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De l’isolement social à la solitude : une question neurobiologique ?

La distance sociale qui a été imposée à nombre de personnes du fait de la COVID-19 s'est soldée pour beaucoup d'entres elles par un sentiment de solitude. Or, en temps de crise, de désastre, la résilience s'appuie sur la richesse et la force des connections sociales et celles-là contribuent de façon importante à la sensation de bien-être et à la satisfaction d'être en vie. De plus en plus d'arguments provenant de disciplines variées ont convergé ces dernières années vers une notion encore plus édifiante : la solitude perçue lors d'un isolement social pourrait être le facteur délétère pesant le plus sur la survie et la longévité. Comme le résument en deux mots deux chercheurs qui viennent de publier une revue sur le sujet : la solitude tue.
Patricia Thelliez 02 juillet 2020 Image d'une montre4 minutes icon Ajouter un commentaire
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Le manque de liens sociaux, une situation particulièrement délétère (illustration).

Le manque de liens sociaux, une situation particulièrement délétère (illustration).


Une méta-analyse, publiée en 2010, a colligé 148 études épidémiologiques (correspondant à un panel d'environ 300 000 personnes) afin d'identifier les facteurs influant sur la mortalité, et plus spécifiquement la mortalité cardiovasculaire. Trois ont ainsi pu être identifiés : la fréquence des supports sociaux, l'intégration du sujet dans un réseau social et le tabagisme. Un résultat qui est loin de s'accorder avec les facteurs de risque habituellement cités.
Les mêmes auteurs ont analysé les résultats de 70 études menées chez des personnes âgées (environ 3,5 millions) pendant en moyenne 7 ans. Là encore, l'isolement social, le fait de vivre seul et de se sentir seul augmentaient le risque de décès de 30 %, même en tenant compte de l'âge, du sexe et de l'état de santé.
D'autres études, comme la Framingham Heart Study, ont analysé les relations entre liens sociaux et morbidité. Il a pu être mis en évidence que devenir heureux, déprimé ou obèse était associé à des modifications en miroir chez des amis proches. Mais ce phénomène ne vaut que dans un espace géographique limité : si une personne a un ami heureux vivant dans un rayon d'un mile (1,6 km), elle a 25 % de plus de chance d'être elle-même heureuse, mais cette proportion grimpe à 34 % si l'ami est un voisin de palier.
Cette contagiosité est également bien démontrée par le fait que l'appartenance à un groupe social (sportif, politique, religieux, etc.) réduit considérablement le risque de dépression.
 
Encore faut-il consacrer assez de temps à ces relations sociales. Il a été montré qu'il faut environ 200 h de contact face à face pendant 3 mois pour qu'un étranger devienne un ami. À l'inverse, si la fréquence de ces contacts diminue, la qualité émotionnelle de la relation décline très rapidement.
Il a aussi été estimé à 5 le nombre des amis les plus proches auxquels on offre le plus de temps et c'est ce petit groupe qui a le plus d'impact sur le sentiment de solitude et l'apparition de pathologies.
 
Online ou offline ?
On sait que les êtres humains ont tendance, de façon inconsciente, à synchroniser leurs expressions faciales avec leurs interlocuteurs. De plus, lire sur les visages est vraisemblablement une adaptation évolutive de façon à mieux apprécier les intentions des autres : ce qui était particulièrement utile en des temps très anciens où l'anticipation des conduites pouvait être une question de vie ou de mort. Selon les dernières études, contrairement aux communications téléphoniques ou aux mails, les contacts virtuels face à face semblent apporter les mêmes bénéficies que les contacts en "présentiel". 
 
Le fait de pouvoir communiquer de façon virtuelle sans altérer la relation s'expliquerait par les capacités de deux zones corticales permettant d'orienter l'attention vers une personne en face à  face ou non.
 
Réseaux sociaux et circuits cérébraux 
Apparue il y a plusieurs millions d'années, la vie en groupe est une caractéristique des êtres humains et des primates, dont le but est de mieux faire face aux menaces extérieures. Il n'est donc pas étonnant qu'il en existe des traces au niveau cérébral.
 
De fait, des études de neuro-imagerie ont mis en évidence que certaines régions du cortex préfrontal jouaient un rôle-clé dans l'importance des stimulations sociales. Des travaux utilisant  la tomographie par émissions de positons ont montré des résultats similaires.

L'identification d'un réseau neuronal incluant le cortex préfrontal, dénommé réseau du mode par défaut (DMN pour Default Mode Network) a aussi permis de comprendre le rôle crucial de ce dernier dans le "traitement" des groupes sociaux. Chez l'être humain, il existe, par exemple, un couplage entre la taille d'un réseau social et certaines parties du DMN. D'un point de vue clinique, il a été montré que des altérations de ce réseau seraient la conséquence de sentiments de solitude. De plus, le DMN est particulièrement vulnérable lors du vieillissement cognitif et il s'agit des circuits cérébraux les plus impactés au cours de la maladie d'Alzheimer. D'autres travaux ont pu montrer que l'isolement social modifie le volume de certaines régions cérébrales comme le système limbique. D'un point de vue fonctionnel, la solitude affecte aussi la communication entre le système limbique et le DMN.
 
Pour conclure, Danilo Bzdok et Robin IM Dunbar proposent 5 axes pour limiter l'isolement social et ses effets délétères :
  1. créer des opportunités de relations sociales ;
  2. proposer un entraînement cognitif spécifique qui, selon une étude sur 332 adultes, a un impact sur les régions cérébrales impliquées dans le traitement des capacités sociales ;
  3. inciter les gens à faire partie de clubs et associations en tous genres ;
  4. chanter en groupe, une pratique déjà connue pour influer de façon majeure sur le bien-être et l'engagement social ;
  5. ne pas se priver de recourir à des modes de communications vidéo qui offrent les mêmes gains que le face à face.
 
On pourrait y ajouter qu'en contexte épidémique, le sentiment de solitude qui peut être provoqué par une distance sociale imposée peut avoir des répercussions majeures en termes de santé psychique et physique. Les conséquences des relations sociales sur les structures et le fonctionnement du cerveau sont aujourd'hui mieux connues.

©vidal.fr

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Sources

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