Les allergies au temps de la COVID-19 (illustration).
Les sujets allergiques ne semblent globalement pas plus à risque d'infection COVID-19.
"Nous n'avons pas de chiffres montrant une corrélation entre le terrain allergique et un sur-risque pour la COVID-19, comme cela est montré avec le diabète ou l'obésité, par exemple", indique le Dr Sophie Silcret-Grieu, allergologue à Paris. "Toutefois, les maladies allergiques sont nombreuses, et la situation est sans doute différente s'il s'agit d'une rhinite modérée ou d'un asthme sévère. D'autre part, les patients atteints de manifestations ORL chroniques sont, de manière générale, plus prédisposés aux infections respiratoires, en raison d'une immunité locale un peu moins performante. On peut donc se poser la question d'une plus grande prédisposition à développer une infection à coronavirus, mais cela ne semble pas ressortir des données dont nous disposons actuellement".
Un constat partagé par le Pr Gilles Garcia, pneumologue à l'hôpital d'Antony. "On pensait qu'on verrait arriver beaucoup de patients asthmatiques en exacerbation ", a-t-il rapporté le 15 avril dernier lors d'un VIDAL Live consacré à l'Asthme et COVID-19. Mais, sur la base de l'expérience actuelle, "les patients avec une maladie chronique respiratoire ne constituent pas une grosse proportion des patients en réanimation, comme on pouvait le craindre au départ ".
Poursuivre les traitements
Le contrôle des maladies allergiques respiratoires est essentiel pendant l'épidémie de COVID-19, souligne la Société Française d'allergologie (SFA), comme le groupe de travail Asthme et Allergies de la Société de pneumologie de langue française (SPLF). Il est donc nécessaire de poursuivre tous les traitements (anti-histaminiques pour la rhinite allergique, corticoïdes inhalés pour l'asthme et/ou en administration nasale pour la rhinite) en période épidémique de COVID-19, afin de garder le contrôle des maladies allergiques respiratoires.
"Les patients ont exprimé de grandes craintes après les premières déclarations faites concernant les corticoïdes, craintes d'ailleurs initialement partagées par la profession. Depuis, les choses ont été clarifiées", explique le Dr Silcret-Grieu. "Les corticoïdes inhalés utilisés dans l'asthme doivent être poursuivis avec l'objectif de maintenir un bon contrôle de l'asthme, justement pour diminuer le risque de sévérité en cas d'infection COVID-19. Les corticoïdes nasaux peuvent être utilisés dans les indications habituelles, en particulier dans l'allergie, mais en cas de rhinite associée à une infection COVID-19, et particulièrement en cas d'anosmie/agueusie sans obstruction, il reste préférable de les interrompre".
"Pour l'entretien des dispositifs (chambre d'inhalation, autres dispositifs d'inhalation compatibles avec l'eau), dont l'utilisation doit, bien sûr, être strictement personnelle, le nettoyage à l'eau savonneuse semble une mesure raisonnable. Les zones des dispositifs manipulées, en général en plastique, peuvent être nettoyées avec un antiseptique courant ".
Différencier COVID-19 et rhinite allergique
La période de l'épidémie de COVID-19 coïncide avec la saison pollinique des arbres, et rhinite et toux sont des symptômes communs à cette infection et à l'allergie, ce qui pourrait théoriquement être une source de confusion pour le diagnostic. "Toutefois, le plus souvent, le contexte aide au diagnostic", rappelle le Dr Silcret-Grieu. "En faveur de l'allergie, la présence de signes positifs (la saisonnalité, la similarité des symptômes avec ceux ressentis les années précédentes, le prurit oculo-nasal), mais surtout l'absence d'autres signes plus typiques de la COVID-19 que sont l'anosmie/agueusie sans obstruction nasale, la fièvre, les douleurs musculaires, les céphalées, les frissons, la toux sévère, les douleurs thoraciques, la dyspnée, les signes digestifs (diarrhées, nausées), la perte d'appétit, etc."
Agueusie/anosmie sans obstruction nasale = COVID-19
"L'anosmie/agueusie sans obstruction nasale est pathognomonique de l'infection COVID-19, elle n'existe pas dans l'allergie en l'absence d'obstruction, précise le Dr Sophie Silcret-Grieu (notre article du 8 avril 2020). La perte ou diminution de l'odorat liée à l'obstruction nasale en cas d'allergie est bien connue et reconnue par les patients allergiques habitués à leurs symptômes. En cas de doute, il faut impérativement rechercher l'existence ou l'absence d'obstruction à l'interrogatoire. En vidéo-consultation, on peut, si besoin, faire un test avec un miroir positionné horizontalement sous les narines, la présence de buée en expirant par le nez montre que l'obstruction n'est pas totale".
Que faire en cas de désensibilisation ?
En cas de désensibilisation, les recommandations relayées par l'Association Asthme et Allergies varient selon la situation.
Pour les personnes ayant une infection COVID-19, ou suspectes d'être infectées, il est conseillé de suspendre la désensibilisation le temps de la guérison.
En l'absence de signes d'infection, si une désensibilisation est en cours et qu'elle est efficace et bien tolérée, sans effets locaux importants (comme des irritations ou un gonflement sous la langue), il n'y a pas de raison de l'interrompre d'après les données actuelles. L'idéal est toutefois de prendre l'avis de l'allergologue par téléconsultation.
Si une désensibilisation était prévue, mais non commencée, il est alors recommandé d'attendre la fin de l'épidémie pour la débuter.
"Nous avons observé des interruptions du traitement de désensibilisation dans le contexte de l'épidémie, soit en cas d'infection pendant laquelle on suspend le traitement (le temps de se rétablir), soit par rupture d'approvisionnement en produits, parce qu'ils sont restés dans un lieu différent de celui du confinement ou parce que les perturbations des services de livraison n'ont pas permis de se ré-approvisionner", rapporte le Dr Sophie Silcret-Grieu.
Selon la durée de l'interruption de traitement, les conséquences sont variables. "Une interruption de quelques jours est sans conséquences. Si l'interruption est de 2 à 4 semaines, on peut reprendre le traitement en diminuant la dose pendant les quelques premiers jours de reprise. Si l'interruption est de plusieurs mois, tout dépend de l'allergène en cause. Dans tous les cas, il faut en discuter avec l'allergologue, mais on ne perd pas, en quelques semaines, le bénéfice d'un traitement suivi depuis plusieurs mois".
Confinement ne signifie pas air confiné
"Certains patients allergiques se plaignent d'une recrudescence de leurs symptômes en cette période de confinement, soit parce qu'elle coïncide avec la pollinisation des arbres auxquels ils sont allergiques, le bouleau par exemple, avec une année pollinique importante en raison des conditions météorologiques (beau temps sec), soit parce que le confinement augmente le contact avec des allergènes domestiques comme les acariens ou provenant des chats ou d'autres animaux de compagnie", souligne le Dr Sophie Silcret-Grieu.
"Depuis le confinement, un grand nombre d'allergologues proposent des téléconsultations, que les patients utilisent très volontiers, et qui permettent de résoudre bon nombre de problèmes ou même de démarrer une prise en charge adaptée. La réalisation des tests cutanés allergologiques ou des tests respiratoires peut dans la plupart des cas être différée".
L'Association Asthme et Allergies conseille par ailleurs d'aérer le logement 10 à 15 mn le matin avant 10 h et le soir après 16 h, pour éviter les heures où les particules de pollens sont les plus nombreuses dans l'air. Le site du Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) permet de connaître la présence de pollen dans l'air de chaque région.
Réaction allergique grave
Suite à l'intervention de l'Association française pour la prévention des allergies (AFPRAL) auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament, les stylos d'adrénaline nécessaires à l'auto-injection en urgence en cas de réaction allergique grave généralisée (choc anaphylactique) peuvent être délivrés par les pharmaciens durant la période de crise sanitaire, même en l'absence de nouvelle prescription médicale. Les stylos à base d'adrénaline EPIPEN, ANAPEN, EMERADE, JEXT, indiqués dans le traitement d'urgence des symptômes du choc anaphylactique peuvent donc être délivrés en pharmacie à tous les patients bénéficiant d'une ordonnance ponctuelle datant de moins d'un an, ou rapportant l'emballage d'un stylo récemment utilisé ou périmé (notre article du 16 avril 2020).
Un risque potentiellement accru d'allergies alimentaires
L'AFPRAL considère que le risque d'allergies alimentaires est potentiellement accru en cette période où les courses alimentaires sont plus souvent effectuées via internet (drive, livraisons à domicile). Les consommateurs souffrant d'allergies alimentaires ne peuvent ainsi pas lire les étiquettes comme ils le font habituellement en magasin, et peuvent être exposés à des produits non habituels, du fait de la substitution par l'enseigne des produits manquants.
Elle alerte également sur le risque grave potentiellement encouru par les personnes souffrant d'allergies alimentaires suite à l'assouplissement des mesures d'étiquetage, qui sont ainsi susceptibles d'acheter à leur insu des denrées contenant des allergènes. Cette inquiétude fait suite à la publication d'un article sur le site du magazine des industriels de l'agroalimentaire Process Alimentaire, informant de l'assouplissement des mesures d'étiquetage par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour contrecarrer la pénurie de certaines denrées alimentaires. À ce jour, l'AFPRAL n'a cependant reçu aucune réponse à ses questions…
©vidal.fr
Pour en savoir plus
Société Française d'Allergologie. Allergies respiratoires et COVID-19 (2 avril 2020)
Association Asthme et Allergies, Numéro Vert "Asthme & Allergies Infos Service" 0800 19 20 21 appel gratuit. Communiqués du 19, 27 et 30 mars 2020 et du 8 et 22 avril 2020.
Position du groupe de travail Asthme et Allergies de la SPLF sur la prise en charge des asthmatiques pendant l'épidémie de COVID-19.
VIDAL LIVE Asthme et COVID-19, 15 avril 2020. Avec le Pr Gilles Garcia, pneumologue, et le Dr François Trémolières, infectiologue et interniste.
Sources
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