Malgré le poids de santé publique représenté par les troubles liés à la consommation d’alcool, moins de 10% des patients bénéficient de soins spécialisés (illustration).
La spécialité BACLOCUR comprimé pelliculé sécable sera commercialisée à compter du 15 juin 2020 dans le traitement de l'alcool-dépendance (cf. VIDAL Reco "Alcool : sevrage").
Il s'agit de la première spécialité à base de baclofène à avoir obtenu une AMM (autorisation de mise sur le marché), en 2018, dans la réduction de la consommation d'alcool, après échec des autres traitements médicamenteux disponibles, chez les patients adultes ayant une dépendance à l'alcool et une consommation d'alcool à risque élevé (> 60 g/jour pour les hommes ou > 40 g/jour pour les femmes) [cf. Tableau I].
Tableau I - Seuils de niveaux de consommations d'alcool à risque
définis par l'OMS et la HAS*
*pour rappel, un verre standard (correspondant à une unité d'alcool) contient 10 grammes d'alcool pur.définis par l'OMS et la HAS*
BACLOCUR fait l'objet d'une surveillance supplémentaire qui permettra l'identification rapide de nouvelles informations relatives à la sécurité. Les professionnels de santé déclarent tout effet indésirable suspecté.
Un procédé d'évaluation inhabituel pour une AMM nationale
La demande d'AMM pour BACLOCUR a été déposée au printemps 2017. L'évaluation a duré plusieurs mois ; elle s'est déroulée en plusieurs étapes et a fait intervenir différents groupes d'experts.
En complément de son évaluation interne, l'ANSM s'est appuyée sur les avis d'un groupe d'experts indépendants (CSST) et d'une commission consultative. Cette dernière a mené des auditions auprès de professionnels de santé et de patients utilisant le baclofène dans le cadre d'une prise en charge de l'alcoolodépendance. Cette méthode d'évaluation a ainsi mis en regard les conclusions scientifiques du CSST et l'analyse scientifique et sociale de la Commission mixte ad hoc.
À la fin de l'année 2017, le CSST a rendu un avis négatif pour l'octroi de l'AMM à BACLOCUR, sur la base d'un rapport bénéfice/risque du baclofène défavorable dans le traitement de patients alcoolo-dépendant. Après analyse des données, le comité a jugé que :
- l'efficacité du baclofène, telle que présentée dans le dossier de demande d'AMM, était cliniquement insuffisante dans la réduction de la consommation d'alcool chez les patients adultes présentant une dépendance à l'alcool et une consommation d'alcool à risque élevé ;
- qu'il existait un risque potentiellement accru de développer des effets indésirables graves (y compris des décès), en particulier à des doses élevées.
La position de la Commission mixte ad hoc créée en juin 2018 a été différente. Suite à une analyse basée sur les données scientifiques d'une part, et sur un recueil des avis des associations de patients et des sociétés savantes d'autre part, cette Commission a émis un avis favorable à l'utilisation du baclofène chez les patients alcoolodépendants, mais dans des conditions précises, en particulier :
- utilisation en deuxième intention, dans les troubles de l'usage de l'alcool après échec des thérapeutiques disponibles avec l'objectif de réduire la consommation d'alcool à un niveau à faible risque (inférieur ou égal à 40 g/j pour les hommes et inférieur ou égal à 20 g/j pour les femmes) ;
- prescription par tout médecin à la dose maximale de 80 mg/jour. Au-delà de cette posologie, compte-tenu notamment d'une augmentation de la fréquence des effets indésirables graves avec l'augmentation des doses, le prescripteur doit systématiquement proposer au patient une évaluation et une prise en charge pluridisciplinaire spécialisée en addictologie.
Finalement, une AMM française a été octroyée le 22 octobre 2018 pour 3 dosages de BACLOCUR (10 mg, 20 mg et 40 mg), puis le 13 décembre 2018 pour BACLOCUR 30 mg.
Fin de la RTU accordée à LIORESAL et générique
L'utilisation du baclofène hors AMM est encadrée depuis 2014. Les spécialités LIORESAL 10 mg comprimé sécable et son générique BACLOFENE ZENTIVA 10 mg bénéficient d'une RTU (recommandation temporaire d'utilisation) depuis le 17 mars 2014, renouvelée à 2 reprises avec quelques évolutions du protocole thérapeutique (dernière version en date du protocole : 25 juillet 2017).
Avec la commercialisation d'une spécialité de baclofène disposant d'une AMM dans le traitement de la dépendance à l'alcool, la RTU accordée à LIORESAL et à son générique ne se justifie plus. Elle prendra fin le 15 juin 2020.
BACLOCUR à l'épreuve du remboursement
La Commission de la Transparence (CT) a émis un avis le 20 novembre 2019, dans lequel elle attribue à BACLOCUR un SMR (service médical rendu) faible dans son indication thérapeutique.
La CT appuie sa position sur les éléments suivants :
- une démonstration de supériorité du baclofène par rapport au placebo mal établie dans l'indication et à la posologie de l'AMM, malgré une utilisation importante du médicament en France, notamment dans le cadre de la RTU ;
- une quantité d'effet du baclofène versus placebo, au mieux faible, observée dans un contexte d'études discordantes, hétérogènes et de faible niveau de preuve.
À l'inverse, elle reconnaît un "besoin médical important à disposer de thérapeutiques dans la prise en charge de l'alcoolodépendance, en raison de l'efficacité modeste des traitements disponibles et de l'absence d'alternative appropriée et remboursable chez les patients en échec de ces traitements", d'où une place de BACLOCUR en dernier recours dans la stratégie de prise en charge thérapeutique de la dépendance à l'alcool chez des patients ayant une consommation à risque élevé.
Deux études ont servi de base à l'évaluation médico-économique de BACLOCUR par la CT :
- étude ALPADIR, comparative versus placebo, randomisée, en double aveugle, d'une durée totale de 6 mois, ayant évalué l'efficacité et la sécurité du baclofène dans le maintien de l'abstinence après sevrage chez des patients alcoolodépendants, à une dose cible de 180 mg/jour pendant 17 semaines, après une période de 7 semaines de titration progressive de la posologie. Les résultats de cette étude n'ont pas mis en évidence de supériorité du baclofène versus placebo sur le critère principal de jugement relatif au pourcentage de patients avec une abstinence continue : 11,9 % dans le groupe baclofène versus 10,5 % dans le groupe placebo (OR (Odds ratio) = 1,2 (IC95 % [0,58 ; 2,50]) ;
- étude BACLOVILLE (non publiée), comparative versus placebo, randomisée en double aveugle, d'une durée totale de 12 mois, ayant évalué l'efficacité et la tolérance du baclofène à forte dose (jusqu'à 300 mg/jour) chez des patients ayant une consommation à risque élevé d'alcool. Aucune différence statistique n'a été observée entre les deux groupes sur la diminution de la consommation totale d'alcool à 6 mois par rapport à l'inclusion selon le test paramétrique (modèle MMRM) sur lequel ont reposé les hypothèses de supériorité : -80,4 g/jr dans le groupe baclofène et -74,4 g/jr dans le groupe placebo, soit une différence de 6 g/j (IC95% [-14,4; 2,4]).
La CT procédera à une nouvelle évaluation des données disponibles en 2022.
BACLOCUR en pratique
BACLOCUR se présente en comprimé pelliculé sécable. Un comprimé peut être divisé en doses égales.
BACLOCUR doit être prescrit par un médecin ayant de préférence une expérience en addictologie et en complément d'un suivi psychosocial axé sur l'observance thérapeutique et la réduction de la consommation d'alcool.
Un guide d'utilisation de BACLOCUR à l'attention des prescripteurs a été élaboré par le laboratoire pour accompagner la commercialisation de ce médicament. Il détaille les informations essentielles à la mise en place et au suivi du traitement.
- Initiation du traitement par BACLOCUR : sevrage alcoolique non systématique
Le traitement par BACLOCUR peut être initié avec ou sans phase préalable de sevrage alcoolique.
En cas de sevrage, le traitement par BACLOCUR doit débuter dans les 2 semaines qui suivent l'arrêt de la consommation d'alcool.
En cas de symptômes aigus de sevrage alcoolique, un traitement spécifique sera instauré.
- Schéma posologique : titration et posologie maximale
- posologie d'initiation : 15 à 20 mg par jour en 2 à 4 prises pendant 3 jours ;
- phase de titration : augmentation de la dose quotidienne par palier de 10 mg tous les 3 ou 4 jours, sans dépasser 80 mg par jour (dose maximale), pour atteindre l'objectif thérapeutique, c'est-à-dire la réduction de la consommation d'alcool jusqu'à un niveau de consommation à faible risque (< ou = 40 g/jour pour les hommes et < ou = 20 g/jour pour les femmes). Une surveillance étroite doit être mise en place pendant cette phase ;
- objectif thérapeutique atteint et stable : réduction de la posologie envisageable.
L'administration de doses asymétriques en fonction de l'intensité du craving (envie irrépressible de boire), selon le moment de la journée est possible.
Si l'objectif thérapeutique n'est pas atteint après 3 mois de traitement, BACLOCUR doit être arrêté, en suivant un schéma de réduction progressive de la posologie sur une période de 2 à 3 semaines.
Le traitement ne doit jamais être interrompu brutalement en raison du risque d'apparition de symptômes de sevrage, sauf urgence liée à un surdosage ou à la survenue d'effets indésirables graves.
Les points de vigilance
La surveillance des patients est un élément essentiel du traitement par BACLOCUR, afin d'identifier la survenue d'un événement indésirable.
Cette surveillance porte notamment sur le risque psychiatrique :
- consultation psychiatrique avant la mise sous traitement et pendant le traitement ;
- suivi attentif des patients, en particulier en début de traitement, afin d'identifier notamment tout trouble du comportement, de l'humeur ou idée suicidaire. Dans ce cas, le traitement doit être arrêté.
Les autres points de surveillance portent sur :
- le risque de dépression respiratoire accru en cas de co-prescription de médicaments dépresseurs du système nerveux central (SNC) ;
- le risque d'apnée du sommeil ou de majoration de l'apnée du sommeil ;
- le risque de chute en raison de la sédation et/ou de l'effet myorelaxant du baclofène.
Conseils aux patients : une brochure d'accompagnement
Le patient ne doit pas interrompre brutalement le traitement par BACLOCUR en raison du risque de syndrome de sevrage, potentiellement létal.
Pour aider les prescripteurs dans l'accompagnement des patients, une brochure intitulée "Mon traitement par BACLOCUR" est mise à la disposition des patients :
- rappel des objectifs du traitement,
- explication des risques et effets indésirables du traitement et conduite à tenir ;
- mise à disposition d'un agenda de consommation d'alcool.
Identité administrative
- Liste I
- Surveillance particulière pendant le traitement
- BACLOCUR 10 mg, boîte de 30, CIP 3400930163528, prix public TTC = 4,84 euros
- BACLOCUR 20 mg, boîte de 30, CIP 3400930163597, prix public TTC = 9,58 euros
- BACLOCUR 30 mg, boîte de 30, CIP 3400930186886, prix public TTC = 14,33 euros
- BACLOCUR 40 mg, boîte de 30, CIP 3400930163665, prix public TTC = 19,09 euros
- Remboursable à 15 % (Journal officiel du 20 mai 2020, texte 13)
- Agrément aux collectivités (Journal officiel du 20 mai 2020, texte 14)
- Laboratoire Ethypharm
Pour aller plus loin
Communiqué de presse - Alcoolo-dépendance : arrivée de BACLOCUR et fin de la recommandation temporaire d'utilisation (RTU) pour les autres spécialités à base de baclofène (ANSM, 25 mai 2020)
Avis de la Commission de la Transparence - BACLOCUR (HAS, 20 novembre 2019)
Documents d'information accompagnant la commercialisation de BACLOCUR
- Guide pour les prescripteurs (Laboratoire Ethypharm, sous l'autorité de l'ANSM - mai 2020)
- Brochure pour les patients (Laboratoire Ethypharm, sous l'autorité de l'ANSM - mai 2020)
Nos articles sur VIDAL.fr concernant le baclofène
RTU baclofène : l'ANSM abaisse la posologie maximale, des spécialistes s'inquiètent pour les patients (27 juillet 2017)
Baclofène et alcoolodépendance : un risque accru d'hospitalisations et de décès associé aux doses élevées (6 juillet 2017)
Baclofène et alcool : RTU prolongée d'1 an en attendant la publication des études et l'AMM ? (20 mars 2017)
Baclofène et dépendance alcoolique : 1 an après la RTU, un premier bilan encourageant (25 mars 2015)
RTU baclofène : intérêt, modalités, gestion des restrictions et des posologies préconisées (15 mai 2014)
"Le protocole d'augmentation des doses de baclofène préconisé par la RTU est beaucoup trop rapide" Dr de Beaurepaire (9 mai 2014)
Pour aller plus loin
Consultez les monographies VIDAL
Consultez les VIDAL Recos
Sources
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