Chez certains patients, la COVID-19 provoque un épuisement durable pendant plusieurs semaines (illustration).
Depuis plusieurs semaines, des personnes ayant guéri d'un épisode de COVID-19 et leurs médecins généralistes signalent des cas de persistance ou de récidive de symptômes bien au-delà des 2 à 3 semaines de convalescence habituellement évoquées pour cette infection.
Fatigue persistante, tachycardie au moindre effort, récidive d'anosmie ou d'agueusie, douleurs articulaires ou musculaires, capacités physiques diminuées, diarrhées, etc., autant de symptômes qui reviennent hanter les patients, inquiets à l'idée d'une éventuelle rechute. Un test virologique ne met que rarement en évidence une persistance du SARS-CoV-2.
Plus fréquents à la suite de formes sévères, ces signes sont également constatés chez des personnes n'ayant pas été hospitalisées. Dans une minorité de cas, l'infection COVID-19 a été confirmée virologiquement, mais la plupart des patients, restés chez eux, n'ont pas bénéficié de ce test.
Par manque de recul, peu de données objectives existent sur les effets à long terme de la COVID-19. Mais la littérature est riche en études sur les séquelles de deux autres infections à coronavirus humain, le SARS et le MERS. Connaître leurs résultats est utile pour anticiper ce que seront les conséquences à long terme de l'infection à SARS-CoV-2.
Une méta-analyse sur les séquelles du SRAS et du MERS
En avril 2020, une équipe des universités de Manchester et de Leeds a publié (en preprint) une méta-analyse portant sur les séquelles à long terme du SARS et du MERS, spécifiquement celles observées 6 mois ou plus après la guérison.
À partir de 1 169 articles sur le sujet, il a été retenu 28 études de bonne qualité méthodologique, 26 portant sur le SRAS et 2 sur le MERS. Les patients évalués dans ces études avaient souffert de formes sévères de ces deux infections, ayant justifié une hospitalisation, avec ou sans admission en soins intensifs.
De manière inattendue, selon les auteurs, il n'existe pas de différences claires en termes de séquelles à long terme entre les patients ayant été admis en soins intensifs et ceux hospitalisés sans recours aux soins intensifs, à l'exception de la faiblesse musculaire pendant les premiers mois post-hospitalisation, plus fréquente chez ceux ayant été soignés en service de soins intensifs.
Une diminution de la capacité d'absorption des gaz qui dure plus d'un an
Du point de vue de la fonction pulmonaire, cette méta-analyse révèle que les séquelles respiratoires du SRAS et du MERS concernent essentiellement la capacité pulmonaire d'absorption des gaz mesurée par la DLCO (capacité de diffusion du monoxyde de carbone), un paramètre qui n'est pas dépendant de l'activité cardiaque et qui est ajusté pour l'âge, le sexe, le taux d'hémoglobine, l'altitude et la pression atmosphérique.
Un an après un épisode de SRAS ou de MERS, la DLCO est encore significativement réduite chez 27 % des patients (de 11 à 45 % selon les études). De tous les paramètres pulmonaires évalués (DLCO, volume expiratoire forcé en 1 seconde, capacité pulmonaire totale, capacité vitale forcée, VO2max), la DLCO est le seul dont la diminution persiste au-delà de 6 mois après guérison, ce qui évoque une fibrose persistante des alvéoles. Les autres paramètres sont réduits pendant les 6 premiers mois (sauf le volume expiratoire forcé en 1 seconde qui n'est que peu modifié), mais retournent à des valeurs normales ou quasi normales par la suite.
Dans leur méta-analyse, l'équipe britannique évoque une étude publiée en 2016 ayant montré que des images évocatrices de fibrose restent visibles au scanner thoracique jusqu'à 7 ans après un épisode de SRAS. Les aspects en verre dépoli laissent progressivement la place à des images caractéristiques d'un épaississement septal interalvéolaire, et également intra-alvéolaire.
Des capacités physiques diminuées pendant plusieurs mois
Autre séquelle rapportée, la distance de marche en 6 minutes, qui est significativement réduite à 6 mois (461 m en moyenne, entre 450 et 472 m selon les études). Ce paramètre s'améliore entre 6 mois et 1 an, mais reste néanmoins réduit à 12 mois. Dans des études portant sur d'autres infections pulmonaires non liées à des coronavirus, cette distance est parfois réduite pendant les 5 années suivant la guérison chez des patients admis en soins intensifs.
De plus, environ un tiers des patients ayant souffert de SRAS se plaignent de fatigue chronique, entre 18 et 40 mois après la guérison selon les études. Des douleurs chroniques, articulaires ou musculaires, sont également rapportées par un tiers des patients.
Des conséquences psychiques durables
Sur le plan de la santé psychique, la méta-analyse britannique rapporte, 6 mois après la guérison, un syndrome de stress post-traumatique chez 39 % des patients, des signes de dépression chez 33 % et de l'anxiété chez 30 % d'entre eux. Ces pourcentages sont supérieurs à ceux observés chez des personnes ayant été hospitalisées en soins intensifs pour d'autres infections respiratoires, ce que les auteurs attribuent à la peur et à la stigmatisation associées au SRAS/MERS, ainsi qu'au stress provoqué par la quarantaine.
Un impact significatif sur la qualité de vie et la vie professionnelle
De nombreuses études retenues par l'équipe britannique ont utilisé le questionnaire de qualité de vie SF-36 pour évaluer l'impact du SRAS et du MERS. Six mois après l'infection, une diminution significative de la qualité de vie a été observée dans les domaines des capacités physiques, des capacités émotionnelles et de la vie sociale. Après 6 mois, ces valeurs se sont améliorées, mais sans atteindre les valeurs habituellement observées chez des personnes en bonne santé, ni celles de personnes souffrant de maladies chroniques. En particulier, aucune amélioration des valeurs liées à la vie sociale n'a été observée entre 6 et 12 mois après un SRAS.
Un an après l'infection, le pourcentage de personnes n'ayant pas pu reprendre leur vie professionnelle habituelle était de 17 %. Dans une étude citée dans la méta-analyse, qui a inclus des professionnels de santé ayant eu un SRAS, ce pourcentage était de 30 % dans cette population deux ans après l'infection (et de 7 % chez les non-professionnels de santé).
Livrés à eux-mêmes les patients s'organisent
En attendant de pouvoir disposer de données similaires autour de la COVID-19, un collectif d'un millier de Français souffrant de symptômes récurrents vient de se former sous l'appellation "Malades du Covid-19 au long cours". Issu de 9 forums Facebook sur le sujet, ce collectif a récemment publié une tribune pour demander des actions coordonnées de la part des autorités de santé afin de prendre en compte leur situation.
Selon les mots de ces patients, "nous sommes face à un désert. Un désert d'information, un désert de coordination médicale, un désert d'actions politiques. Nous restons livrés à nous-mêmes avec des symptômes handicapants sans qu'aucune information listant les pathologies n'existe ; sans qu'aucun protocole de prise en charge et de suivi coordonné au niveau national n'ait été défini à l'échelle du pays".
Des revendications pour prendre en charge les effets à long terme de la COVID-19
Selon ce collectif, il est urgent qu'un véritable programme sanitaire à hauteur des conséquences de l'épidémie COVID-19 incluant tous les territoires et toutes celles et ceux atteints par la maladie, en France, soit mis en œuvre pour :
- établir et réactualiser régulièrement la liste complète des symptômes, de leurs expressions, de les documenter et de les rendre publics auprès des patients et des médecins ;
- identifier l'ensemble des pathologies, leurs durées et les arrêts maladie afférents ;
- reconnaître officiellement les malades selon leurs signes cliniques et non uniquement selon les résultats des tests qui restent à ce jour inexpliqués du fait du grand nombre de virologies et sérologies négatives versus des diagnostics cliniques explicites ;
- définir des protocoles de suivi pour l'ensemble de la communauté médicale, tant en ville qu'à l'hôpital et renforcer la coordination entre médecins ;
- engager une prise en charge adaptée et la garantie d'un réel suivi médical ajusté à chaque étape de la maladie et des besoins des patients ;
- garantir l'implantation de centres coordonnés de soins et soutien des malades COVID-19 au long cours sur l'ensemble du territoire ;
- garantir le maintien de la COVID-19 en maladie à déclaration obligatoire après la période d'état d'urgence sanitaire, en tenant compte des impacts de la maladie et de ses conséquences, personnelles comme professionnelles.
En conclusion, les données mises en avant par la méta-analyse britannique autour du SRAS/MERS contribuent à objectiver les revendications du collectif de patients souffrant de COVID-19 au long cours. Ces informations doivent interpeller les autorités de santé sur la mise en place systématique de mesures de rééducation et de soutien pour ces patients, même ceux qui n'ont pas été hospitalisés, ou qui n'ont pas eu à bénéficier de soins intensifs.
En particulier, plusieurs études ont montré les bénéfices de la rééducation pulmonaire après une infection respiratoire sévère ayant entraîné une fibrose. Avec environ un tiers de patients atteints de séquelles respiratoires, même sans admission en soins intensifs, il semble justifié de généraliser ce type d'intervention à tous les patients post-COVID-19 qui souffrent d'une limitation de leurs capacités physiques.
De plus, la mise en place systématique de mesures de soutien psychothérapeutique semble indispensable dans ce contexte, compte tenu de la prévalence des séquelles psychiques dans les infections respiratoires à coronavirus.
À cet égard, dans le cadre de ses rapides, la Haute Autorité de Santé a émis plusieurs avis sur ces thèmes. Deux actualités VIDAL ont été consacrées à la réadaptation et au suivi respiratoire en ambulatoire après COVID-19. Un VIDAL Live a aussi été centré sur les aspects psychologiques, qui a donné lieu à deux actualités concernant la santé mentale en général et, plus spécifiquement, les psychotropes.
Parmi les différentes initiatives de prise en charge, l'hôpital Foch de Suresnes propose une consultation multidisciplinaire de 2 h 30 baptisée Réhab-Covid, dont l'objectif est de prendre en charge les patients qui, un mois et demi à 2 mois après avoir été atteints de formes sans gravité de la maladie, se plaignent d'une récidive de leurs symptômes.
©vidal.fr
Pour aller plus loin
La tribune du collectif « Malades du Covid-19 au long cours », 6 juin 2020.
La méta-analyse portant sur les séquelles du SRAS et du MERS
Ahmed H, Patel K, Greenwood D et al. Long-term clinical outcomes in survivors of coronavirus outbreaks after hospitalisation or ICU admission: a systematic review and meta-analysis of follow-up studies. MedRxiv, 22 avril 2020.
L'étude portant sur les images pulmonaires jusqu'à 7 ans après un SRAS
Wu XH, Dong DW & Ma DQ. Thin-Section Computed Tomography Manifestations During Convalescence and Long-Term Follow-Up of Patients with Severe Acute Respiratory Syndrome (SARS). Med Sci Monit 2016; 22:2793-2799.
L'étude ayant inclus des professionnels de santé qui ont souffert de SRAS
Ngai JC, Ko FW, Ng SS et al. The long-term impact of severe acute respiratory syndrome on pulmonary function, exercise capacity and health status. Respirology. 2010 Apr; 15(3): 543–550.
Une étude ne retrouvant pas de différences à long terme entre les patients admis en soins intensifs et les autres
St Li T, Gomersall CD, Joynt GM et al. Long-term Outcome of Acute Respiratory Distress Syndrome Caused by Severe Acute Respiratory Syndrome (SARS): An Observational Study. Crit Care Resusc. 2006 Dec;8(4):302-8.
Une étude portant spécifiquement sur les séquelles psychiques du SRAS
Mak IWC, Chu CM, Pan PC et al. Long-term psychiatric morbidities among SARS survivors. Gen Hosp Psychiatry. 2009 July-August; 31(4): 318–326.
Une méta-analyse portant sur l'efficacité de la rééducation pulmonaire en cas de fibrose
Hanada M, Kasawara K, Mathur S et al. Aerobic and Breathing Exercises Improve Dyspnea, Exercise Capacity and Quality of Life in Idiopathic Pulmonary Fibrosis Patients: Systematic Review and Meta-Analysis. » J Thorac Dis. 2020;12(3):1041–55.
Sources
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