Une production de cytokines excessive et autoentretenue (illustration).
Le choc cytokinique, également appelé "orage cytokinique" ou "syndrome de libération des cytokines", est un phénomène inflammatoire massif qui a été décrit dans diverses pathologies infectieuses, dont certaines coronaviroses respiratoires humaines.
Chez certains patients, sous l'action des virus, on observe une prolifération importante de lymphocytes T et de monocytes inflammatoires sécrétant des quantités considérables d'interleukines, de GM-CSF et de G-CSF, de TNF alpha, etc. Dans le choc cytokinique, la production de cytokines est à la fois excessive et auto-entretenue.
Dans le contexte des coronavirus émergents de ces dernières années, les études ont montré que l'infection par le SARS-CoV-1 pouvait entraîner une production massive d'interleukine 6, de TNF alpha et d'interleukine 12, et celle par le MERS-CoV, la production d'interleukines 6, 1bêta et 8. Lors de COVID-19 sévères, les biochimistes ont observé des taux sanguins élevés d'interleukines 6, 2, 7 et 10, de G-CSF, de TNF alpha et de protéines induites par l'interféron.
Une tempête inflammatoire massive
Le choc cytokinique touche essentiellement des adultes dans la force de l'âge. Il semble que les enfants, dont le système immunitaire est encore immature, et les personnes âgées, dont l'immunité est affaiblie, soient plutôt épargnés par cette flambée immunitaire.
Parmi les cytokines en cause, l'interleukine 6 et le GM-CSF semblent être celles qui ont le plus d'effets délétères via une exacerbation de l'inflammation menant, entre autres, à une hypertension artérielle, une tachycardie évoluant vers une bradycardie, une hypoxie et des lésions de fibrose pulmonaire. Un syndrome de détresse respiratoire aiguë apparaît, pouvant mener à une défaillance multi-organes et au décès.
Dès le début de la pandémie de COVID-19, les médecins chinois ont suspecté un rôle du choc cytokinique dans l'expression des formes les plus graves de la maladie.
Tocilizumab et sarilumab, inhibiteurs des récepteurs de l'interleukine 6
Depuis quelques années, deux anticorps monoclonaux, le tocilizumab (ROACTEMRA /ACTEMRA) et le sarilumab (KEVZARA), sont commercialisés. Leur mode d'action consiste à inhiber la liaison de l'interleukine 6 avec ses récepteurs membranaires (mIL6R) et solubles (sIL6R).
Ce sont ces derniers qui, liés à l'interleukine 6 et au gp130, transduisent, via une Janus kinase (JAK), le signal qui déclenche notamment la prolifération des lymphocytes T.
En France, le tocilizumab est indiqué dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, de l'arthrite juvénile idiopathique et de l'artérite à cellules géantes. Il est également indiqué dans le traitement du syndrome de libération des cytokines provoqué par une immunothérapie par cellules CAR-T dans le traitement de certains lymphomes.
Le sarilumab est indiqué, en association avec le méthotrexate, dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde résistant aux traitements de fond.
Une troisième molécule, le sirukumab, un anticorps monoclonal dirigé contre l'interleukine 6, est en cours d'étude clinique dans des indications similaires.
Une première étude publiée sur l'efficacité du tocilizumab dans la COVID-19
L'indication obtenue en 2017 aux États-Unis pour le tocilizumab dans le traitement du syndrome de libération des cytokines post-immunothérapie par cellules CAR-T a naturellement amené les médecins chinois à évaluer son effet dans le traitement des formes graves ou critiques de COVID-19.
En mars 2020, les résultats d'une étude observationnelle de petite taille ont été publiés en ligne. Cette étude a suivi 21 patients atteints de formes sévères ou critiques de COVID-19 (âge moyen : 56,8 ans (25-88), 86 % d'hommes, 81 % de formes sévères (pO2 < 93 %, rythme respiratoire > 30/minute, 19 % de formes critiques). Ces malades ont reçu, outre le "traitement standard" local (lopinavir, méthylprednisolone, oxygénothérapie, traitements symptomatiques), une perfusion intraveineuse de 400 mg de tocilizumab.
Chez 18 patients, l'administration de tocilizumab a entraîné une disparition de la fièvre dans les 24 heures. Trois malades, dont la fièvre résistait, ont reçu une seconde administration 12 h plus tard, avec disparation de l'hyperthermie. Dans les jours suivant le traitement, les besoins en oxygène se sont réduits chez 75 % des patients et l'un d'entre eux n'a plus eu besoin d'oxygénothérapie.
Au 5e jour après traitement, le taux sanguin de lymphocytes était redevenu normal chez 53 % des patients. Le taux sanguin de protéine C-réactive était normalisé dans 84 % des cas. Les lésions pulmonaires avaient disparu chez 19 patients (91 %). Au moment de la publication de l'étude, 19 patients avaient quitté l'hôpital, en moyenne 13,5 jours après le traitement par tocilizumab.
Cette étude préliminaire est certes imparfaite, mais, en conjonction avec de nombreux signalements anecdotiques de la part d'infectiologues et de réanimateurs à travers le monde, elle a conduit plusieurs équipes à lancer des études cliniques dont les détails sont précisés dans un second article également publié dans les actualités VIDAL de ce jour.
Pour aller plus loin
Pour se rafraîchir la mémoire sur le choc cytokinique
Emilie D, Humbert M et Galanaud P. Cytokines et sensibilité aux maladies . Pour la Science, avril 2000
Sur l'intérêt du tocilizumab dans le traitement du syndrome de libération des cytokines provoqué par une immunothérapie par cellules CAR-T
Avis de la Commission de transparence. Haute autorité de santé, 9 janvier 2019.
L'étude chinoise qui a évalué les effets du tocilizumab dans la COVID-19
Xu XL, Han MF, et al. Effective Treatment of Severe COVID-19 Patients with Tocilizumab. Publication en ligne, mars 2020.
Sources
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