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Troubles neurocognitifs : des mesures d’accompagnement adaptées, clé de la prise en charge

Face à un trouble neurocognitif attesté par des tests neuropsychologiques, il est important de faire un diagnostic étiologique, pour éliminer une forme secondaire accessible à un traitement et pour mettre en place les mesures d’accompagnement adaptées, qui constituent l’essentiel de la prise en charge.
Des points explicités lors du VIDAL Live du 2 décembre dernier consacré aux troubles neurocognitifs, avec la participation du Dr Benjamin Calvet, gérontopsychiatre à Limoges, et du Dr François Trémolières, infectiologue et interniste à Paris. 

Isabelle Hoppenot 21 janvier 2021 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Des tests simples permettent d'attester et de caractériser le déclin cognitif (illustration).

Des tests simples permettent d'attester et de caractériser le déclin cognitif (illustration).


Syndrome défini par le déclin significatif et évolutif d'une ou plusieurs fonctions cognitives, le trouble neurocognitif est une vaste entité, regroupant les maladies neurodégénératives, dont la plus fréquente est la maladie d'Alzheimer, mais aussi des atteintes secondaires à une autre pathologie, notamment vasculaire, une intoxication alcoolique chronique ou encore une maladie infectieuse.

Un déclin significatif au-delà de la plainte mnésique
On différencie aujourd'hui les troubles neurocognitifs mineurs et les troubles cognitifs majeurs, nouvelle appellation des démences. Ces troubles, dans leur forme mineure, doivent être distingués des plaintes mnésiques banales. Comme l'a souligné le Dr Benjamin Calvet, gérontopsychiatre à Limoges, « il s'agit d'un déclin significatif, décelé par l'interrogatoire du patient ou d'un informant fiable, et qui doit être confirmé, au cours de la consultation, par des tests neuropsychologiques. Dans le cas d'un trouble neurocognitif majeur, l'atteinte a des répercussions dans les activités de la vie quotidienne (faire les courses, s'habiller, faire sa toilette, etc.), qui sont mises en évidence par l'interrogatoire de l'aidant. Le déclin cognitif va donc au-delà de la plainte mnésique, motif le plus fréquent de consultation : il s'accompagne d'une altération d'autres fonctions (langage, connaissance générale, mots, gestuelle, etc.) ». Et, bien sûr, ce déclin est beaucoup plus important que ce que l'on pourrait attendre par rapport à l'âge et au niveau socio-éducatif de la personne.

Un continuum du stade présymptomatique au trouble neurocognitif majeur (ex-démence)
En pratique, du fait d'un continuum entre le normal et le pathologique, la distinction entre trouble neurocognitif léger ou majeur n'est pas si simple. Aujourd'hui, il est possible de faire le diagnostic de maladie d'Alzheimer avant l'apparition de démence, au stade de troubles cognitifs légers, voire au cours de la période  présymptomatique. L'évolution de la maladie est en effet marquée par l'apparition d'anomalies biologiques, dont témoignent différents marqueurs  (marqueurs de la plaque amyloïde et de la protéine tau), puis marqueurs fonctionnels (imagerie fonctionnelle) et ensuite, dans un deuxième temps, par des anomalies morphologiques à l'IRM et au scanner avant le retentissement clinique et la perte d'autonomie

Établir un diagnostic étiologique
« Après une époque où l'on parlait de démence sénile, puis une période où tout trouble neurocognitif majeur était étiqueté maladie d'Alzheimer, il apparaît aujourd'hui important de faire un diagnostic étiologique précis », a précisé le Dr François Trémolières. De 60 à 70 % des démences dégénératives sont des maladies d'Alzheimer, mais elles ne doivent pas occulter les troubles secondaires à une maladie à corps de Lewy ou une maladie de Parkinson. « Établir le diagnostic permet de comprendre ce qui se passe, de mettre un nom sur quelque chose qui n'est pas normal et de mettre en place des stratégies adaptées à l'individu, afin d'éviter que le patient et/ou les aidants ne restent démunis et ne soient conduits à consulter en urgence », a schématisé le Dr Calvet, avant de rappeler que, la plupart du temps, les gens, en particulier l'entourage, aiment savoir ce qui se passe.
Faire le diagnostic permet aussi de ne pas pénaliser le patient en lui proposant des mesures ou un traitement potentiellement délétère, ce qui est, par exemple, le cas des neuroleptiques chez les sujets ayant une maladie à corps de Lewy. Le bilan étiologique doit, bien sûr, être adapté au contexte clinique. Ainsi, on ne fera pas d'investigation paraclinique diagnostique très poussée chez une personne très âgée ou si le tableau clinique est typique. 

Le médecin généraliste, pivot de la prise en charge
En pratique, le médecin généraliste est le praticien de premier recours et également le pivot de la prise en charge, selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS)
Pour attester le déclin cognitif, outre l'interrogatoire du patient et de l'aidant, le médecin généraliste peut s'appuyer sur des tests simples réalisables au cabinet médical, tels que le test de l'horloge, le test de Dubois, le test de fluence verbale, et éventuellement le MMS (Mini-Mental Score), encore appelé MMSE (Mini Mental State Examination) de façon à mieux identifier les fonctions touchées. Une évaluation qui doit bien sûr être réalisée après avoir arrêté un éventuel traitement sédatif ou antalgique à forte dose.
L'appréciation de l'autonomie est, de son côté, en général facilitée par le dialogue avec l'aidant.
Sur la base de tous ces éléments, le médecin généraliste peut faire le diagnostic de trouble neurocognitif léger ou majeur et éliminer une plainte neurocognitive subjective relevant plutôt d'une orientation psychiatrique. 
« Certaines plaintes ne peuvent être caractérisées, mais toute plainte, quelle qu'elle soit, doit être prise en compte », a insisté le Dr Calvet. Il ne faut donc pas hésiter à refaire un bilan après un ou deux ans, sans être trop alarmiste car de nombreux troubles cognitifs légers n'évolueront pas, voire s'amélioreront.

L'aide des centres mémoire
Lorsque le trouble cognitif est avéré, il faut, dans un premier temps, éliminer toutes les causes curables, ce qui passe par la réalisation d'un bilan biologique permettant notamment de dépister des troubles thyroïdiens ou des troubles ioniques. 
Une fois ces causes éliminées, le médecin traitant peut, selon son expérience  dans ce domaine, poursuivre le bilan ou adresser le patient dans un centre mémoire pour des investigations plus précises. 
Le bilan complémentaire effectué par le centre mémoire comprend, avant tout, un bilan neuropsychologique poussé, une imagerie morphologique (IRM), éventuellement une imagerie fonctionnelle (TEP), parfois d'autres examens comme une ponction lombaire pour rechercher des marqueurs spécifiques de la maladie d'Alzheimer. Et c'est sur la base de toutes ces données qu'il revient au spécialiste de faire le diagnostic étiologique le plus probable du trouble neurocognitif.

Un plan de prise en charge personnalisé
Il est ensuite recommandé de proposer un plan personnalisé de prise en charge et d'accompagnement du patient et de l'aidant, le médecin généraliste devant ensuite s'assurer de son suivi et des éventuels ajustements.
« Cela implique des consultations longues, ce qui n'est pas toujours facile en médecine de ville », reconnaît le Dr Calvet, qui rappelle que, en pratique courante, le spécialiste peut intervenir régulièrement. L'aidant ne doit pas être oublié : il doit être un véritable partenaire des professionnels de santé et être lui-même aidé, par exemple par le biais d'associations.  
 
Quelle place pour les thérapeutiques médicamenteuses ?
Il n'y a pas de traitement curatif des pathologies neurodégénératives et la prise en charge se fonde essentiellement sur une approche non pharmacologique, multidisciplinaire : thérapie de réadaptation, thérapie comportementale centrée sur le patient et son entourage, stimulation cognitive, etc. 
C'est seulement dans un deuxième temps, en cas d'échec de ces stratégies, qu'on peut discuter le recours à des psychotropes, à la dose minimale efficace et en surveillant l'évolution. Il est en effet essentiel de réévaluer le patient : un sédatif léger peut aider à passer le cap face à un état d'agitation, mais cet état est habituellement ponctuel et il faut alors savoir arrêter ce traitement.
Les traitements symptomatiques de la maladie d'Alzheimer sont aujourd'hui déremboursés. S'ils peuvent avoir une efficacité dans certains contextes et ne doivent donc pas être totalement exclus, leur place reste dans tous les cas limitée par rapport à celle des mesures d'accompagnement.
L'intérêt du recours aux antidépresseurs, en particulier au début de la maladie, est discuté. Les tricycliques, qui ont des propriétés anticholinergiques et qui sont délétères sur les fonctions cognitives, doivent être proscrits. Des études ont montré que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) auraient un impact sur la clairance des plaques amyloïdes, ce qui peut laisser à penser que leur utilisation au long cours pourrait avoir un impact sur la survenue d'un trouble neurocognitif majeur. Toutefois, pour le Dr Benjamin Calvet, le niveau de preuve reste faible, dans une maladie dont la physiopathologie est complexe.  
En revanche, il faut prendre en charge une éventuelle dépression associée à un trouble neurocognitif, qui constitue un facteur d'aggravation de la détérioration clinique. Dans ce contexte de prévention secondaire, il vaut mieux faire appel à un ISRS. 
En prévention primaire, des essais sont en cours aux États-Unis chez des sujets sains pour évaluer l'impact à long terme des ISRS sur la survenue de troubles neurocognitifs dégénératifs.
 
©vidal.fr

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Sources

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