La prescription d’IPP en prévention des lésions gastroduodénales dues aux AINS n’est pas justifiée chez des patients non à risque (illustration).
Une étude observationnelle sur l'utilisation des IPP en ville
L'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a dévoilé les résultats d'une étude observationnelle réalisée à partir des données du Système nationale des données de santé (SNDS) sur l'année 2015.
Cette étude avait pour objectif de décrire l'utilisation des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) [Cf. Encadré 1] délivrés en ville sur prescription médicale.
Encadré 1 - Indications des IPP
Les IPP sont utilisés chez l'adulte dans les indications suivantes :
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Pour être inclus dans l'étude, les patients devaient avoir bénéficié d'au moins un remboursement pour une délivrance d'IPP en 2015. Parmi eux, les "utilisateurs incidents" représentaient ceux n'ayant bénéficié d'aucun remboursement pour la délivrance d'IPP dans les 12 mois précédant la 1re date de délivrance d'IPP en 2015.
Une utilisation quantitativement très importante en 2015
Selon les résultats de cette étude, 16 millions (15,8 millions précisément) de Français ont utilisé au moins un IPP délivré sur prescription médicale en 2015, soit près d'1/4 de la population française (24 %).
Pour la moitié d'entre eux, il s'agissait d'utilisateurs incidents d'IPP (aucun remboursement d'IPP enregistré dans les 12 mois précédents). Leur âge moyen était de 49 ans, leur sexe féminin dans 56 % des cas.
Quels IPP ? Pour quelle durée ? Quels prescripteurs ?
Les 3 molécules les plus utilisées en initiation de traitement étaient l'oméprazole (44 % des délivrances), l'ésoméprazole (30 %) et le pantoprazole (14 %).
Pour l'ensemble des patients incidents, la durée moyenne du traitement initial était de 40,8 jours. Cette durée différait entre les classes d'âge, atteignant 65 jours chez les plus de 65 ans.
Les utilisateurs au long cours (durée du traitement initial dépassant 6 mois) représentaient 4 % des utilisateurs incidents (n = 310 000) et 10,2 % des plus de 65 ans.
Dans près de 75 % des cas, l'IPP était délivré sur prescription d'un médecin libéral, dont 87 % étaient médecins généralistes.
Dans quelles indications ?
La répartition par indication du traitement par IPP chez les utilisateurs incidents était le suivante :
- éradication d'H. pylori : 0,5 %,
- prévention ou traitement des lésions gastroduodénales :
- dues aux AINS : 53,5 %,
- dues aux anti-agrégants plaquettaires ou aux anticoagulants : 5,2 %,
- dues aux corticoïdes à usage systémique : 5,3 %
- liées aux traitements des cancers : 0,5 %
- traitement d'une atteinte gastroduodénale identifiée : 2,5 %.
La prévention ou le traitement des lésions gastroduodénales dues aux AINS constituait donc l'indication la plus fréquente en 2015, concernant près de 4 millions de sujets dont 79,7 % ne présentaient pas de facteur de risque justifiant l'utilisation systématique d'un IPP en association avec un AINS (Cf. Encadré 1).
Dans 90,7 % des cas, l'AINS était délivré à la date d'initiation de l'IPP, suggérant un traitement à visée préventive.
Encadré 1 - Facteurs de risque justifiant l'utilisation d'un IPP en association à un AINS
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Les AINS les plus souvent délivrés en association aux IPP étaient le kétoprofène (41,6 %), le diclofénac (16,0 %), le naproxène (14,8 %), l'ibuprofène (9,1 %) et le piroxicam (4,6 %).
L'âge moyen des patients était de 49,8 ans et leur sexe était féminin dans 54,7 %.
Des recommandations peu respectées en pratique
Ces données montrent que les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) relatives au bon usage des IPP semblent peu respectées pour la prévention de l'ulcère gastroduodénal par AINS.
Les auteurs de ces recommandations, émises en 2009, avaient identifié un nombre important de prescriptions d'IPP faites dans des situations cliniques hors AMM et injustifiées (en l'état des connaissances à cette date) dans :
- la dyspepsie fonctionnelle (sauf si un RGO est associé) ;
- la prévention des lésions gastroduodénales dues aux AINS utilisés dans le cadre d'affections aiguës chez des patients non à risque (moins de 65 ans, sans antécédent ulcéreux et n'étant traités ni par antiagrégant plaquettaire, ni par anticoagulant, ni par corticoïde).
"Ne pas banaliser l'usage des IPP"
Tenant compte de ces données et des recommandations en vigueur, l'ANSM rappelle qu'à ce jour l'intérêt de la prévention des lésions gastroduodénales en cas de prise d'AINS, chez l'adulte, n'est établi qu'en présence des facteurs de risque suivants :
- Être âgé de plus de 65 ans.
- Avoir un antécédent d'ulcère gastrique ou duodénal.
- Être traité par antiagrégant plaquettaire, anticoagulant ou corticoïde.
Pour l'ANSM, l'utilisation des IPP ne doit pas être banalisée : "bien que les IPP soient généralement bien tolérés à court terme, leur utilisation au long cours n'est pas sans risque", notamment rénaux (notre article du 10 mars 2016).
Les patients qui utilisent des IPP en automédication en dehors des indications validées par l'autorisation de mise sur le marché pourraient bien être concernés par cette recommandation de l'ANSM.
Pour aller plus loin
Près de 16 millions de personnes ont eu une prescription d'inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) en 2015 en France - Point d'Information (ANSM, 19 décembre 2018)
Étude observationnelle de l'ANSM relative aux IPP, à partir des données du SNDS, France, 2015. (ANSM, 19 décembre 2018)
Les inhibiteurs de la pompe à protons chez l'adulte - Bon usage des médicaments (HAS, juin 2009- Mises à jour décembre 2009)
Sur VIDAL.fr
La prise d'IPP associée à une augmentation du risque d'insuffisance rénale chronique (10 mars 2016)
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