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Physiopathologie de la COVID-19 : l’apport des analyses histopathologiques

Dès le début de l'épidémie COVID-19, l'analyse des lésions histologiques et cytologiques a largement contribué à la compréhension des mécanismes physiopathologiques impliqués dans les formes sévères de l'infection, notamment via la mise en évidence de multiples thrombi sanguins et de lésions de « dommage alvéolaire diffus ». Des découvertes qui ont abouti à la mise en place de stratégies thérapeutiques fondées, en particulier, sur le recours aux anticoagulants et aux corticoïdes.
Isabelle Hoppenot 28 janvier 2021, modifié le 02 février 2021 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Une cartographie des différentes lésions d'organe (illustration).

Une cartographie des différentes lésions d'organe (illustration).


On a tendance à l'oublier en 2021, mais les pathologistes ont toujours joué un rôle majeur dans la compréhension physiopathologique des maladies émergentes, en particulier infectieuses. « Si l'on prend l'exemple du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), c'est sur la base de l'analyse des lésions histopathologiques et ultrastructurales que les recherches ont été initiées », rappelle le Pr Paul Hofman, médecin pathologiste à la tête du laboratoire de pathologie clinique et expérimentale de l'hôpital Louis Pasteur au CHU de Nice.
Les premières découvertes se font donc souvent sur des lésions décelées lors des autopsies, celles-ci  permettant d'élaborer la « cartographie » des différentes lésions d'organes et d'identifier ainsi, indirectement, des pistes thérapeutiques potentielles. L'infection par le SARS-CoV-2 n'a pas échappé à la règle, avec la mise en évidence, initialement sur de petites séries autopsiques, de nombreux thrombi sanguins, veineux, artériels et capillaires, notamment pulmonaires, constat qui a conduit assez rapidement à préconiser le recours aux anticoagulants de façon préventive ou curative.

Des atteintes pulmonaires bien documentées
Avec désormais plus d'une quarantaine d'études autopsiques publiées dans le monde, les données sur les atteintes pulmonaires liées à l'infection par le SARS-Cov-2 sont assez « solides ». Les lésions observées au niveau pulmonaire, comme d'ailleurs dans les autres organes, ne sont pas totalement spécifiques de cette infection virale et il est difficile de faire la part entre ce qui relève d'un éventuel effet cytopathogène direct du virus – qui, s'il existe, n'est pas pathognomonique, contrairement à ce que l'on constate avec certains virus comme, par exemple, le cytomégalovirus –, de la réponse inflammatoire et immunitaire déclenchée par le virus, d'une défaillance d'organes parfois liée à une comorbidité, des manœuvres de réanimation ou encore d'un effet iatrogène médicamenteux.
Dans le parenchyme, les lésions de « dommage alvéolaire diffus » prédominent (les cellules alvéolaires sont abrasées et les alvéoles sont tapissés de fibrine), mais elles se rencontrent dans de nombreuses infections virales, telles que la grippe ou dans un certain nombre de syndromes aigus de détresse respiratoire. « Ces lésions, qui se développent initialement à bas bruit, puis qui s'aggravent brutalement, ont conduit à instaurer une corticothérapie », précise le Pr Hofman.

Un phénomène de NETs
Si aucune lésion histopathologique n'est spécifique de la COVID-19, l'atteinte la plus caractéristique est la présence de multiples thrombi sanguins au niveau pulmonaire, qui pourraient être la conséquence :
- d'une action directe du virus sur l'endothélium,
- de « l'orage cytokinique », 
- et aussi d'un phénomène appelé « NETs » (Neutrophilic Extracellular Traps). Dans ce dernier cas, le virus entraînerait une accumulation de polynucléaires neutrophiles dans la lumière des vaisseaux, créant rapidement un réseau d'ADN extracellulaire (provenant des polynucléaires) ; ce réseau activerait alors le système plaquettaire et s'agglutinerait sur les cellules endothéliales, provoquant ensuite la formation de microthrombi oblitérant la lumière vasculaire.
Au total, en l'absence de lésions spécifiques, c'est l'association de ces différentes lésions qui est évocatrice de l'infection par le SARS-CoV-2. L'analyse d'échantillons cytologiques, provenant notamment de liquides de lavage broncho-alvéolaire, est, de son côté, peu contributive. En effet, elle peut parfois mettre en évidence des lésions évocatrices d'une infection virale, mais là encore le plus souvent non spécifiques.

Dans les autres organes, des lésions également aspécifiques
Le tractus respiratoire est la principale cible du SARS-CoV-2, mais la fréquence de certaines atteintes cliniques a fait suspecter une atteinte directe de certains organes, comme le cœur ou le système nerveux central. Il est toutefois difficile d'affirmer définitivement un rôle direct du virus, même en cas de PCR positive sur un échantillon d'organe.
La mise en évidence du virus en microscopie électronique ne permet pas non plus d'affirmer formellement son implication directe sur tel ou tel organe. Ainsi, dans la grande majorité des cas de  myocardites « cliniques », les analyses n'ont pas permis de détecter le virus dans les cardiomyocytes. De même, celles effectuées dans le système nerveux central ont pu trouver des lésions variées et aspécifiques, mais n'ont pas apporté d'explication physiopathologique définitive aux symptômes cliniques. Les études liant ces lésions à la présence du virus lui-même dans les cellules du système nerveux central ou dans les cellules endothéliales cérébrales sont discutées et doivent être impérativement confirmées sur de plus larges séries.
Les lésions hépatiques observées, en particulier à type de stéatose, ne peuvent pas être attribuées formellement au virus, car elles peuvent être multifactorielles et potentiellement résulter de la réanimation et des traitements médicamenteux, en particulier des corticoïdes, voire de l'obésité de certains patients.
Quant à l'inflammation lymphocytaire, elle s'observe dans toute infection virale. Les lésions rénales, qui peuvent concerner les glomérules, les tubules ou les vaisseaux, comme les lésions cutanées sont, elles aussi, variées et souvent peu spécifiques, bien que des atteintes cliniques de « pseudo-engelures » semblent fréquemment constatées au cours de la COVID-19. 

Des analyses complémentaires en cours
Des analyses complémentaires (études immunohistochimiques et par hybridation in situ) avec des anticorps ou des sondes spécifiques de certaines molécules du SARS-CoV-2 se développent actuellement ; elles peuvent être réalisées sur des coupes tissulaires fixées au formol. Ces analyses vont certainement apporter des réponses nouvelles pour expliquer certaines lésions constatées dans différents organes.
 
Un impact important sur les laboratoires de pathologie
L'épidémie COVID-19 a eu un fort impact sur l'activité et l'organisation des laboratoires de pathologie orientés notamment vers le diagnostic des maladies thoraciques. Selon les données recueillies auprès de 53 laboratoires de 18 pays d'Europe, dans le cadre d'une vaste enquête récemment réalisée, la charge de travail a été réduite de façon marquée. Un constat en lien avec la baisse très nette des actes de chirurgie thoracique pour cancer, et donc des analyses histopathologiques et moléculaires effectuées dans ce cadre, surtout lors du premier confinement. De plus, selon les centres européens, de 28 à 41 % du personnel ont adopté le télétravail et 70 % des laboratoires ont développé des programmes d'enseignement virtuel à destination des plus jeunes des équipes.

Des mesures de précaution biologiques réactivées
Cette épidémie a aussi été l'occasion de réactiver les procédures de protection biologique, mais aucun cas de contamination d'origine professionnelle lié à la manipulation d'un échantillon tissulaire n'a été rapporté à ce jour.
Il est en effet impératif que les salles d'autopsies soient conformes aux normes sanitaires adaptées aux recommandations internationales. Toute autopsie d'un patient suspect d'être infecté doit être en principe effectuée dans un environnement de type « BSL-3 » (niveau 3 de biosécurité) et les équipes doivent être formées aux mesures d'hygiène et de sécurité associées à ces pratiques.
« Il est essentiel lors de la pratique d'une autopsie, quelle qu'elle soit, de toujours respecter les mesures de protection, indispensables dès lors que l'on manipule du tissu humain (sang, organes, etc.) non fixé par du formol, et toujours possiblement infecté par un agent pathogène, VIH, virus de l'hépatite B, C, etc. L'épidémie de SARS-CoV-2 a remis sur le devant de la scène l'importance de ces mesures sanitaires pour les pathologistes qui, avec le temps, ont pu parfois céder à un certain relâchement », insiste le Pr Hofman.

©vidal.fr

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