %) patients du groupe azithromycine et 5 054 (98 %) du groupe « soins habituels ». Parmi eux, respectivement 2 269 (91%) et 68 (1 %) ont reçu au moins une dose et 2 347 (94 %) versus 837 (17%) ont été traités par un macrolide.

La durée médiane de traitement par l'azithromycine a été de 6 jours. Il n'y a pas eu de différence entre les deux groupes concernant les autres traitements visant la COVID-19, avec plus de la moitié des patients traités par corticoïdes, environ un quart par remdésivir, un cinquième par du plasma de convalescents et un douzième par tocilizumab ou sarilumab.

La mortalité au 28e jour post-randomisation, critère principal d'évaluation, a été similaire dans le groupe azithromycine (22 % : 561 décès sur 2 582 patients) et le groupe « soins habituels » (22 % : 1 162 décès sur 5 181 patients), soit un Odds Ratio (OR) de 0, 97 (0,8-1,07) ; p = 0,50). De même, les autres critères n'ont pas été différents chez les malades traités par azithromycine et chez ceux ayant reçu les « soins habituels : le temps médian avant la sortie de l'hôpital (10 jours versus 11 jours) ; le pourcentage de patients sortis avant le 28e jour (69 %-68 %) ; chez les patients sans ventilation mécanique invasive à l'inclusion, la nécessité d'une ventilation mécanique invasive (9 % contre 9 %), le décès (20 %-21 %) et une ventilation mécanique invasive ou le décès (25 %-26 %), soit un OR de 0,95 (0, 8-1, 03) ; p = 0, 24).

Une absence de différence entre l'azithromycine et les « soins habituels » a également été constatée dans les sous-groupes prédéfinis (classe d'âge, sexe, origine ethnique, délai entre le début des symptômes et la randomisation, type d'aide à la respiration à l'inclusion, corticoïdes).

La survenue d'arythmies cardiaques n'a pas été plus fréquente dans le groupe azithromycine que dans le groupe « soins habituels ». Ces résultats étaient identiques lorsque seuls les 7 093 patients ayant un test positif au SARS-CoV-2 (91 % des inclus) ont été pris en compte.

Les conclusions de l'essai et les réflexions qu'elles suggèrent
Cette étude démontre ainsi que l'azithromycine n'est pas efficace chez les patients hospitalisés pour COVID-19. En effet, elle ne réduit, ni la mortalité, ni la durée d'hospitalisation, ni la nécessité d'une ventilation assistée et elle ne diminue pas, non plus, le risque de décès chez les malades ventilés à l'admission et cela quels que soient les caractéristiques des patients et les traitements associés, dont les corticoïdes.

Ces résultats devraient donc mettre un coup d'arrêt à la prescription d'azithromycine au cours de la COVID-19, lorsque l'on sait que l'antibiothérapie (principalement les macrolides) donnée, soit en prévention, soit en cas de suspicion d'une surinfection bactérienne concernait, en 2020, au Royaume-Uni, 75 % des patients hospitalisés pour COVID-19.

Malgré un risque de surinfections bactériennes pulmonaires présent dans toutes les maladies virales, une prévention de ces surinfections par l'azithromycine n'apparaît pas bénéfique dans des formes non sévères (ni critiques, ni sévères)* de COVID-19. Ceci peut s'expliquer, soit par une incidence basse de ces surinfections, soit par l'utilisation large de bêtalactamines ou d'autres antibiotiques en cas de suspicion d'infections (et donc en curatif).

La méthodologie de cet essai (randomisé, avec de larges critères d'éligibilité, de grands effectifs permettant une puissance élevée, le recueil du critère principal d'évaluation chez 98 % des inclus), permet d'en retenir les résultats.
Si on peut comprendre la difficulté d'un double aveugle avec autant de groupes comparés, on pourrait regretter, en premier lieu, sa réalisation en ouvert : les participants et les soignants savaient si le traitement reçu était l'azithromycine ou seulement les « soins habituels ». En effet, le fait de connaître le traitement reçu peut influencer l'évaluation du critère principal d'évaluation. Cependant, ce dernier, à savoir « la mortalité toutes causes confondues 28 jours après la randomisation, étant objectif et non ambigu, il est peu probable que sa connaissance ait modifié les résultats.

Enfin, les grands effectifs de RECOVERY rendent quasi impossible le fait de passer à côté d'une différence réelle, mais trop faible pour être mise en évidence (manque de puissance), comme cela était le cas dans les essais précédents.

Toutefois, si ces résultats montrent l'absence d'intérêt de l'azithromycine chez les patients hospitalisés, ils ne répondent pas à la question de son efficacité éventuelle dans la COVID-19 suffisamment bénigne pour être prise en charge à domicile.

Quid de la tolérance de l'azithromycine?
Si l'absence d'efficacité de l'azithromycine est un élément plus pertinent que ses risques pour déconseiller l'azithromycine dans la COVID-19, la tolérance de cet antibiotique doit également être prise en compte. Dans RECOVERY, il n'a pas été observé de risques particuliers associés à l'azithromycine.

Son potentiel de sélection de germes résistants, qui représente un danger sociétal bien documenté (6), et les autres risques établis, communs aux macrolides, représentent cependant un argument supplémentaire pour ne pas prescrire d'azithromycine. Il s'agit, pour les plus graves, essentiellement du prolongement de la durée de l'intervalle QTc, capable d'entraîner des troubles du rythme cardiaque, dont des torsades de pointes. Ce risque est majoré par l'association à d'autres médicaments allongeant l'intervalle QTc comme, par exemple, l'hydroxychloroquine, et aussi en cas d'hypokaliémie, d'hypomagnésémie ou encore de bradycardie (3, 7).

Néanmoins, si la fréquence de survenue d'arythmies cardiaques n'a pas été précisée dans cet essai, elle n'a pas été plus fréquente dans le groupe azithromycine que dans le groupe « soins habituels », ce qui s'explique, sans doute, par l'inéligibilité des patients ayant un allongement de l'intervalle QTc.

Pour conclure, si l'azithromycine a montré une activité sur certains virus in vitro, les données cliniques de l'essai RECOVERY concluent à l'absence de bénéfice spécifique de l'azithromycine dans la prise en charge des patients atteints de la COVID-19. Par conséquent, l'azithromycine ne doit pas être utilisée dans la COVID-19 en dehors d'une indication antibactérienne claire. 


* Forme critique : définie par les critères du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), septicémie, choc septique, ou d'autres situations qui nécessitent une ventilation assistée ou des thérapies vasopressives.
Forme sévère : définie par l'un des signes suivants : saturation en oxygène < 90 % sur l'air ambiant, fréquence respiratoire > 30 respirations par minute chez l'adulte et l'enfant de plus de 5 ans ou signes de détresse respiratoire sévère. 


©vidal.fr

Pour en savoir plus

1 - RECOVERY Collaborative Group. Azithromycin in patients admitted to hospital with COVID-19 (RECOVERY): a randomised, controlled, open-label, platform trial. Lancet 2021; 397: 605 - 612.

2 - Hôpitaux universitaires de Genève. Azithromycine et COVID19 : évaluation pharmacologique. 21 novembre 2020.

3 - Société française de pharmacologie et de thérapeutique. #036. L'azithromycine est-elle efficace pour prévenir ou traiter l'infection COVID-19. Mise à jour 8 février 2021.

4 - Zimmermann P et al. The immunomodulatory effects of macrolides-a systematic review of the underlying mechanisms. Front Immunol 2018; 9: 302.

5 - Echeverría-Esnal D et al. Azithromycin in the treatment of COVID-19: a review. Expert Rev Anti Infect Ther 2021 ; 19 : 147-163.

6 - WHO Database of access, watch and reserve (AWaRe). WHO antibiotic catgorization. Date accessed: January 25, 2021.

7 - Cardiovascular risks with azithromycin. N Engl J Med 2013 ; 369: 579-581. 


 
Sources

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