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COVID-19 : mutations, variants, lignées, N501Y, E484K… de quoi parle-t-on ?

Depuis décembre 2020 et l’annonce de la dissémination explosive d’un nouveau variant de SARS-CoV-2 au Royaume-Uni, les médias généralistes se sont passionnés pour des données autrefois réservées aux virologistes : mutations et variants nous sont devenus familiers… ou pas, car la confusion règne parfois dans les esprits.

« Anglais », « sud-africain » ou « brésilien », qui sont ces nouveaux suspects ? Vont-ils être responsables d’une « deuxième épidémie de COVID-19 » comme cela a parfois été dit ? Vont-ils saturer des hôpitaux déjà sous tension ? Justifient-ils un nouveau confinement général ? Vont-ils rendre caducs nos efforts de vaccination en masse ? Autant de questions qui assaillent notre esprit fatigué après une année de pandémie médiatisée façon « montagnes russes ».

Nous vous proposons une mise au point sur ce que nous savons (ou pas) sur ces SARS-CoV-2 émergents, leurs mutations, leur capacité à se transmettre plus facilement, ou leur résistance à l’immunité acquise après un épisode de COVID-19 ou une vaccination contre cette infection.
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Les variants émergents de SARS-CoV-2 font peser une menace sur l'efficacité des vaccins contre la COVID-19 (illustration).

Les variants émergents de SARS-CoV-2 font peser une menace sur l'efficacité des vaccins contre la COVID-19 (illustration).

Depuis plusieurs semaines, l'actualité COVID-19 est emportée dans une tourmente phylogénétique où tourbillonnent mutations, lignées et variants, le plus souvent affublés de nationalités : anglais, sud-africain, brésilien, etc. Soupçonnés d'une transmissibilité accrue, d'une résistance à l'immunité, ces nouveaux SARS-CoV-2 ont douché l'optimisme né à la suite de la mise à disposition de 3 vaccins et font craindre les effets d'une troisième vague de contaminations sur un système de santé en tension.
Il nous a semblé utile de vous proposer un récapitulatif rapide des caractéristiques de ces nouvelles variations de SARS-CoV-2, ainsi que de ce que l'on sait sur leur rôle possible dans l'évolution de la pandémie et les campagnes de vaccination.

SARS-CoV-2, environ 30 000 bases pour 20 protéines
Le génome de SARS-CoV-2 se compose d'un filament d'ARN qui porte 29 981 bases codant pour 9 860 acides aminés, conduisant à la production de 20 protéines.

On distingue 4 protéines dites « structurelles » :
  • la protéine Spike (S comme spicule) qui se fixe au récepteur ACE2 des cellules-cibles et qui est au cœur de la recherche vaccinale (une spicule virale est formée de 3 protéines S agglomérées) ;
  • la nucléoprotéine ou nucléocapside (N) qui enveloppe et protège l'ARN viral ;
  • la protéine d'enveloppe (E) ;
  • la protéine de membrane (M) qui, avec S et E, constitue l'enveloppe virale.
Le génome de SARS-CoV-2 code également pour 16 protéines dites « non structurelles » (Nsp, non structural proteins) comme, à titre d'exemple, l'ARN polymérase ARN-dépendante (Nsp12). Ces Nsp sont encodées par des régions du génome appelées ORF (Open Reading Frames, cadres de lecture ouverts, en l'occurrence ORF 1a, 1b, 3a, 6, 7a, 7b et 8) qui représentent environ 80 % du génome de SARS-CoV-2. Ces protéines non structurelles jouent un rôle important dans le détournement de la machinerie cellulaire au profit du virus et dans la production et la maturation de l'ARN viral.

Comme pour tous les virus à ARN, la réplication de SARS-CoV-2 n'est pas très fidèle et de nombreuses mutations apparaissent rapidement. Celles qui font actuellement la une des journaux portent uniquement sur la protéine S. D'autres mutations apparaissent spontanément sur l'ensemble du génome de SARS-CoV-2 mais, à ce jour, elles ont moins d'impact sur la progression et le contrôle de la pandémie. En effet, la protéine S est la pièce centrale de la capacité du virus à infecter une cellule et, par son exposition à l'extérieur de l'enveloppe virale, elle est la cible de la réaction immunitaire, naturelle ou vaccinale.

Mutations, variants, lignées… comment s'y retrouver ?
Une mutation est la substitution d'une base de l'ARN (dans le cas des virus à ARN) par une autre au cours d'une erreur de réplication, ce qui aboutit à la modification de l'acide aminé correspondant sur la protéine codée par le gène muté.
Cette mutation peut aboutir à une substitution (un acide aminé en remplace un autre), une délétion (un acide aminé disparaît), une insertion (un nouvel acide aminé est introduit dans la protéine), une duplication (un acide aminé est anormalement répété), etc.

Dans le cas des variants du SARS-CoV-2 largement médiatisés, ces mutations sont essentiellement des substitutions. Par exemple, la mutation N501Y signifie que, en position du 501e acide aminé de la protéine S, une tyrosine (Y) a remplacé une asparagine (N). De la même manière, E484K signifie qu'une lysine (K) a remplacé un acide glutamique (E) comme 484e acide aminé de la protéine S.
Lorsqu'on suit le devenir de ces mutations dans le temps (leur transmission, l'ajout de nouvelles mutations, etc.), on obtient des « lignées » de virus que l'on peut visualiser comme des branches dans l'arbre généalogique de SARS-CoV-2.
Sur ces branches, un groupe de virus partageant un même ensemble de mutations est appelé « variant ». Lorsque suffisamment de mutations s'accumulent chez un variant au point que celui-ci commence à se comporter de manière particulière, on parle de « souche ».

Dans le contexte de cet article, nous allons surtout évoquer 3 variants qui appartiennent à 3 lignées distinctes :
  • la lignée B.1.1.7 (et son variant 501Y.V1, ou « britannique ») ;
  • la lignée B.1.351 (et son variant 501Y.V2, ou « sud-africain ») ;
  • la lignée P.1 ou B.1.1.248 (et son variant 501Y.V3, ou « brésilien »).
Dans la presse, les noms de la lignée ou du variant sont souvent utilisés indistinctement, l'un pour l'autre. Mais une lignée peut contenir plusieurs variants distincts.

Ces 3 lignées portent la mutation N501Y (mais elles ne sont pas les seules à la porter) et semblent être apparues indépendamment les unes des autres. Elles appartiennent à la lignée « mère » B.1, issue de la mutation D614G apparue peu après le début de l'épidémie sur la lignée « grand-mère » Wuhan. B.1 est la lignée qui a sévi de manière prépondérante en Europe et en Amérique depuis un an. Elle est estimée légèrement plus contagieuse que la lignée Wuhan.

Un autre variant fait l'objet d'un suivi particulier aux États-Unis : CAL.20C (le variant « californien », présent dans deux lignées, B.1.427 et B.1.429). Ce variant porte la mutation L452R sur la protéine S (mutation observée au Danemark dès mars 2020) qui pourrait favoriser sa transmission. Début 2021, ce variant représente environ 45 % des nouveaux cas en Californie, notamment en Californie du Sud.

De plus, de nombreuses autres lignées portant la mutation E484K sont identifiées chaque semaine, par exemple B.1.526 à New York, ou B.1.525 en Écosse et dans de nombreux autres pays, dont la France. La présence de cette mutation fait craindre un échappement partiel de ces lignées à l'immunité naturelle ou vaccinale (car elle se trouve également chez B.1.351 et P.1), mais rien n'est certain à ce jour.
La lignée B.1.525 porte également une mutation sur le 677e acide aminé de la protéine S, une localisation proche du site de clivage de S, important pour la capacité de SARS-CoV-2 à infecter les cellules cibles. Les mutations portant sur ce site sont suivies avec attention par les virologistes.

Le cas de la lignée B.1.1.7 (variant 501Y.V1) dite « britannique »
Également appelée Variant of concern – VC – 202012/01, variant « Kent » ou 20I/501Y.V1, le variant 501Y.V1 de la lignée B.1.1.7 a été observé pour la première fois au Royaume-Uni, en décembre 2020 (mais il y était présent depuis au moins le mois de septembre).
Par rapport à la lignée B.1, B.1.1.7 présente 19 mutations principales, dont 8 sur la protéine S. Parmi celles-ci :
  • N501Y qui, en modifiant légèrement l'extrémité de la protéine S, semble améliorer la liaison entre cette protéine et le récepteur ACE2 des cellules cibles ;
  • P681H qui semble augmenter la production de protéine S par les cellules infectées ;
  • deux délétions (H69-V70 et Y144/145) qui pourraient modifier la structure tridimensionnelle de la protéine S.
Il semble que la lignée B.1.1.7, par sa meilleure capacité à infecter les cellules cibles, soit plus transmissible, mais les experts ne sont pas d'accord sur le pourcentage d'augmentation de cette transmissibilité. Certains évoquent 50 % (une fois et demie plus transmissible), d'autres 30 %. La difficulté à estimer ce chiffre est liée à l'effet des mesures barrières dans les pays touchés en premier par cette lignée, mesures qui, elles aussi, ont impacté la transmission. Distinguer la part des mutations dans la transmissibilité globale observée devient alors plus complexe.
De plus, des résultats récents semblent indiquer que le transmissibilité accrue de B.1.1.7 serait plutôt liée à une plus longue persistance d'une charge virale élevée lors d'infection par cette lignée.
En janvier 2021, le gouvernement britannique a annoncé que ce variant pouvait également être responsable d'une mortalité supérieure à celle de la lignée B.1 (évoquant une augmentation de 35 %), mais cette donnée n'a été formellement confirmée dans aucun des autres pays fortement touchés par B.1.1.7 (par exemple, le Danemark n'a rien signalé de tel).
Cette lignée est progressivement en train de supplanter la lignée « historique » en Europe, en Amérique, en Chine, etc. En France, on estime qu'elle deviendra dominante en mars 2021 (actuellement elle représente entre 30 et 60 % des nouveaux cas selon les régions).
Les 3 vaccins commercialisé aujourd'hui (ainsi que ceux, en développement, de Johnson & Johnson et Novavax) semblent conserver un taux de protection suffisant contre cette lignée. Parmi ces 3 vaccins commercialisés, celui produit par AstraZeneca reste efficace contre cette lignée, à la différence de la lignée B.1.351.

Source d'inquiétude supplémentaire, en janvier 2021, les autorités sanitaires britanniques ont annoncé avoir identifié 11 cas où 501Y.V1 (B.1.1.7) avait acquis la mutation E484K présente dans les lignées B.1.351 et P.1 (voir ci-dessous) et suspectées d'être responsable d'une résistance partielle à la réponse immunitaire après une infection ou un vaccin. Cette variation de B.1.1.7 est activement surveillée.

Le cas de la lignée B.1.351 (variant 501Y.V2) dite « sud-africaine »
Également connue sous le nom de 20H/501Y.V2 (ou parfois de E484K dans la presse grand public), le variant 501Y.V2 de la lignée B.1.351 a d'abord été identifié en Afrique du Sud en décembre 2020.
Par rapport à la lignée B.1, B.1.351 présente 13 mutations principales, dont 8 sur la protéine S. Parmi celles-ci :
  • N501Y et K417N qui semblent améliorer la liaison entre la protéine S et le récepteur ACE2 des cellules cibles ;
  • E484K qui, en modifiant la forme de l'extrémité de S, pourrait permettre au virus d'échapper partiellement aux anticorps issus d'une infection ou d'une vaccination utilisant la protéine S.
Comme B.1.1.7, B.1.351 semble être plus facilement transmissible : en Afrique du Sud, elle représente désormais plus de 90 % des infections, ce qui semble indiquer un net avantage sur les autres lignées.
Au-delà de l'Afrique du Sud, cette lignée est présente de manière significative en Amérique du Nord et en Europe. En France, à la date de cet article, on estime qu'elle représenterait, avec la lignée brésilienne, 4 à 5 % des nouveaux cas, avec de fortes variations régionales (Mayotte est particulièrement touchée).
Malgré quelques signalements anecdotiques, aucun élément probant ne semble indiquer que cette lignée soit plus dangereuse en termes de mortalité. Les principales inquiétudes sont relatives à sa résistance à l'immunité préexistante, en particulier l'immunité naturelle (après un épisode de COVID-19).

La résistance de la lignée B.1.351 à l'immunité naturelle ou vaccinale
Dans l'essai de phase 2b du vaccin Novavax mené en Afrique du Sud (voir notre article à ce sujet), il est apparu qu'environ un tiers des participants avaient déjà une sérologie positive pour SARS-CoV-2 (29,6 % dans le groupe vaccin et 30,8 % dans le groupe contrôle), probablement due aux variants de la lignée B.1.
Pendant l'étude, dans le groupe placebo, le pourcentage de personnes qui ayant eu un épisode de COVID-19 symptomatique confirmée par PCR était le même chez les personnes qui avaient déjà été infectées par SARS-CoV-2 que chez les autres (3,9 % dont un peu plus de 2 % de formes modérées à sévères). Ainsi, avoir été infecté par la lignée B.1 ne semble pas protéger contre la lignée B.1.351. De plus, chez les personnes qui présentaient des anticorps contre SARS-CoV-2 à l'inclusion, leurs concentrations dans le sang n'étaient pas corrélées au risque d'être réinfecté pendant l'étude : un taux élevé de ces anticorps ne suffisait pas à protéger de la réinfection. Ces observations rejoignent des résultats obtenus in vitro à partir de sérums de patients convalescents ou d'anticorps monoclonaux.

Les mêmes inquiétudes existent vis-à-vis de l'immunité produite par un vaccin. Les vaccins Novavax et Johnson & Johnson ont montré une moindre efficacité en Afrique du sud qu'ailleurs. Dans l'analyse intermédiaire du vaccin Johnson & Johnson, le taux de protection contre les formes « modérées à sévères » était de 72 % aux États-Unis, mais de 57 % en Afrique du Sud (chez des patients séronégatifs au VIH/sida). Concernant le vaccin Novavax, le taux de protection en Afrique du Sud (patients VIH-) était de 60,1 % contre 89,3 % au Royaume-Uni, sur les formes « légères à modérées ».
La résistance de la lignée B.1.351 vis-à-vis des vaccins est encore plus importante dans le cas du vaccin AstraZeneca avec un taux de protection de 22 % en Afrique du Sud (mais ces données sont issues d'une analyse non planifiée de l'essai mené dans ce pays et doivent donc être prises avec précaution, d'autant plus qu'elles contredisent des données obtenues in vitro). Néanmoins, le gouvernement sud-africain a suspendu l'usage de ce vaccin dans son pays.
Concernant les vaccins à ARNm Pfizer et Moderna, leur taux de protection contre B.1.351 semble également négativement affecté : in vitro, une baisse d'environ 30 % de l'activité neutralisante a été constatée contre cette lignée (pas de données cliniques à ce jour). Mais pour les immunologistes, considérant le taux de protection très élevé observé avec ce type de vaccin (supérieur à 90 %), cette faible diminution ne devrait pas avoir de conséquences majeures.

Le cas de la lignée P.1 ou B.1.1.248 (variant 501Y.V3) dite « brésilienne »
Également connu comme 20J/501Y.V3, le variant 501Y.V3 de cette lignée a d'abord été signalé au Japon, chez des personnes de retour du Brésil. On estime que cette lignée a émergé vers octobre 2020 dans la région de Manaus, en Amazonie, où elle est rapidement devenue la lignée prédominante.
Bien que proche de la lignée B.1.351, elle n'en fait pas partie et descend d'une autre lignée appelée B.1.1.28. Néanmoins, elle présente des mutations communes avec B.1.351 :
  • N501Y et K417T (proche de K417N chez B.1.351) qui semblent favoriser la transmission ;
  • E484K qui, comme pour B.1.351, semble favoriser une résistance à l'immunité.
Dans les études de prévalence par séquençage en Europe, la prévalence de P.1 est souvent fusionnée avec celle de B.1.351, les deux lignées semblant très proches en termes de conséquences relatives à la transmission et la résistance aux anticorps.
On ne connaît pas précisément le degré de résistance de P.1 à l'immunité naturelle ou vaccinale, mais les données obtenues in vitro pointent vers une résistance similaire à celle constatée avec B.1.351, au moins vis-à-vis de l'immunité naturelle et des anticorps monoclonaux.

Prépondérance de ces lignées : quelles conséquences sur le contrôle de la transmission ?
Beaucoup a été écrit sur le possible impact de ces nouvelles lignées, en particulier B.1.1.7, sur l'évolution de la pandémie, sur fond d'épidémie galopante dans la région de Londres en décembre 2020. Certains ont même parlé de « deuxième épidémie de COVID-19 ». Pourtant, à ce jour, il semble que la généralisation de cette lignée ne soit pas la seule cause de la vague observée au Royaume-Uni et au Danemark en décembre dernier.
En effet, dans d'autres pays, comme la France, la Suisse ou les États-Unis, par exemple, la progression de B.1.1.7 ne s'est pas directement traduite par une explosion du nombre de cas, peut-être du fait de la mise en place précoce de mesures de restriction des contacts. Aux États-Unis, on assiste en même temps à un doublement hebdomadaire du nombre de cas dus à cette lignée et à une lente décrue de l'épidémie.
Ce qui est certain, c'est que B.1.1.7 est en train de remplacer B.1 (D614G) comme lignée prédominante en Europe et en Amérique du Nord. Mais les mesures barrières individuelles et collectives mises en place pour contrôler B.1 semblent plutôt efficaces pour contrôler B.1.1.7 (même si les autorités américaines recommandent désormais le port de deux masques superposés, un masque en tissu recouvrant un masque chirurgical jetable).
Davantage de données seront disponibles mi-mars, lorsque B.1.1.7 sera devenu la lignée prédominante en France.

Prépondérance de ces lignées : quelles conséquences sur les réinfections et la vaccination ?
Concernant la réinfection des personnes convalescentes, les lignées B.1.351 et P.1 semblent effectivement une menace, comme illustré récemment par un cas signalé à Mulhouse. La vaccination systématique des personnes ayant déjà eu la COVID-19, comme recommandée par la Haute Autorité de santé pourrait aider à réduire ces réinfections, ou au moins leur sévérité clinique.
Il semble évident que l'émergence de B.1.351 et P.1 (mais pas celle de B.1.1.7, du moins quand elle ne porte pas la mutation E484K) fait peser une menace sur les campagnes de vaccination actuellement en cours. Les données sur les vaccins Johnson & Johnson et Novavax, et surtout celles relatives au vaccin AstraZeneca, ne semblent pas rassurantes. Néanmoins, d'autres facteurs sont à considérer pour relativiser cette menace : en particulier, il n'existe aucune évidence à ce jour indiquant une perte d'efficacité de ces vaccins en termes de protection contre les formes sévères (et les hospitalisations). Les anticorps contre la protéine S ne sont pas l'unique forme d'immunité engendrée par la vaccination : l'immunité cellulaire pourrait continuer à être active contre B.1.351 et P.1 (et protéger des hospitalisations).
Les laboratoires producteurs de vaccins (par exemple Novavax, Pfizer ou Moderna) ont annoncé être déjà en cours de production de vaccins modifiés à partir de protéines S des lignées B.1.351 et P.1. Le scénario de rappels périodiques avec des vaccins adaptés aux lignées prédominantes du moment semble prendre corps.

En conclusion, de très nombreuses incertitudes demeurent concernant l'impact réel de ces lignées émergentes de SARS-CoV-2, tant en termes d'évolution de la pandémie que d'impact sur l'efficacité des vaccins actuels. S'il semble avéré que les lignées B.1.351 et P.1 puissent augmenter le risque de réinfection et réduire l'efficacité de certains vaccins, il est trop tôt pour en tirer des conclusions à propos de leurs effets sur l'évolution de la pandémie.
Néanmoins, certains points semblent bien établis :
  • la nécessité de maintenir et promouvoir les mesures barrières individuelles et collectives, pour éviter une éventuelle 3e vague et aussi pour réduire la probabilité d'apparition de nouvelles mutations (moins de personnes infectées, moins de réplication virale, moins de nouvelles mutations) ;
  • l'intérêt d'intensifier les efforts de séquençage systématique à la suite de l'identification de nouveaux cas de COVID-19 pour disposer d'une image fidèle des variants qui circulent ;
  • l'importance de développer rapidement de nouvelles versions des vaccins actuels incluant les protéines S/ARNm de ces nouvelles lignées.
Il est à prévoir que l'intensification des séquençages à travers le monde aboutisse à l'identification, dans les semaines et mois à venir, de nombreuses lignées portant des mutations inquiétantes comme E484K. Ces découvertes seront probablement largement médiatisées dans la presse grand public (comme c'est le cas pour B.1.525 à l'heure où nous écrivons ces lignes). Devant cette dramatisation, il sera important de garder du recul et d'attendre des données précises, qu'elles soient obtenues dans des tests immunologiques in vitro ou dans des essais cliniques vaccinaux.

©vidal.fr


Pour aller plus loin

Sur les différentes lignées émergentes
Emerging SARS-CoV-2 Variants. Centers for Diseases Control and Prevention. 28 janvier 2021

Sur B.1.1.7 et l'apparition de la mutation E484K dans cette lignée
Investigation of novel SARS-CoV-2 variant - Variant of Concern 202012/01 - Technical briefing 6, Public Health England, 13 février 2021

Wise J. Covid-19: The E484K mutation and the risks it poses. BMJ, 5 février 2021

Stephen K, Fauver JF, Mack C et al. Densely sampled viral trajectories suggest longer duration of acute infection with B.1.1.7 variant relative to non-B.1.1.7 SARS-CoV-2. Dash.Harvard.Edu, 10 février 2021

Sur B.1.351 et sa résistance à l'immunité
Tegally H, Wilkinson E, Giovanetti M et al. Emergence and rapid spread of a new severe acute respiratory syndrome-related coronavirus 2 (SARS-CoV-2) lineage with multiple spike mutations in South Africa. medRxiv, 21 décembre 2020

Cele S, Gazy I, Jackson L et al. Escape of SARS-CoV-2 501Y.V2 variants from neutralization by convalescent plasma. medRxiv, 26 janvier 2021

Wibmer CK, Ayres F, Hermanus T et al. SARS-CoV-2 501Y.V2 escapes neutralization by South African COVID-19 donor plasma. bioRxiv, 18 janvier 2021

Wang PF, Liu LH, Iketani S et al. Increased Resistance of SARS-CoV-2 Variants B.1.351 and B.1.1.7 to Antibody Neutralization. bioRxiv, 25 janvier 2021

Hoffman M, Arora P, Gross R et al. SARS-CoV-2 variants B.1.351 and B.1.1.248: Escape from therapeutic antibodies and antibodies induced by infection and vaccination. bioRxiv, 11 février 2021

Covid-19 : premier cas de réinfection grave par le variant Sud-Africain. Inserm, 12 février 2021

Sur les autres lignées portant E484K récemment identifiées
B.1.525, Global Report Investigating Novel Coronavirus Haplotypes, 17 février 2021
 

Sur l'efficacité du vaccin AstraZeneca contre les lignées émergentes
Emary KRW, Golubchik T, Aley PK et al. Efficacy of ChAdOx1 nCoV-19 (AZD1222) Vaccine Against SARS-CoV-2 VOC 202012/01 (B.1.1.7). The Lancet Preprint, 4 février 2021

Madhi SA, Baillie V, Cutland CL et al. Safety and efficacy of the ChAdOx1 nCoV-19 (AZD1222) Covid-19 vaccine against the B.1.351 variant in South Africa. medRxiv, 10 février 2021

Xie X, Liu Y, Liu J et al. Neutralization of SARS-CoV-2 spike 69/70 deletion, E484K and N501Y variants by BNT162b2 vaccine-elicited sera. Nature Medicine, 8 février 2021
 
Liu Y, Liu J, Xia H et al. Neutralizing Activity of BNT162b2-Elicited Serum — Preliminary Report. NEJM, 17 février 2021

Sur les vaccins à ARNm et les lignées émergentes
Wu K, Werner AP, Moliva JI et al. mRNA-1273 vaccine induces neutralizing antibodies against spike mutants from global SARS-CoV-2 variants. bioRxiv, 25 janvier 2021

 
Wu K, Werner AP, Koch M at al. Serum Neutralizing Activity Elicited by mRNA-1273 Vaccine — Preliminary Report. NEJM, 17 février 2021

Wang Z, Schmidt F, Weisblum Y et al. mRNA vaccine-elicited antibodies to SARS-CoV-2 and circulating variants. bioRxiv, 15 janvier 2021

Moderna COVID-19 Vaccine Retains Neutralizing Activity Against Emerging Variants First Identified in the U.K. and the Republic of South Africa. Moderna, 25 janvier 2021

Sur les nouvelles recommandations des CDC sur le port du masque
Improve How Your Mask Protects You. Centers for Diseases Control and Prevention. 13 février 2021

Les recommandations de la HAS sur la vaccination de patients déjà infectés par SARS-CoV-2
Une seule dose de vaccin pour les personnes ayant déjà été infectées par le SARS-CoV-2, Haute autorité de santé, 12 février 2021

Des articles de fond sur les enjeux des lignées émergentes en termes de vaccins
Moore JP & Offit PA. SARS-CoV-2 Vaccines and the Growing Threat of Viral Variants. JAMA Network, 28 janvier 2021

Kupferschmidt K. New coronavirus variants could cause more reinfections, require updated vaccines. Science, 15 janvier 2021

Kupferschmidt K. Vaccine 2.0: Moderna and other companies plan tweaks that would protect against new coronavirus mutations. Science, 26 janvier 2021

Notre article sur les vaccins Novavax et Johnson & Johnson en Afrique du sud
Vaccin Novavax NVX-CoV2373 : un nouveau venu sur le podium ?, VIDAL Actus, 11 février 2021
Sources

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