De nombreuses infections virales sont responsables d'atteintes rénales (illustration).
Quelles maladies virales peuvent se compliquer d'atteintes rénales ? À vrai dire toutes, semble-t-il. Les plus communes sont les infections par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), les virus des hépatites B et C, les virus influenza, d'Epstein Barr (EBV), de la rougeole, le parvovirus B19, et aussi les infections par les flavivirus : virus de la dengue, fièvre jaune, virus zika, virus West Nile et, chez les immunodéprimés, le cytomégalovirus (CMV) et le polyomavirus BK.
Penser à la possibilité d'une atteinte rénale et savoir la rechercher
Le bilan est simple : prise de la pression artérielle, recherche d'une hématurie et d'une protéinurie à la bandelette, dosage d'une créatininémie, complétés, en cas d'anomalie, d'une échographie rénale. Affirmer le caractère récent de la maladie rénale repose sur l'analyse de documents antérieurs éventuels. Le diagnostic d'insuffisance rénale aiguë se fonde sur une augmentation de la créatininémie de 50 %, et l'évaluation de sa sévérité s'appuie sur les critères de Rifle (cf. VIDAL Reco "Insuffisance rénale aiguë").
Comment classer ces atteintes rénales ?
- La néphropathie la plus fréquente au cours des maladies virales aiguës est la nécrose tubulaire aiguë, cliniquement presque indistinguable de la néphropathie interstitielle aiguë (diagnostic histologique).
L'image histologique est celle d'une nécrose des cellules tubulaires. Elle s'exprime par un tableau d'insuffisance rénale aiguë, dont la gravité peut nécessiter un traitement par dialyse, habituellement temporaire.
C'est la forme la plus fréquemment observée avec le SARS-CoV-2. Dans la COVID-19, elle concernerait environ 15 % des patients ayant nécessité un séjour en unité de soins intensifs. Mais, en fait, cette fréquence est très dépendante des critères employés pour sa définition, en atteste l'incidence de 78 % estimée selon une expérience française (S Rubin et al.). Cette nécrose tubulaire aiguë pourrait être liée à une atteinte virale directe car le virus est présent, selon certaines observations, dans la cellule tubulaire proximale.
Elle est souvent la conséquence d'autres complications : troubles hydroélectrolytiques, hémodynamiques, toxicités médicamenteuses, rhabdomyolyses. De telles atteintes ont aussi été décrites avec le hantavirus, le virus varicelle-zona (VZV), les virus influenza A et B dans le cas de formes sévères, et d'autres coronavirus (SRAS-CoV-1 et MERS-CoV).
- Les glomérulopathies des maladies virales s'expriment plutôt de façon chronique.
Deux sont classiques : la glomérulonéphrite extra-membraneuse, que l'on observe dans l'hépatite B chronique et la sclérose globale et focale des glomérules, surtout décrite dans les infections à VIH, mais aussi rapportée dans les infections à CMV, EBV, parvovirus B19, hantavirus et la dengue. Cette sclérose focale et globale des glomérules s'exprime par une protéinurie abondante et une détérioration lente de la fonction rénale. Mais elle prend parfois une forme d'évolution très rapide et sévère, la « collapsing glomerulopathy », initialement décrite lors des infections à VIH, et maintenant rapportée aussi dans la COVID-19.
- Des pathologies rénales vasculaires sont aussi décrites dans les infections virales.
Le tableau est celui d'une insuffisance rénale aiguë, mais celle-ci s'accompagne d'éléments évocateurs : hypertension artérielle sévère, vascularite, hémolyse intravasculaire. Ce sont, par exemple, les vascularites des cryoglobulinémies des portages chroniques du virus de l'hépatite C. Dans la COVID-19, ceci n'est pas observé, bien qu'il existe une image histologique d'endothélite au niveau des capillaires glomérulaires et péritubulaires, avec présence du virus dans la cellule endothéliale.
Quels sont les mécanismes sous-jacents ?
Ils sont multiples. La cytotoxicité directe est possible. On sait, pour la COVID-19, que le virus SARS-CoV-2 est présent dans les endothéliums vasculaires et glomérulaires, dans les cellules tubulaires rénales, au moins dans les formes graves de l'infection.
Cette atteinte de l'endothélium, cette « endothélite », a aussi été décrite avec de nombreuses infections virales, à CMV, autres coronavirus, parvovirus B19 et virus BK :
- Un syndrome de perméabilité vasculaire compliquant ces endothélites, responsable de grands syndromes œdémateux avec hypovolémie, a été rapporté.
- Une altération de l'état général, des troubles hydroélectrolytiques et hémodynamiques, des atteintes cardiaques, des toxicités médicamenteuses, des infections bactériennes associées sont des facteurs souvent retrouvés dans les formes graves de COVID-19 et de nombreuses autres pathologies virales.
- Une autoimmunisation est sans doute en cause dans les pathologies glomérulaires chroniques : extramembraneuse de l'hépatite B, membranoproliférative des cryoglobulinémies de l'hépatite C.
- Une susceptibilité génétique est possible. Ainsi, dans la « collapsing nephropathy » du VIH, un génotype à risque de l'apolipoprotéine1 (APOL1) a été mis en évidence chez les Afro-Américains et la même association est maintenant décrite dans la « collapsing nephropathy » de la COVID-19.
Les maladies virales peuvent-elles être la cause d'une insuffisance rénale chronique terminale ?
Le risque est bien connu avec toutes les maladies glomérulaires chroniques, notamment la sclérose globale et focale et, tout particulièrement, la « collapsing glomerulonephritis ». On sait maintenant que les insuffisances rénales aiguës laissent des séquelles fonctionnelles rénales. Dans le cas des insuffisances rénales aiguës des néphropathies virales, il existe peu de données dans la littérature.
Une étude a concerné le devenir à long terme des insuffisances rénales aiguës liées au virus West Nile. Le virus semble rester longtemps dans l'appareil urinaire après l'infection. Dans une cohorte de 139 patients ayant été infectés par le virus West Nile quatre à neuf ans plus tôt, 10 % présentaient une insuffisance rénale chronique de grade 3 ou plus (< 60 mL/min) et la vitesse de détérioration du débit de filtration glomérulaire était élevée (3,7 mL/min sur une période de 1,5 ans). Des insuffisances rénales résiduelles ont été également constatées avec les formes rénales des infections à hantavirus. Le recul est encore trop faible pour savoir si ce type d'évolution existe après une infection sévère à SARS-CoV-2 avec atteinte rénale.
Y a-t-il des mesures de prévention de l'insuffisance rénale aiguë ?
Rappelons enfin quelques mesures simples susceptibles, dans les formes graves ou chez les sujets à risque, de prévenir, à la phase aiguë, certaines de ces pathologies rénales : maintenir une bonne hydratation, éviter les anti-inflammatoires non stéroïdiens, arrêter les traitements par diurétiques, éviter si possible les examens nécessitant l'usage de produits de contraste iodés et autres médicaments néphrotoxiques, surveiller le débit de filtration glomérulaire.
Pour conclure, l'atteinte rénale, au cours des formes sévères des maladies virales en général et de COVID-19 en particulier, n'est pas rare. La nécrose tubulaire est la forme la plus fréquente. Certaines néphropathies nécessitent une dialyse à la phase aiguë. Des glomérulopathies peuvent évoluer rapidement vers l'insuffisance rénale terminale. Au décours de la phase aiguë des nécroses tubulaires, une surveillance du débit de filtration glomérulaire est justifiée.
©vidal.fr
Pour en savoir plus
- Berns JS et Cohen AH. Viruses and Diseases of the Kidneys. Clin J Am Soc Nephrol, 2007. Suppl 1:S1.
- Prasad N et Patel MR. Infection-induced kidney diseases. Front Med 2018 ; 5 : 327.
- Rubin S. et al. Characterisation of acute kidney injury in critically ill patients with severe coronavirus disease 2019. Clin Kidney J 2020 ; 13 : 354-361.
- Baumelou A. L'endothélite : clé de l'atteinte multiviscérale du SARS-CoV-2 ?
- Baumelou A. Infection par SARS-CoV-2 : quid de l'atteinte rénale ?
- Hoppenot I. Protection rénale : de la COVID-19 à la canicule.
- VIDAL Live. Entre COVID et canicule : quel risque rénal ?
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