#Santé publique #COVID-19

Choc cytokinique : les essais thérapeutiques en cours dans la COVID-19

L'infection par le SARS-CoV-2 semble déclencher un syndrome de libération des cytokines, ou orage cytokinique, qui pourrait être à l'origine de nombreuses complications sévères (voir l'article de ce jour "COVID-19 : le rôle du choc cytokinique et les premières pistes thérapeutiques"). 
Les inhibiteurs des récepteurs de l'interleukine 6 (dont font partie le tocilizumab [ROACTEMRA] et le sarilumab [KEVZARA]), ont montré leur intérêt dans d'autres contextes où se produit ce choc cytokinique. Après des résultats préliminaires obtenus en Chine, de nombreuses études cliniques se sont donc rapidement mises en place pour évaluer l'intérêt de ces inhibiteurs dans la prise en charge des formes graves de COVID-19.
D'autres essais sont également menés pour évaluer l'intérêt de la colchicine dans la prise en charge des complications inflammatoires de la COVID-19. Voici un tour d'horizon des différents protocoles.
 
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Au-delà de l'approche antivirale, de multiples essais en cours pour lutter contre le choc cytokinique (illustration).

Au-delà de l'approche antivirale, de multiples essais en cours pour lutter contre le choc cytokinique (illustration).


À l'heure où nous écrivons cet article, 5 études explorent l'efficacité du tocilizumab dans le traitement de la COVID-19, et 4 autres les effets du sarilumab.
 
Les essais en cours avec le tocilizumab
 
Il s'agit d'une étude de phase II, non randomisée, ouverte, avec un seul bras, sur 330 patients (pO< 93 % ou intubés depuis moins de 24 h). Le critère principal est l'analyse de la mortalité à 1 mois. Le protocole consiste en l'administration d'une perfusion de tocilizumab à 8 mg/kg (maximum : 800 mg) et, éventuellement, une seconde administration 12 heures plus tard si les fonctions respiratoires ne sont pas rétablies.
  Cette étude doit enrôler 330 patients. Elle est randomisée, contre placebo et en double aveugle. Elle a pour objectif d'évaluer l'effet de 8 mg/kg de tocilizumab (maximum : 800 mg), éventuellement répétée une fois. Le critère principal est le statut clinique mesuré à l'aide d'une échelle de 7 critères.
  Portant sur 200 patients et randomisée, cette étude à 4 bras compare 400 mg de tocilizumab IV versus 2 x 162 mg de tocilizumab SC, versus 200 mg de sarilumab SC, versus traitement standard. Le critère principal est le délai pour redevenir indépendant de l'oxygénothérapie. Les critères secondaires sont le décès, la durée du séjour hospitalier et les taux sanguins de protéine C réactive, entre autres.
 
Cette étude ouverte randomisée inclut 150 patients avec un ratio 3/1/1 (association tocilizumab / favipiravir). Le tocilizumab est administré entre 4 et 8 mg/kg (dose recommandée 400 mg). La perfusion peut être répétée 12 à 24 heures plus tard en cas de persistance de la fièvre (dose maximale totale de 800 mg). Le favipiravir (un antiviral développé au Japon) est administré pendant 7 jours : 1,6 g x 2 le premier jour, puis 600 mg x 2 par jour (voie orale). Le critère principal est la guérison clinique (absence de fièvre et de symptômes respiratoires, négativation de la charge virale 2 fois successivement, normalisation de la radiographie du thorax).
  Cet essai est une étude observationnelle, rétrospective. L'effectif est de 120 patients atteints de formes sévères (pO< 93 %), avec symptômes depuis au moins 14 jours. La comparaison est faite entre les patients traités par tocilizumab 8 mg/kg versus CRRT (Continuous Renal Replacement Therapy, avec au moins 3 séances de dialyse). Le critère principal est le pourcentage de patients chez qui la fièvre disparaît pendant au moins 72 heures et la saturation en oxygène est normalisée.

Les études cliniques en cours sur le sarilumab
Outre l'étude comparative danoise citée précédemment, le sarilumab fait l'objet de 3 autres études cliniques.

  Coordonnée par l'hôpital Necker, cette étude randomisée ouverte va enrôler 180 patients. Elle comparera le traitement standard à l'ajout de 400 mg de sarilumab IV. Les critères primaires sont l'absence de besoin de ventilation assistée, le nombre de désintubations et l'évolution clinique selon les critères OMS.
  Deux études randomisées contre placebo, phase II et phase III, en quadruple aveugle (patient, soignant, investigateur, évaluateur), portant sur 400 patients, comparent deux doses de sarilumab IV (une "faible", une "forte", non précisées) à un placebo. Les critères principaux sont le délai de disparition de la fièvre pendant au moins 48 h (phase II) et l'évolution clinique mesurée sur une échelle de 6 critères (phase III).
  Cette étude ouverte non randomisée de phase II se propose de comparer, chez 1 000 patients, les effets du sarilumab (200 mg SC, 1 fois) versus l'association lopinavir/ritonavir (KALETRA, 200/50 mg, 2 comprimés 2 fois par jour, 10 jours), versus hydroxychloroquine (PLAQUENIL, 200 mg, 2 comprimés 2 fois par jour, 10 jours), versus baricitinib (OLUMIANT, un inhibiteur des Janus kinase 1 et 2, 2 mg/j  par voie orale, 10 jours), versus traitement standard.
Le critère principal est le statut clinique 2 semaines après le début des traitements selon une échelle de 7 critères.
 
La colchicine, une autre manière de réduire le choc cytokinique ?
La colchicine est une substance anti-inflammatoire qui connaît un renouveau d'intérêt dans diverses pathologies. Récemment, une équipe canadienne a publié une étude intéressante sur son usage dans le post-infarctus du myocarde (étude COLCOT), qui a déjà fait l'objet d'un article dans les actualités VIDAL. Elle a récemment été utilisée avec succès dans deux cas pédiatriques de syndrome de fuite capillaire survenant après une greffe, après plusieurs semaines de ventilation assistée et de dialyse.
Les propriétés anti-inflammatoires de la colchicine semblent liées à sa capacité à inhiber l'assemblage des inflammasomes NLRP3, des particules intracytoplasmiques qui stimulent la libération de cytokines pro-inflammatoires, en particulier l'interleukine 1 bêta, et aussi l'interleukine 6.
Dans le SARS-CoV-1, il a été décrit une activation de ces inflammasomes sous l'action de deux protéines virales, la viroporine E et la viroporine 3a.
Pour évaluer les effets de la colchicine sur les complications de la COVID-19, trois études sont actuellement en cours :
  • une grande étude canadienne (COLCORONA, par la même équipe qui a travaillé sur le post-infarctus) qui porte sur 6 000 patients non hospitalisés, contre placebo, et qui durera un mois (on dispose de peu d'informations sur cette étude qui n'est pas renseignée dans les bases de données) ;
  • une étude italienne ouverte et randomisée, portant sur 100 patients et comparant 1 mg/j de colchicine au traitement standard. Le critère principal est l'amélioration clinique mesurée sur une échelle de 7 critères. 
  • une étude grecque randomisée ouverte, portant sur 180 patients et comparant 0,5 mg de colchicine 2 fois par jour au traitement standard. Les critères principaux sont la détérioration clinique et l'augmentation du taux de protéine C-réactive. 

Pour finir ce tour d'horizon, mentionnons que trois essais sont également en cours pour évaluer les effets de l'éculizumab (SOLIRIS), un anticorps monoclonal dirigé contre la fraction C5 du complément, de l'émapalumab (GAMIFANT), un anticorps dirigé contre l'interféron gamma, et de l'anakinra (KINERET), un inhibiteur des récepteurs de l'interleukine 1.

Pour aller plus loin
Pour se rafraîchir la mémoire sur le choc cytokinique
Emilie D, Humbert M et Galanaud P.  Cytokines et sensibilité aux maladies . Pour la Science, avril 2000
 
L'étude chinoise qui a évalué les effets du tocilizumab dans la COVID-19
Xu XL, Han MF, et al.  Effective Treatment of Severe COVID-19 Patients with Tocilizumab. Publication en ligne, mars 2020.
 
Sur l'intérêt de la colchicine en post-infarctus (étude COLCOT)
Roubille F. COLCOT : l'hypothèse microinflammatoire confirmée : la colchicine réduit les événements cardiovasculaires après un SCA.  CardioOnline, 21 novembre 2019.
 
La colchicine en post-infarctus : les résultats d'une vaste étude multicentrique
 
Les cas pédiatriques de syndrome de fuite capillaire traités par colchicine
Cocchi E, Chiale F, Gianoglio B et al. Colchicine: An Impressive Effect on Posttransplant Capillary Leak Syndrome and Renal Failure. Pediatrics, May 2019, 143 (5).
 
Le communiqué de presse de l'Institut de cardiologie de Montréal sur l'étude COLCORONA, 23 mars 2020.
 
Sources

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