#Santé publique #COVID-19

COVID-19 et pédiatrie : de la maternité à l'école

Lors du VIDAL Live du 6 avril dernier, au cours de laquelle le Dr Fanny Audret, pédiatre, et le Dr François Trémolières, infectiologue, ont apporté leur expertise concernant les aspects pédiatriques de l’infection COVID-19, de nombreux thèmes ont été abordés.

En complément de cet événement interactif avec les professionnels de santé, trois actualités sont consacrées, dans cette VIDAL News, à : 1) l’épidémiologie, la contagiosité et la clinique ; 2) la maladie de Kawasaki-like ; 3) les particularités de la pandémie dans le contexte périnatal ainsi que les conséquences en termes de couverture vaccinale et la problématique du retour à la crèche ou à l’école. C’est ce 3e chapitre qui est abordé dans cet article.

Bien sûr, les informations présentées ici sont susceptibles d’évoluer en fonction des prochaines publications et, surtout, sont à pondérer par la variabilité des tests de diagnostic pour lesquels la France n’est pas la plus performante.
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COVID-19 : des conduites modifiées en maternité (illustration).

COVID-19 : des conduites modifiées en maternité (illustration).


On dispose de peu de données publiées, mais elles vont dans le sens d'une faible probabilité de transmission materno-fœtale (transmission verticale), par une mère atteinte de COVID-19 pendant la grossesse ou lors de l'accouchement.
Ainsi, sur 70 nouveau-nés de mères infectées par le SARS-CoV-2, aucun prélèvement dans le sang du cordon n'était positif. Une série chinoise a fait état de 9 femmes enceintes ayant eu une infection par SARS-CoV-2 confirmée (pneumonie avec scanner et PCR pharyngée) en fin de grossesse (36-39 semaines d'aménorrhée [SA]). Les 9 nouveau-nés vivants, avaient un score d'Apgar normal. La PCR était négative au sang du cordon, dans le pharynx des nouveau-nés, dans le liquide amniotique et dans lait.
Cependant, des auteurs ont évoqué la possibilité d'une transmission mère-enfant chez un nouveau-né à terme, asymptomatique et dont les prélèvements nasopharyngés étaient négatifs, mais dont les IgG and IgM virales étaient élevées dès la 2e heure de vie, suggérant une infection intra-utérine. La naissance de nouveau-nés asymptomatiques avec Apgar normal et PCR négatives, mais dont les sérologies étaient positives IgG (6/6) et IgM (2/6) a été rapportée dans une autre série de 6 femmes enceintes COVID-19 + ayant accouché par césarienne, avec masques, et sans contact postnatal.
Bien que l'on ignore si l'accouchement par césarienne protégerait le nouveau-né d'une mère infectée, il existe bien évidemment un risque de contamination mère-enfant (transmission horizontale) via l'émission de gouttelettes émises par l'un des parents COVID-19 positif.
La transmission virale par le lait est peu probable, mais les données sont limitées. Les quelques cas publiés (une quarantaine) font état de prélèvements négatifs dans le lait maternel. En outre, au cours des épidémies précédentes à coronavirus émergents (SARS-CoV en 2002-2003 et MERS-CoV en 2012-2015), aucun cas de transmission verticale n'a été rapporté et le virus n'a pas été détecté dans le lait maternel.

Conduite à tenir selon la Société française de néonatologie en cas de mère atteinte de COVID-19
La pandémie a modifié certaines conduites à tenir en maternité et en néonatologie dues à la possibilité de la transmission de la mère au nouveau-né, du risque néonatal et de l'allaitement.

En salle de naissance, la protection des soignants et des mesures d'isolement sont nécessaires (masque chirurgical, blouse à manches longues, lunettes couvrantes, gants en nitrile, lavage des mains avant et après tout soin, bionettoyage des surfaces avec détergent/désinfectant virucide). Les soins au nouveau-né sont effectués dans la pièce où sa mère a accouché et si des manœuvres de réanimation ont été nécessaires. Le choix du lieu où elles sont effectuées doit tenir compte du risque de contamination des soignants et des autres patients.

En maternité la séparation d'une mère COVID-19 + et de son enfant n'est pas souhaitable, mais la Société française de néonatologie recommande les règles suivantes :
  • Contact mère-enfant avec port d'un masque chirurgical pour la mère en continu pour allaiter et faire les soins d'hygiène, mais jamais de masque pour le bébé.
  • Isolement mère-enfant dans une chambre seule, porte fermée.
  • Allaitement maternel possible, sous condition du respect strict des gestes barrières dont un lavage des mains avant et après allaitement.
  • Respect des règles d'hygiène : masque, hygiène des mains (lavage au moins 30 secondes et séchage avec un essuie-tout jetable), avant et après les soins du bébé ; nettoyage régulier des surfaces touchées (désinfectant ménager ordinaire contenant une solution chlorée diluée à 1 %) ; lavage à 60°C du linge du bébé, draps, serviettes de toilette.
  • Les visites en maternité sont limitées au père (et en fonction des règles du service hospitalier), avec port du masque chirurgical dès l'entrée de l'hôpital.
  • Durant le sommeil, le berceau doit être placé à plus de deux mètres pour éviter la propagation de particules si la mère enlève ou déplace son masque.

Un nouveau-né hospitalisé en néonatologie, du fait de sa propre pathologie (prématurité, retard de croissance intra-utérin, pathologie congénitale, etc.) dont l'un des parents est COVID-19 + ou suspecté de l'être, doit être hospitalisé en chambre seule, placé de façon privilégiée en incubateur fermé, avec respect des règles d'hygiène et des mesures de protection des soignants.
Des tests PCR COVID-19 (respiratoire et dans les selles) sont répétés à intervalles réguliers avant levée d'isolement si les résultats sont négatifs.
Les visites sont souhaitables pour les deux parents s'ils sont asymptomatiques, en respectant rigoureusement les mesures d'hygiène. L'allaitement et le don de lait personnalisé sont possibles, en respectant les règles d'hygiène pour le recueil (cf. recommandations ADLF [Association des lactariums de France]).

Les mesures prises pour la sortie de maternité dépendent de la situation de la mère.
Si elle n'est pas COVID-19 +, la sortie sera la plus rapide possible avec une visite systématique à domicile le lendemain de la sortie et l'examen du nouveau-né par le pédiatre en présentiel et à J6-J10.
Si la mère est COVID-19 +, le couple mère/nouveau-né doit être confiné dans une pièce pendant 14 jours, en évitant les contacts rapprochés, le berceau étant situé à 2 mètres du lit, avec une salle de bain et des toilettes dédiées ou régulièrement nettoyées.
Bien évidemment, un lavage fréquent des mains, des objets et des surfaces, avec port du masque pour la mère seule, sont nécessaires. Un examen du nouveau-né par le pédiatre en présentiel est indiqué dans les 48 h suivant le retour à domicile, éventuellement complété par une téléconsultation. Les signes d'infection respiratoire (toux, difficultés respiratoires, d'alimentation etc.) doivent être expliqués à la mère.
Enfin, il convient d'insister sur l'importance, en maternité, de ne pas oublier les examens de dépistage systématique (hypothyroïdie, hyperplasie des surrénales, mucoviscidose, phénylcétonurie, drépanocytose, audition) dont la diminution a également été observée et peut avoir de lourdes conséquences. 
 
Les effets collatéraux de la pandémie COVID-19
  • Une diminution des consultations pédiatriques et des vaccinations
La pandémie COVID-19 s'est accompagnée, en raison du confinement, d'une réduction nette des consultations pédiatriques, en ambulatoire et à l'hôpital. Elle a touché, en particulier, les vaccinations systématiques (cf. Figures 1, 2, et Tableau I) dans la crainte de consulter en présentiel [1].

Figure 1 - Effectif par semaine des patients de 0-19 ans ayant eu une délivrance sur ordonnance d'un vaccin anti-HPV durant les 13 premières semaines de 2018, 2019 et 2020 (données régime général stricto sensu) [1]


Figure 2 - Effectif par semaine des nourrissons ayant eu une délivrance sur ordonnance d'un vaccin combiné pentavalent ou hexavalent durant les 13 premières semaines de 2018, 2019 et 2020 (données régime général stricto sensu) [1]



Tableau I - Consommation médicamenteuse durant les semaines 10, 11 12 et 13 de mars 2020 [du 2 au 29 mars] : comparaison entre les nombres d'utilisateurs observés et attendus [1]
Vaccins S10
(2 - 8 mars 2020)
S11
(9-15 mars 2020)
S12
(16-22 mars 2020)
S13
(23-29 mars 2020)
Anti-HPV -4,2 % -7,5 % -22,3 % (-4 084) -67,6 % (-12 960)
Penta/hexavalent
pour nourrissons
-0,4 % -2,5 % -3,6 % (-1 168) -23,0 % (-11 309)
ROR* -18,4 % -14,2 % -30,0 % (-11 367) -50,0 % (-18 580)
Antitétanique +0,1 % -5,1 % -18,1 % (-20 515) -50,4 % (-55 489)
*Nombre d'utilisateurs attendu estimé sur la base des données de 2018
En rouge : nombre d'utilisateurs observé inférieur d'au moins -10% au nombre attendu 

Or la pandémie ne contre-indique aucune vaccination (le rôle éventuellement protecteur du BCG a même été suggéré). Aussi, la direction générale de la santé, suivant en cela les sociétés savantes, rappelle que le fait d'avoir contracté la COVID-19, ne contre-indique aucune vaccination dès la fin de la phase aiguë de la maladie comme pour toutes les maladies infectieuses.
En effet, toute diminution ou retard des vaccinations pourrait se traduire par une augmentation des pathologies infectieuses (rougeole, coqueluche, infections graves à H. influenzae b, méningocoque, pneumocoque) plus graves que l'infection COVID-19.

 
  • La question du retour à l'école
Le retour à l'école des enfants a fait couler beaucoup d'encre et constitue un exemple de la difficulté de choisir entre des risques.
Le rapport de Santé publique France souligne qu'"en contraste de la relative bénignité de la maladie chez l'enfant et du peu d'évidence sur le rôle de l'école sur sa diffusion, les Français, parents comme enseignants, sont inquiets quant à la réouverture des établissements accueillants des enfants".
En réponse, la Société française de pédiatrie et les sociétés de différentes spécialités pédiatriques ont émis des propositions claires et consensuelles (26 avril 2020). Elles affirment le bénéfice sur la santé et le bien-être du retour à l'école, sous réserve du respect des mesures barrières et d'hygiène recommandées pour l'ensemble des enfants.
Les classes ne devraient pas compter plus de 10 enfants au maximum en crèche et 15 enfants au maximum en primaire. Le port d'un masque pour les enfants sans pathologie sous-jacente grave n'est ni nécessaire, ni raisonnable dans les crèches, les écoles maternelles et primaires. En revanche, le port de masque pour les adolescents ainsi que pour les adultes en charge d'enfants doit être obligatoire. Ces recommandations s'appliquent également aux enfants atteints de maladie chronique bien qu'on sache l'acuité particulière des interrogations et des inquiétudes parentales générées par le retour à l'école.
Des mesures barrières renforcées sont proposées pour certaines pathologies (maladies respiratoires chroniques, dysfonctions immunitaires), et une attention particulière doit être portée aux adolescents et aux enfants ayant des troubles du neurodéveloppement. Compte tenu de la rareté de certaines pathologies, donc de la difficulté d'identifier un risque spécifique, des propositions adaptées sont à rechercher auprès des spécialistes de ces pathologies chroniques.
La réouverture des écoles doit être accompagnée de mesures de prévention pour limiter la transmission communautaire : l'éviction des enfants symptomatiques ou contacts est indispensable ; les mesures barrières et de distanciation sociale doivent être adaptées à l'âge des enfants, et des mesures environnementales spécifiques doivent être mises en place (nettoyages des surfaces et locaux, gestion des déchets, etc.).
La déclinaison opérationnelle de ces mesures doit se faire localement, par les différents acteurs concernés, et les agents devront être formés et disposer de ressources éducatives adaptées pour favoriser l'adoption des bons comportements par les enfants. Des mesures spécifiques de prévention de la stigmatisation et favorisant la santé mentale devraient être déployées.
Les risques médicosociaux ne doivent pas être sous-estimés. Il s'agit, pour la mère, du risque d'augmentation de la morbidité liée à l'abaissement des normes de surveillance, des inégalités sociales de santé et des troubles anxieux et dépressifs du post-partum. Il s'agit, pour le nouveau-né, du risque lié aux limitations d'accès des parents aux services, de l'altération du processus naturel d'attachement parent-bébé, essentiel pour le développement neurologique et relationnel des enfants.

©vidal.fr

Pour en savoir plus 
[1] Rapport sur l'usage des médicaments en ville durant l'épidémie de COVID-19 : point de situation à la fin mars 2020 (ANSM et CNAM, 17 avril 2020)
Sources

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