Aliments riches en vitamine D (illustration).
Plusieurs essais cliniques et études observationnelles (cf. par exemple cette méta-analyse : Aghajafari F et al., BMJ 2013 3) ont conclu de possibles bénéfices d'une supplémentation pendant la grossesse sur la croissance fœtale.
Mais les essais cliniques étaient réalisés avec des effectifs trop faibles et la méthodologie était de mauvaise qualité, selon les auteurs de l'étude objet de cet article (cf. cette publication : Roth DE et al., BMJ 2017 4).
Roth De et ses collaborateurs de Toronto ont donc réalisé, grâce au soutien de la Fondation Gates, un essai clinique auprès d'un échantillon large et de méthodologie rigoureuse, publié en août 2018 dans le New England Journal of Medicine (NEJM)1.
Etude auprès d'une population de femmes réparties en 5 groupes
Dans cette étude, 1 300 femmes bangladaises enceintes ont commencé l'étude entre leur 17e et 24e semaine de grossesse et ont été réparties en 5 groupes :
- Trois groupes de femmes enceintes traitées par une supplémentation en vitamine D prénatale uniquement avec trois doses hebdomadaires différentes : 4200 UI, 16800 UI ou 28000 UI ;
- Un groupe de femmes enceintes traitées par 28000 UI hebdomadaires en prénatal et jusqu'à 26 semaines après l'accouchement.
- Un groupe de femmes enceintes traitées par un placebo pendant la période prénatale et jusqu'à 26 semaines après l'accouchement.
Une supplémentation systématique en calcium (500 mg/jour), fer (66mg par jour) et acide folique (350 ?g par jour) a été proposée à chaque patiente tout au long de l'étude.
Près des deux tiers des femmes (64 %) incluses dans l'étude présentaient une carence en vitamine D.
La supplémentation en vitamine D n'a eu aucun impact significatif sur la croissance des enfants, ni sur le risque d'hypertension gravidique ou de pré-éclampsie
Aucune des supplémentations, y compris à plus forte dose ou après la naissance lors de la période de lactation, n'a permis d'améliorer significativement le poids ou la taille des nourrissons, malgré la carence en vitamine D à l'inclusion (donc pendant premiers mois de grossesse) de près de 2 participantes sur 3.
Plus le dosage de la supplémentation en vitamine D était important, et plus la calcémie était augmentée, que ce soit chez la mère ou chez l'enfant jusqu'à 6 mois après la naissance.
Cependant, cette augmentation de la calcémie a été bien tolérée : les deux cas d'hypercalcémie maternelle post-partum relevés sont restés asymptomatiques et sur les 6 enfants présentant une telle élévation, deux ont eu besoin d'une hospitalisation mais sans rapport avec le calcium.
Cette étude Bangladaise complète les observations de l'équipe de Magnus MC et al. publiées dans le BMJ en avril 2018 5 et montrant, après randomisation mendélienne des données de plus de 7 000 femmes, l'absence d'amélioration du risque d''hypertension gestationnelle ou du risque de pré-éclampsie. Aucune preuve significative n'avait donc été trouvée pour justifier une supplémentation en vitamine D dans cette étude européenne.
Des résultats qui confirment les recommandations de l'OMS, y compris chez les femmes carencées
Si la carence en vitamine D "est associée à un risque accru de pré-éclampsie, de diabète sucré gestationnel, de prématurité et d'autres pathologies tissu-specifiques" d'après l'OMS, une supplémentation pendant la grossesse ou la lactation, ne permet pas d'améliorer la santé de la mère et du nourrisson.
Dans sa récente mise à jour de février 2018 2, l'OMS ne recommande plus la supplémentation en vitamine D pendant la grossesse en raison du manque de données pour évaluer ses avantages et ses inconvénients directs. Cette étude bangladaise inédite vient justement confirmer l'absence de preuve d'une utilité d'une telle supplémentation, y compris pendant la lactation, pour améliorer le poids et la taille des nourrissons.
L'OMS rappelle également les mesures de bon sens : "il faudrait inciter la femme enceinte à recevoir une nutrition adéquate [apport suffisant en poissons gras, jaunes d'œufs, produits laitiers ou encore champignons], un régime équilibré étant le meilleur moyen d'y parvenir", ce qui n'est pas toujours facile chez les femmes les plus défavorisées.
En savoir plus :
- Roth DE et al. Vitamin D Supplementation in Pregnancy and Lactation and Infant Growth. N Engl J Med. 2018 Aug 9;379(6):535-546.
- Supplémentation en vitamine D pendant la grossesse, OMS, mis à jour le 23 février 2018
- Aghajafari F, Nagulesapillai T, Ronksley PE, Tough SC, O'Beirne M, Rabi DM. Association between maternal serum 25-hydroxyvitamin D level and pregnancy and neonatal outcomes: systematic review and meta-analysis of observational studies. BMJ 2013; 346: f1169.
- Roth DE, Leung M, Mesfin E, Qamar H, Watterworth J, Papp E. Vitamin D supplementation during pregnancy: state of the evidence from a systematic review of randomised trials. BMJ 2017; 359: j5237.
- Magnus MC et al. Vitamin D and risk of pregnancy related hypertensive disorders: mendelian randomisation study. BMJ. 2018 Jun 20;361:k2167.
Sur Eureka Santé, site grand public de Vidal
Vitamine D
Sources
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