Les médicaments utilisés chez les patients COVID-19 font l'objet d'une surveillance renforcée (illustration).
Plusieurs molécules, dont l'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ritonavir, sont actuellement utilisées en dehors du périmètre de leur AMM (autorisation de mise sur le marché), pour soigner des patients COVID-19.
Conformément aux recommandations du HCSP (Haut Conseil de Santé publique), cette utilisation est réservée au milieu hospitalier (notre article du 1er avril 2020).
Cette utilisation inhabituelle, en termes d'indication, de posologie et de patients, conduit l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) à mettre en place une surveillance continue de ces médicaments lorsqu'ils sont utilisés hors AMM, à partir des signalements déclarés par les professionnels de santé ou les patients (notre article du 31 mars 2020).
La surveillance continue doit en effet permettre d'identifier des effets indésirables inattendus ou méconnus associés à ces médicaments chez les patients COVID-19, en particulier lorsqu'ils sont utilisés en dehors des essais cliniques.
Pour assurer cette surveillance spécifique de manière continue, l'ANSM coordonne, en collaboration avec le réseau national des centres régionaux de pharmacovigilance, 2 enquêtes de pharmacovigilance :
- une enquête générale confiée au centre de pharmacovigilance de Dijon : cette enquête recense l'ensemble des effets indésirables déclarés dans la base nationale de pharmacovigilance depuis le 27 mars 2020 en lien avec des médicaments utilisés chez des patients pris en charge pour une infection à SARS-CoV-2 ;
- une enquête complémentaire menée par le centre de pharmacovigilance de Nice : elle porte spécifiquement sur les effets cardiovasculaires de ces traitements.
Des signalements majoritairement en provenance de l'hôpital
La quasi-totalité des déclarations concernant l'hydroxychoroquine et l'association lopinavir/ritonavir provient des établissements de santé.
Cette situation est cohérente avec les recommandations actuellement en vigueur, stipulant que l'utilisation hors AMM de ces médicaments est réservée aux établissements de santé.
Néanmoins, l'absence de signalements par les professionnels de santé de ville n'écarte pas l'utilisation dans ces conditions : des cas de prescriptions ou d'autoprescriptions par des médecins de ville ont été rapportés.
Premier bilan de l'enquête générale : un profil de toxicité attendu
Un premier bilan de l'enquête générale menée par le Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Dijon indique :
- qu'une centaine de cas d'effets indésirables a été déclaré en lien avec des médicaments utilisés chez des patients infectés par le COVID-19 depuis le 27 mars 2020 : la moitié pour le lopinavir-ritonavir, l'autre moitié pour l'hydroxychoroquine ;
- parmi ces déclarations, 82 cas graves ont été rapportés, dont 4 d'issue fatale.
Ces déclarations ne semblent pas faire apparaître de nouveaux effets indésirables, en comparaison à ceux déjà mentionnés dans les RCP (résumé des caractéristiques du produit) de ces médicaments (hépatotoxicité, néphrotoxicité, atteintes rétiniennes, troubles cardiovasculaires).
Effets indésirables cardiaques : en majorité liés à l'hydroxychloroquine
La seconde enquête, menée par le CRPV de Nice, et dédiée aux événements indésirables cardiaques, fait état de 53 cas d'effets indésirables cardiaques, dont 43 cas avec l'hydroxychloroquine, seule ou en association (notamment avec l'azithromycine).
Ces effets peuvent être répartis en 3 catégories :
- 7 cas de mort subite, dont 3 "récupérés" par choc électrique externe,
- une dizaine de cas de troubles du rythme électrocardiographiques ou de symptômes cardiaques les évoquant comme des syncopes,
- des troubles de la conduction dont allongement de l'intervalle QT, d'évolution favorable après arrêt du traitement.
Des premières données limitées, mais qui invitent à la vigilance
Selon l'ANSM, ce premier bilan confirme le profil de toxicité connu de l'hydroxychloroquine et du couple lopinavir/ritonavir, même lorsqu'ils sont utilisés en traitement de l'infection par SARS-CoV-2.
Il suggère par ailleurs une incidence potentiellement augmentée de ces effets indésirables chez les malades du COVID-19, d'autant plus que l'analyse des données doit prendre en compte une sous-déclaration habituelle des effets indésirables, et probablement accentuée dans cette période de forte tension dans les services hospitaliers.
Dans ce premier bilan en revanche, de nombreux paramètres ne sont pas décrits :
- l'existence de comorbidités chez les patients traités ;
- l'existence de traitements chroniques concomitants à la prise d'hydroxychloroquine ou de lopinavir/ritonavir ;
- l'état clinique du patient au moment de la prise du médicament.
Pour aller plus loin
Médicaments utilisés chez les patients atteints du COVID-19 : une surveillance renforcée des effets indésirables - Point d'information (ANSM, 10 avril 2020)
Sur VIDAL.fr
COVID-19 : focus sur les protocoles d'utilisation de l'hydroxychloroquine et de l'association lopinavir/ritonavir (1er avril 2020)
Hydroxychloroquine et lopinavir/ritonavir : point d'information de l'ANSM suite à des signaux de pharmacovigilance (31 mars 2020)
Pour aller plus loin
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