EPI-PHARE réalise depuis le début du confinement le suivi de la consommation des médicaments sur ordonnance délivrés en ville en France pour l’ensemble de la population française.
Le groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE (Assurance maladie et ANSM) publie le quatrième rapport sur l'usage des médicaments de ville en France durant l'épidémie de COVID-19.
Ce rapport analyse les données de consommation de médicaments (médicaments facturés à l'Assurance maladie après délivrance en pharmacie de ville) sur 6 mois consécutifs (8 semaines de confinement et 18 semaines post-confinement), correspondant à un période allant du 16 mars 2020 jusqu'au 13 septembre 2020.
Les données analysées sont issues du SNDS (système national des données de santé).
Pour chaque classe de médicaments, les auteurs distinguent deux situations de délivrance de médicament :
- délivrance dans le cadre d'un renouvellement (traitement chronique installé),
- délivrance en instauration de traitement.
Les données recueillies durant ces 6 mois sont comparées à un nombre attendu calculé à partir des données d'utilisation des médicaments à la même période, en 2019 et 2018.
Dans la lignée des conclusions des précédents rapports, les enseignements de ce quatrième rapport sont sans surprise, à savoir une déstabilisation marquée de la consommation des médicaments de ville consécutive à l'épidémie de COVID-19 et aux mesures mises en place dans le pays.
En outre, il laisse entrevoir les conséquences à plus long terme sur l'offre de soin, se traduisant par un retard de prise en charge des patients, difficile voire impossible à combler.
Consommation de médicaments en France au cours de 6 derniers mois : les tendances
- Médicaments des maladies cardiovasculaires et du diabète
Concernant l'instauration de ces traitements en revanche, la tendance à la baisse se confirme au cours des 6 derniers mois par rapport à l'année précédente (cf. Tableau I) :
- statines : - 10 %,
- furosémide dans l'insuffisance cardiaque ou rénale : - 12 %,
- anti-agrégants plaquettaires : - 14 %,
- IEC (inhibiteurs de l'enzyme de conversion), suspectés au début de favoriser la COVID-19 : - 15 %,
- anticoagulants : - 18 %.
La baisse est moins marquée pour l'insuline en instauration de traitement (- 2 %) et pour les antihypertenseurs en général (- 4 %, à l'exception des IEC).
- Médicaments des troubles mentaux et troubles des addictions
- anxiolytiques : + 1,1 millions de traitements délivrés en 6 mois et + 5 % d'instauration
- hypnotiques : + 480 000 traitements délivrés en 6 mois et + 3 % d'instauration
- médicaments de la dépendance aux opiacés : + 17 000 délivrances en 6 mois
À l'inverse, on note une forte baisse pour les substituts nicotiniques (- 275 000 délivrances en 6 mois), sachant que ces médicaments peuvent être délivrés sans ordonnance et donc sans facturation à l'assurance maladie (données non recueillies dans le SNDS).
- Autres pathologies chroniques
- ciclosporine : - 7 200 délivrances,
- érythropoïétine, traitements du psoriasis, antalgiques de niveau 2, AINS (déconseillés avec la COVID-19) : - 7,2 millions de traitements délivrés,
- anti-ulcéreux (IPP : un parallèle est évoqué avec la chute des AINS, puisque ces médicaments sont souvent prescrits en association) : - 2,8 millions de traitements délivrés,
- corticothérapie orale : - 3,6 millions,
- paracétamol : - 1,4 millions.
En revanche, les délivrances des médicaments de la maladie de Parkinson, de la sclérose en plaques, de l'hypothyroïdie et des traitements anticancéreux oraux (imatinib, inhibiteur de l'aromatase) sont stables.
- Médicaments antibiotiques
Figure 1 - Nombre par quinzaine des délivrances sur ordonnance d'antibiotiques (antibactériens J01) durant les 37 premières semaines de 2018, 2019 et 2020 – comparaison observé sur attendu. La période de confinement entre les semaines 12 et 19 est représentée en bleu
- Médicaments administrés par un professionnel de santé, dont les produits de diagnostics
- DMLA : - 75 000 doses de médicaments intraoculaires,
- contraception : - 14 000 DIU (dispositifs intra-utérin),
- coloscopie : - 250 000 préparations,
- scanner : - 500 000 produits iodés,
- IRM : - 280 000 produits de contraste.
La diminution des délivrances de produits à visée diagnostique suggère une chute des actes de diagnostic de certains cancers ou maladies graves, occasionnant des retards de prise en charge des malades.
Pour les auteurs, le retard accumulé ne pourra pas être comblé en 2020 ; il aura des retentissements sur l'organisation des soins dans les prochains mois, "nécessitant une programmation à moyen et long terme, voire une adaptation de certaines indications à l'offre de soins nécessairement plus réduite".
Source : rapport EPI-PHARE Usage des médicaments de ville en France durant l'épidémie de COVID-19 – point de situation jusqu'au 13 septembre 2020
- Vaccins
- vaccins penta/hexavalents pour nourrissons : - 40 000 doses,
- vaccins anti-HPV : - 150 000 doses,
- vaccins ROR (Rougeole-Oreillons-Rubéole) : - 130 000 doses,
- vaccin antitétanique : - 620 000 doses.
Là encore, les auteurs estiment que le retard observé en termes de vaccination sera difficilement comblé en 2020.
Une analyse par région et par tranche d'âge
Ce quatrième rapport fournit également une analyse par région et par profil de patients, sur l'utilisation des médicaments au cours des 6 derniers mois :
- variations régionales de la délivrance sur ordonnance des médicaments, classe par classe (de la page 67 à la page 148 du rapport) ;
- analyse par sexe ;
- analyse par âge : l'impact de l'épidémie sur la consommation médicamenteuse apparaît plus important chez les 0 - 19 ans. Ce phénomène peut s'expliquer par la baisse des délivrances des antibiotiques et des vaccins, largement prescrits dans cette tranche d'âge (par exemple, figure annexe LXXX-B page 321 et figure annexe LXXXVIII-A page 341).
Pour aller plus loin
COVID-19 : usage des médicaments de ville en France - Point de situation au 13 septembre 2020 : rapport n° 4 (EPI-PHARE.fr, mis en ligne le 9 octobre 2020)
Nos articles correspondant aux rapports EPI-PHARE 1, 2 et 3 :
COVID-19 et consommation de médicaments remboursés : premier bilan à fin mars (22 avril 2020)
COVID-19 et consommation de médicaments : normalisation pour les traitements chroniques, mais sous-délivrance persistante des vaccins (6 mai 2020)
COVID-19 et consommation de médicaments : de profondes modifications, dont certaines perdurent en post-confinement (16 juin 2020)
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