La nouvelle recommandation de la HAS a été rendue publique le 23 octobre 2018.
276 097 infections à Chlamydia trachomatis ont été diagnostiquées en France en 2016, soit trois fois plus qu'en 2012 (données 2017, Santé publique France). Cette infection est plus élevée chez les femmes de 18 à 25 ans, avec une prévalence estimée à 3,6 % en France en 2006, contre 2,5 % chez les hommes du même âge.
L'infection par Chlamydia trachomatis est asymptomatique dans 60 à 70 % des cas, avec un retentissement plus sévère chez les femmes (atteinte inflammatoire pelvienne, salpingite, grossesse extra-utérine, stérilité) que chez les hommes. Ces complications sévères encourues à long terme par les patientes non dépistées et qui ignorent leur infection incitent à renforcer le dépistage pour limiter le risque de propagation et surtout bénéficier d'un traitement précoce.
Chlamydia trachomatis peut aussi provoquer des lymphogranulomatoses vénériennes (sérotypes L1, L2 ou L3). Les cas signalés ont augmenté de 161 % en 5 ans en France (184 cas en 2010, 481 en 2015). Avec 95 % des cas concernant des hommes homosexuels, le dépistage s'avère particulièrement important dans cette population.
Un nombre de cas en augmentation
Les dernières données épidémiologiques montrant une augmentation de 10 % des cas de chlamydioses déclarées entre 2013 et 2015, en grande majorité chez les femmes de 15 à 24 ans, (données de surveillance de RENACHLA) ont incité la HAS à réévaluer sa stratégie de dépistage sur demande de la direction générale de la santé (DGS).
La baisse du nombre de patients asymptomatiques dépistés dans le même intervalle (passant de 58 % à 46 %) n'est pas non plus rassurante et pourrait suggérer une baisse de l'activité de dépistage (74 % en centre de dépistage contre seulement 22 % en consultation de gynécologie hospitalière).
Une enquête nationale montre que les recommandations de 2003 ne sont plus adaptées
Les dernières recommandations de l'ANAES publiée en 2003 sur le dépistage des infections à Chlamydia trachomatis préconisaient jusqu'alors “un dépistage systématique des femmes de moins de 25 ans (scénario 1) ou un dépistage systématique simultané des hommes de moins de 30 ans et des femmes de moins de 25 ans (scenario 2)”. Le dépistage pouvait aussi être élargi aux personnes ayant plus d'un partenaire sexuel dans l'année, quel que soit leur âge.
L'état des lieux de l'enquête nationale réalisée par la HAS en 2015 sur les pratiques des 145 centres à vocation de dépistage systématique de la chlamydiose montre un taux de dépistage de seulement 38 % pour le premier scénario (dépistage systématique des femmes de moins de 25 ans) et de 25 % pour le deuxième (dépistage systématique simultané des hommes de moins de 30 ans et des femmes de moins de 25 ans).
Le manque de financement spécifique et de lieux de dépistage, la nécessité d'élargissement de la population ciblée et de renforcement de l'information sur l'infection sont pointés par le rapport.
Ces données, ainsi que sur l'analyse de la littérature, ont incité la HAS à revoir les recommandations.
Dépistage systématique toujours préconisé chez les femmes âgées de 18 à 25 ans
La HAS prolonge les recommandations de 2003 en recommandant un dépistage systématique des femmes sexuellement actives de 15 à 25 ans (inclus), y compris les femmes enceintes.
Dépistage opportuniste désormais ciblé chez les personnes à risques
La HAS recommande un dépistage opportuniste ciblé pour :
- Les hommes sexuellement actifs, présentant des facteurs de risque, quel que soit l'âge ;
- Les femmes sexuellement actives de plus de 25 ans, présentant des facteurs de risque ;
- Les femmes enceintes consultant pour une IVG, sans limite d'âge.
Les facteurs de risques sont le multipartenariat (au moins deux partenaires dans l'année), le changement de partenaire récent, le diagnostic d'une autre IST (Neisseria gonorrhoeae co-infectant dans 2 à 24 % des cas, syphilis, VIH, Mycoplasma genitalium), les antécédents d'IST, les relations homosexuelles masculines, la prostitution ou le viol.
Traiter le plus vite possible en cas de résultat positif
Deux résultats sont possibles :
- Un test négatif : dans ce cas le dépistage doit être répété chaque année uniquement en cas de rapports sexuels non protégés avec un nouveau partenaire ;
- Un test positif : dans ce cas un traitement doit être prescrit le plus rapidement possible, et un contrôle doit être proposé à 3-6 mois (3 mois pour les hommes ayant des rapports homosexuels). Une procédure de transmission des résultats et de notification aux partenaires doit être définie par les professionnels en respectant les règles juridiques et éthiques.
Le traitement repose sur l'administration d'azithromycine (1 g dose unique par voie orale) ou doxycycline per os 100 mg x 2/j pendant 7 jours.
Pour les femmes enceintes, la doxycycline est contre-indiquée.
En cas de co-infection par Neisseria gonorrhoeae, de la ceftriaxone injectable (250 mg ou 500 mg) est préconisée.
[édit 12/11] "L'examen, le dépistage et le traitement des partenaires récents sont indispensables", précise la HAS [/édit 12/11].
Davantage impliquer les médecins généralistes, gynécologues et sages-femmes dans le dépistage
En plus des centres spécialisés à vocation de dépistage, la possibilité de se faire dépister chez son médecin traitant ou son gynécologue améliore les chances de bénéficier d'un traitement précoce.
Pour aider les professionnels, la HAS propose de mettre en place une formation complémentaire sur le dépistage.
Le dépistage en pratique
Les tests recommandés sont les tests d'amplification des acides nucléiques (TAAN) marqués CE (gold standard à ce jour avec une sensibilité de 96 % à 100 %), incluant le duplex Ct/NG pour le dépistage de la co-infection à Neisseria gonorrhoeae, avec une préférence pour le prélèvement vaginal chez la femme.
Partant du constat que le caractère intime des prélèvements peut dissuader le recours au dépistage, l'auto-prélèvement vaginal pour les femmes et urinaire pour les hommes pourrait être une alternative proposée dans tous les lieux de dépistage (y compris les cabinets), avec une bonne performance diagnostic.
Contrairement au VIH ou aux hépatites B et C, les tests de diagnostic rapide (TDR) ne sont pas recommandés dans le dépistage des infections à Chlamydia trachomatis par manque de performance, en cohérence avec les recommandations européennes.
Financements, remboursements et indicateurs de suivi de la mise en œuvre de ces nouvelles recommandations
L'enquête de pratiques auprès des Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD), des centres de planification et d'éducation familiale (CPEF) et des services de santé universitaires (SSU), a montré que “le dépistage systématique des infections urogénitales à Chlamydia trachomatis, tel qu'il était recommandé en 2003, était difficilement applicable dans ces structures”.
Devant le constat des difficultés opérationnelles ou organisationnelles, la HAS préconise un financement spécifique au dépistage dans les CeGIDD et les CPEF qui devrait pérenniser ces acteurs centraux de la stratégie de dépistage.
Pour adapter le dépistage aux pratiques sexuelles des patients, la HAS préconise aussi l'élargissement du remboursement aux trois sites de prélèvement (ano-rectal, pharyngé, génito-urinaire), selon les pratiques sexuelles des patients, en particulier les hommes ayant des relations homosexuelles.
Enfin, pour évaluer prospectivement la mise en place de ces nouvelles recommandations, la HAS prévoit la définition d'un acte spécifique au dépistage de l'infection à Chlamydia trachomatis.
En synthèse : un dépistage élargi, une formation des professionnels, la possibilité d'auto-prélèvement et un meilleur remboursement
Grâce à la publication de ces nouvelles recommandations en octobre 2018, la HAS met à disposition des moyens plus importants pour encourager les professionnels à prescrire un dépistage systématique chez les femmes sexuellement actives de 15 à 25 ans, mais aussi chez les populations à risques.
La possibilité d'auto-prélèvement et le remboursement des trois sites de prélèvement sont parmi les innovations notables facilitant l'accès au dépistage pour le plus grand nombre. L'élargissement du dépistage aux cabinets de médecine générale, de gynécologie, et de sage-femme en plus des CeGIDD, CPEF et SSU, sera suivie d'une formation des professionnels et d'une pérennisation des financements des centres de dépistage.
La HAS souhaite ainsi améliorer l'accès au traitement de la chlamydiose et réduire le nombre de personnes asymptomatiques non traitées qui propagent l'infection sans le savoir.
En savoir plus :
IST : la HAS recommande un dépistage systématique de l'infection à Chlamydia trachomatis chez les jeunes femmes, communiqué de presse de la HAS, 23 octobre 2018
Réevaluation de la Stratégie de dépistage des infections à Chlamydia trachomatis, recommandation HAS, septembre 2018
Synthèse de la recommandation de la HAS
Sources
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