Comprendre la nature stochastique de la transmission de la COVID-19 peut permettre de prévenir une éventuelle deuxième vague (illustration).
Depuis quelques semaines, le brouillard semble s'éclaircir sur la manière dont le SARS-CoV-2 et la pandémie de COVID-19 ont essaimé dans les pays qui ont été les plus touchés. La vision d'une tache d'huile se répandant d'une manière uniforme, inspirée par les épidémies de grippe, cède la place à une vision plus proche de la façon dont les feux de forêt se propagent sous l'effet du vent, de manière discontinue.
Mieux comprendre ce mode de diffusion est essentiel pour estimer les risques, l'hiver prochain, de voir survenir une nouvelle phase épidémique comme celle que nous venons de traverser, et pour mettre en place, dès aujourd'hui, des mesures de contrôle pour éviter ce scénario.
Même sur le plan épidémiologique, la COVID-19 n'est pas une grippe(tte)
En regardant ce qui s'est passé depuis le début de l'année, deux éléments sautent aux yeux :
Mieux comprendre ce mode de diffusion est essentiel pour estimer les risques, l'hiver prochain, de voir survenir une nouvelle phase épidémique comme celle que nous venons de traverser, et pour mettre en place, dès aujourd'hui, des mesures de contrôle pour éviter ce scénario.
Même sur le plan épidémiologique, la COVID-19 n'est pas une grippe(tte)
En regardant ce qui s'est passé depuis le début de l'année, deux éléments sautent aux yeux :
- le SARS-CoV-2 était présent en France, de manière ponctuelle, depuis probablement novembre ou décembre 2019. En témoignent les analyses a posteriori de prélèvements ou de scanners thoraciques montrant des signes caractéristiques de COVID-19 chez quelques patients. Pourtant, la flambée épidémique n'a commencé que début mars ;
- dans les pays de moyenne ou grande taille, la pandémie n'a flambé que dans certaines régions (Île-de-France et Grand Est, Lombardie, Hubei, État de New York, etc.), sans embraser l'ensemble du territoire (malgré des cas identifiés un peu partout).
Ces deux observations suggèrent fortement que la COVID-19 ne progresse pas comme la grippe saisonnière. Celle-ci envahit rapidement et uniformément tout un territoire dès que le virus commence à être repéré. Cela n'a pas été le cas pour le SARS-CoV-2, même si son R0, supérieur à celui du virus Influenza, le rend théoriquement plus contagieux.
Taux de reproduction (R0/Reff) et facteur de dispersion (k)
Pour comprendre comment la COVID-19 se diffuse, connaître son taux de reproduction (R0/Reff) ne suffit pas. En effet, comment expliquer que, plus contagieuse que la grippe saisonnière, elle ne soit pas parvenue à coloniser notre territoire de manière au moins aussi efficace ?
La réponse se trouve dans une autre caractéristique des infections, leur facteur de dispersion k (kappa). Si le taux de reproduction reflète la contagiosité moyenne sur l'ensemble des personnes infectées, le facteur de dispersion mesure la variabilité de ce taux de reproduction au sein de la population infectée.
Quand k = 1, R0 est le même quel que soit le patient, l'épidémie progresse de façon uniforme, façon tache d'huile : il s'agit de la situation constatée lors de l'épidémie de grippe espagnole en 1918. Plus k se rapproche de 0, plus la contagiosité de chaque patient est variable. Par exemple, lorsque k = 0,1 et R0 = 3, 73 % des patients contaminent moins d'une personne, mais 6 % en contaminent plus de 8. L'épidémie progresse alors de manière stochastique (discontinue) ce qui, en termes statistiques, répond à une distribution binomiale négative (alors que la grippe saisonnière se rapproche davantage d'une distribution de type Poisson).
Ce mode de diffusion stochastique a été observé lors de l'épidémie de SRAS (R0 = 2 ; k = 0,16) et, à un moindre degré, celle de MERS (R0 = 0,6 ; k = 0,25).
Quelle valeur pour le k de la COVID-19 ?
Il est trop tôt pour connaître avec certitude le k de la COVID-19. Sa mesure a, de plus, été rendue difficile par les mesures de confinement généralisé.
Diverses études se sont penchées sur la question. Par exemple, une étude de modélisation suisse situe son k entre 0,3 et 0,6 avec une médiane à 0,54. Une étude chinoise propose 0,45, ce qui (avec un R0 de 3), signifie que 20 % des personnes infectées seraient responsables de 80 % des cas. Une étude britannique propose un k plus faible, entre 0,1 et 0,3 (10 % des cas responsables de 80 % des cas, R0 = 3). Ce qui semble certain, c'est que le k de la COVID-19 est plus élevé que celui du SRAS et probablement moindre que celui du MERS.
Taux de reproduction (R0/Reff) et facteur de dispersion (k)
Pour comprendre comment la COVID-19 se diffuse, connaître son taux de reproduction (R0/Reff) ne suffit pas. En effet, comment expliquer que, plus contagieuse que la grippe saisonnière, elle ne soit pas parvenue à coloniser notre territoire de manière au moins aussi efficace ?
La réponse se trouve dans une autre caractéristique des infections, leur facteur de dispersion k (kappa). Si le taux de reproduction reflète la contagiosité moyenne sur l'ensemble des personnes infectées, le facteur de dispersion mesure la variabilité de ce taux de reproduction au sein de la population infectée.
Quand k = 1, R0 est le même quel que soit le patient, l'épidémie progresse de façon uniforme, façon tache d'huile : il s'agit de la situation constatée lors de l'épidémie de grippe espagnole en 1918. Plus k se rapproche de 0, plus la contagiosité de chaque patient est variable. Par exemple, lorsque k = 0,1 et R0 = 3, 73 % des patients contaminent moins d'une personne, mais 6 % en contaminent plus de 8. L'épidémie progresse alors de manière stochastique (discontinue) ce qui, en termes statistiques, répond à une distribution binomiale négative (alors que la grippe saisonnière se rapproche davantage d'une distribution de type Poisson).
Ce mode de diffusion stochastique a été observé lors de l'épidémie de SRAS (R0 = 2 ; k = 0,16) et, à un moindre degré, celle de MERS (R0 = 0,6 ; k = 0,25).
Quelle valeur pour le k de la COVID-19 ?
Il est trop tôt pour connaître avec certitude le k de la COVID-19. Sa mesure a, de plus, été rendue difficile par les mesures de confinement généralisé.
Diverses études se sont penchées sur la question. Par exemple, une étude de modélisation suisse situe son k entre 0,3 et 0,6 avec une médiane à 0,54. Une étude chinoise propose 0,45, ce qui (avec un R0 de 3), signifie que 20 % des personnes infectées seraient responsables de 80 % des cas. Une étude britannique propose un k plus faible, entre 0,1 et 0,3 (10 % des cas responsables de 80 % des cas, R0 = 3). Ce qui semble certain, c'est que le k de la COVID-19 est plus élevé que celui du SRAS et probablement moindre que celui du MERS.
Connaître le k (donc apprécier le degré de stochasticité de la diffusion) est essentiel pour identifier des méthodes de contrôle de la pandémie. En effet, plus une infection est stochastique et plus ses flambées sont dépendantes de situations superpropagatrices (« superspreading events »).
Pourquoi les situations superpropagatrices sont-elles cruciales lorsque le k est faible ?
Lorsque 80 % des cas sont dus à 10 ou 20 % des personnes infectées, comme cela semble être le cas pour la COVID-19, cela signifie également que 80 à 90 % des personnes infectées sont responsables de 20 % des infections. Donc, dans la majorité des cas, une personne infectée n'en contamine aucune autre. Dès lors, on comprend que les probabilités ne jouent pas en faveur du SARS-CoV-2 et que la majorité des chaînes de contamination ou des foyers s'éteignent d'eux-mêmes.
C'est probablement ce qui s'est passé en France entre novembre 2019 et février 2020, et c'est également pour cela que les modélisateurs estiment qu'il faut au moins 4 introductions distinctes du SARS-CoV-2 pour qu'il s'installe dans un pays vierge.
Dans les conditions de distribution binomiale négative propres à la transmission stochastique, il est statistiquement nécessaire que quelques douzaines de cas surviennent simultanément pour créer les conditions nécessaires à une envolée épidémique. C'est là où les situations superpropagatrices sont indispensables : soudain, le milieu devient favorable à la propagation de SARS-CoV-2, malgré sa faible contagiosité chez la majorité des personnes infectées.
Cette particularité explique que les foyers les plus importants de COVID-19 ne soient pas systématiquement apparus dans les grandes métropoles (comme c'est le cas pour les infections à distribution de type Poisson), mais également dans des lieux moins peuplés (par exemple Mulhouse ou Codogno), là où avait eu lieu un événement superpropagateur.
Par ailleurs, toujours selon le modèle binomial négatif, une fois un foyer installé, la croissance du nombre de cas explose rapidement, en quelques générations de patients infectés. Par exemple, sur le paquebot Diamond Princess, les 135 premiers cas se sont déclarés en 5 jours. Cette croissance exponentielle stable, que nous avons pu voir en avril en France, n'est pas permise par une distribution de type Poisson, moins volatile.
Les situations superpropagatrices, au cœur de la diffusion de la COVID-19
Comme observé lors des épidémies de SRAS et de MERS, la COVID-19 ne semble flamber qu'en présence d'un événement ou d'une situation où de nombreuses personnes ont été simultanément contaminées par quelques individus, voire un seul. C'est le cas bien sûr du rassemblement religieux de Mulhouse, mais également des navires, de croisière ou militaires, des chorales, des abattoirs, etc.
L'importance et la nature des situations superpropagatrices impliquées dans la progression de la COVID-19 sont décrites en détail dans un preprint publié par BM Althouse et al. sur le site arXiv. Selon les auteurs, il est possible de distinguer 4 types de situations superpropagatrices :
Pourquoi les situations superpropagatrices sont-elles cruciales lorsque le k est faible ?
Lorsque 80 % des cas sont dus à 10 ou 20 % des personnes infectées, comme cela semble être le cas pour la COVID-19, cela signifie également que 80 à 90 % des personnes infectées sont responsables de 20 % des infections. Donc, dans la majorité des cas, une personne infectée n'en contamine aucune autre. Dès lors, on comprend que les probabilités ne jouent pas en faveur du SARS-CoV-2 et que la majorité des chaînes de contamination ou des foyers s'éteignent d'eux-mêmes.
C'est probablement ce qui s'est passé en France entre novembre 2019 et février 2020, et c'est également pour cela que les modélisateurs estiment qu'il faut au moins 4 introductions distinctes du SARS-CoV-2 pour qu'il s'installe dans un pays vierge.
Dans les conditions de distribution binomiale négative propres à la transmission stochastique, il est statistiquement nécessaire que quelques douzaines de cas surviennent simultanément pour créer les conditions nécessaires à une envolée épidémique. C'est là où les situations superpropagatrices sont indispensables : soudain, le milieu devient favorable à la propagation de SARS-CoV-2, malgré sa faible contagiosité chez la majorité des personnes infectées.
Cette particularité explique que les foyers les plus importants de COVID-19 ne soient pas systématiquement apparus dans les grandes métropoles (comme c'est le cas pour les infections à distribution de type Poisson), mais également dans des lieux moins peuplés (par exemple Mulhouse ou Codogno), là où avait eu lieu un événement superpropagateur.
Par ailleurs, toujours selon le modèle binomial négatif, une fois un foyer installé, la croissance du nombre de cas explose rapidement, en quelques générations de patients infectés. Par exemple, sur le paquebot Diamond Princess, les 135 premiers cas se sont déclarés en 5 jours. Cette croissance exponentielle stable, que nous avons pu voir en avril en France, n'est pas permise par une distribution de type Poisson, moins volatile.
Les situations superpropagatrices, au cœur de la diffusion de la COVID-19
Comme observé lors des épidémies de SRAS et de MERS, la COVID-19 ne semble flamber qu'en présence d'un événement ou d'une situation où de nombreuses personnes ont été simultanément contaminées par quelques individus, voire un seul. C'est le cas bien sûr du rassemblement religieux de Mulhouse, mais également des navires, de croisière ou militaires, des chorales, des abattoirs, etc.
L'importance et la nature des situations superpropagatrices impliquées dans la progression de la COVID-19 sont décrites en détail dans un preprint publié par BM Althouse et al. sur le site arXiv. Selon les auteurs, il est possible de distinguer 4 types de situations superpropagatrices :
- les situations "biologiques" qui augmentent l'infectiosité, par exemple une charge virale élevée dans l'oropharynx ou les poumons (hypothèse) ;
- les situations "comportementales ou sociales" que sont, par exemple, les sujets amenés par leur profession à être en contact avec de nombreuses personnes ;
- les "établissements à risque élevé" comme les abattoirs, les foyers communautaires, les EHPAD, les établissements de soins, les prisons, etc.
- les "scénarios opportunistes" qui sont des rassemblements occasionnels de forte densité (navires, transports en commun sans ventilation, par exemple), en particulier ceux qui comportent des cris ou des chants (offices religieux, concerts, boîtes de nuit, etc.).
Ainsi, ce qui définit une situation superpropagatrice, c'est à la fois la présence de nombreuses personnes susceptibles d'être infectées et des conditions augmentant la probabilité d'être infecté (contacts fréquemment répétés ou étroits, présence de personnes ou d'activités fortement contaminantes, par exemple).
Des escarbilles qui doivent tomber au bon endroit pour déclencher un incendie
Pour résumer en une métaphore le mode de diffusion de la COVID-19, la plupart des contaminations sont comme des escarbilles émises par un feu de camp et emportées par le vent. Le plus fréquemment, elles retombent sans allumer d'incendie, parce qu'elles sont trop petites ou qu'elles tombent au mauvais endroit. Parfois, une escarbille, peut-être un peu plus vive que les autres, retombe dans un endroit particulièrement inflammable et déclenche un incendie important (mais néanmoins local, dans une zone boisée et non dans tout le pays).
Autre métaphore, pour reprendre les paroles de la chanson "La Java des bombes atomiques" de Boris Vian : « La seule chose qui compte, c'est l'endroit où s'qu'elle tombe. »
Lorsqu'on envisage la pandémie de COVID-19 selon cette métaphore, il vient immédiatement à l'esprit que, pour éviter les incendies, mieux vaut connaître et surveiller les lieux les plus inflammables. Surveiller la présence de feux de camp (les petits clusters locaux) semble également important, mais cela représente un travail plus considérable, pour un coût bien plus important (car il faut surveiller tout le territoire).
Quelles conséquences sur l'apparition éventuelle d'une deuxième vague ?
En préambule, rappelons qu'une bonne moitié de notre pays et des EHPAD qui s'y trouvent n'ont pas été touchés par la vague épidémique du printemps. La population susceptible d'être gravement malade est encore vaste, comme autant de forêts prêtes à s'embraser. De plus, même si le nombre de cas diminue fortement cet été, voire devient égal à zéro, le SARS-CoV-2 va continuer à être présent à travers le monde. La probabilité qu'il disparaisse complètement de notre planète semble faible, au moins pour ce que l'on en sait actuellement.
Si quelques foyers infectieux dominent la transmission de la COVID-19 alors que la plupart d'entre eux s'éteignent d'eux-mêmes, cela signifie que, pour éviter une deuxième vague épidémique, il est indispensable, dès aujourd'hui, de construire des échelles de risque, à la fois pour les personnes vulnérables, mais aussi pour les situations, activités, événements ou lieux particulièrement à risque de superpropagation.
Ces échelles de risque permettront de décider de mesures de contrôle à appliquer à chaque population/situation, pour un contrôle finement adapté (et moins coûteux économiquement ou psychologiquement). Selon la vulnérabilité de la cible, ces mesures pourront être drastiques (de type "cordons sanitaires" autour des EHPAD, par exemple) ou plus souples (limiter les rassemblements en lieux clos où les personnes crient et chantent, par exemple).
En conclusion, les travaux récents sur la dissémination de la COVID-19 confirment que, sur le plan épidémiologique comme sur le plan virologique ou immunologique, cette infection à coronavirus n'est pas fondamentalement différente du SARS. Ses particularités (un facteur de dispersion un peu plus élevé, une transmission possible avant l'apparition de symptômes) devront être prises en compte dans la manière dont nous devrons continuer à être vigilants. Mais, comme pour le SRAS ou le MERS, la plus grande attention devra être portée à la prévention des situations superpropagatrices, avec des mesures adaptées au niveau de risque de chaque population, en particulier les plus vulnérables.
©vidal.fr
Pour aller plus loin
L'article sur le caractère stochastique de la transmission de la COVID-19
Althouse BM, Wenger EA, Miller JC et al. "Stochasticity and heterogeneity in the transmission dynamics of SARS-CoV-2." arXiv, 27 mai 2020.
Une synthèse sur la variabilité du R0 et le facteur de dispersion dans la COVID-19
Kupferschmidt K. "Why do some COVID-19 patients infect many others, whereas most don't spread the virus at all?" Science, 19 mai 2020.
Les études sur le facteur de dispersion de la COVID-19
L'étude suisse
Riou J & Althaus CL. "Pattern of early human-to-human transmission of Wuhan 2019 novel coronavirus (2019-nCoV), December 2019 to January 2020." Eurosuveillance, Volume 25, Issue 4, 30/Jan/2020.
L'étude chinoise
Adam D, Wu P, Wong J et al. "Clustering and superspreading potential of severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (SARS-CoV-2) infections in Hong Kong." Research Square, 21 mai 2020.
L'étude britannique
Endo A, Abbott S, Kucharski AJ & Funk S. "Estimating the overdispersion in COVID-19 transmission using outbreak sizes outside China." Wellcome Open Research, 28 mai 2020.
Un article sur les événements superpropagateurs dans la COVID-19
Leclerc QJ, Fuller NM, Knight LE & Knight Gwenan. "What settings have been linked to SARS-CoV-2 transmission clusters?" Wellcome Open Research, 29 mai 2020.
Des escarbilles qui doivent tomber au bon endroit pour déclencher un incendie
Pour résumer en une métaphore le mode de diffusion de la COVID-19, la plupart des contaminations sont comme des escarbilles émises par un feu de camp et emportées par le vent. Le plus fréquemment, elles retombent sans allumer d'incendie, parce qu'elles sont trop petites ou qu'elles tombent au mauvais endroit. Parfois, une escarbille, peut-être un peu plus vive que les autres, retombe dans un endroit particulièrement inflammable et déclenche un incendie important (mais néanmoins local, dans une zone boisée et non dans tout le pays).
Autre métaphore, pour reprendre les paroles de la chanson "La Java des bombes atomiques" de Boris Vian : « La seule chose qui compte, c'est l'endroit où s'qu'elle tombe. »
Lorsqu'on envisage la pandémie de COVID-19 selon cette métaphore, il vient immédiatement à l'esprit que, pour éviter les incendies, mieux vaut connaître et surveiller les lieux les plus inflammables. Surveiller la présence de feux de camp (les petits clusters locaux) semble également important, mais cela représente un travail plus considérable, pour un coût bien plus important (car il faut surveiller tout le territoire).
Quelles conséquences sur l'apparition éventuelle d'une deuxième vague ?
En préambule, rappelons qu'une bonne moitié de notre pays et des EHPAD qui s'y trouvent n'ont pas été touchés par la vague épidémique du printemps. La population susceptible d'être gravement malade est encore vaste, comme autant de forêts prêtes à s'embraser. De plus, même si le nombre de cas diminue fortement cet été, voire devient égal à zéro, le SARS-CoV-2 va continuer à être présent à travers le monde. La probabilité qu'il disparaisse complètement de notre planète semble faible, au moins pour ce que l'on en sait actuellement.
Si quelques foyers infectieux dominent la transmission de la COVID-19 alors que la plupart d'entre eux s'éteignent d'eux-mêmes, cela signifie que, pour éviter une deuxième vague épidémique, il est indispensable, dès aujourd'hui, de construire des échelles de risque, à la fois pour les personnes vulnérables, mais aussi pour les situations, activités, événements ou lieux particulièrement à risque de superpropagation.
Ces échelles de risque permettront de décider de mesures de contrôle à appliquer à chaque population/situation, pour un contrôle finement adapté (et moins coûteux économiquement ou psychologiquement). Selon la vulnérabilité de la cible, ces mesures pourront être drastiques (de type "cordons sanitaires" autour des EHPAD, par exemple) ou plus souples (limiter les rassemblements en lieux clos où les personnes crient et chantent, par exemple).
En conclusion, les travaux récents sur la dissémination de la COVID-19 confirment que, sur le plan épidémiologique comme sur le plan virologique ou immunologique, cette infection à coronavirus n'est pas fondamentalement différente du SARS. Ses particularités (un facteur de dispersion un peu plus élevé, une transmission possible avant l'apparition de symptômes) devront être prises en compte dans la manière dont nous devrons continuer à être vigilants. Mais, comme pour le SRAS ou le MERS, la plus grande attention devra être portée à la prévention des situations superpropagatrices, avec des mesures adaptées au niveau de risque de chaque population, en particulier les plus vulnérables.
©vidal.fr
Pour aller plus loin
L'article sur le caractère stochastique de la transmission de la COVID-19
Althouse BM, Wenger EA, Miller JC et al. "Stochasticity and heterogeneity in the transmission dynamics of SARS-CoV-2." arXiv, 27 mai 2020.
Une synthèse sur la variabilité du R0 et le facteur de dispersion dans la COVID-19
Kupferschmidt K. "Why do some COVID-19 patients infect many others, whereas most don't spread the virus at all?" Science, 19 mai 2020.
Les études sur le facteur de dispersion de la COVID-19
L'étude suisse
Riou J & Althaus CL. "Pattern of early human-to-human transmission of Wuhan 2019 novel coronavirus (2019-nCoV), December 2019 to January 2020." Eurosuveillance, Volume 25, Issue 4, 30/Jan/2020.
L'étude chinoise
Adam D, Wu P, Wong J et al. "Clustering and superspreading potential of severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (SARS-CoV-2) infections in Hong Kong." Research Square, 21 mai 2020.
L'étude britannique
Endo A, Abbott S, Kucharski AJ & Funk S. "Estimating the overdispersion in COVID-19 transmission using outbreak sizes outside China." Wellcome Open Research, 28 mai 2020.
Un article sur les événements superpropagateurs dans la COVID-19
Leclerc QJ, Fuller NM, Knight LE & Knight Gwenan. "What settings have been linked to SARS-CoV-2 transmission clusters?" Wellcome Open Research, 29 mai 2020.
Sources
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