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Episode dépressif majeur : comparaison de l'efficacité et de la tolérance de 21 antidépresseurs (The Lancet)

Les antidépresseurs sont de plus en plus prescrits dans le monde. Mais sont-ils vraiment efficaces ? Si oui, quels sont ceux qui sont les plus efficaces ? Les mieux tolérés ?
 
Afin de guider les prescripteurs sur l’utilité de ces médicaments par rapport à un placebo et surtout sur les critères de choix à intégrer, une équipe internationale a étudié les preuves scientifiques récentes les plus robustes pour chaque antidépresseur disponible sur le marché.

Ils ont identifié 522 essais cliniques randomisés en double aveugle, publiés ou non, incluant 116 477 participants atteints d’un épisode dépressif majeur (et non d’un état dépressif léger ou modéré).  
 
Cette revue systématique et méta-analyse des dernières mises à jour dans ce domaine, publiée en avril 2018 dans The Lancet, montre que tous les antidépresseurs étudiés ont une efficacité supérieure à celle du placebo chez des adultes traités pour syndrome dépressif sévère.
 
Ce travail montre aussi que certains paraissent plus efficaces, d’autres mieux tolérés, et cinq d’entre eux à la fois efficaces et bien tolérés.
 
Ce travail de grande ampleur, malgré certaines limites, peut donc aider le prescripteur pour l’initiation d’un traitement antidépresseur en cas de dépression constituée et intense.
Claire Lewandowski 05 juin 2018 Image d'une montre6 minutes icon 11 commentaires
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Aperçu (détaillé ci-dessous) des efficacités et tolérances de 21 antidépresseurs comparées à celles d'un placebo.

Aperçu (détaillé ci-dessous) des efficacités et tolérances de 21 antidépresseurs comparées à celles d'un placebo.

 
522 études cliniques incluant 116 477 patients traités pour un trouble dépressif majeur pendant au moins 8 semaines
Andrea Cipriani et collaborateurs internationaux (dont, en France, l'université Paris Descartes, l'INSERM et Cochrane France) ont cherché dans les bases Cochrane, PUBMED, MEDLINE et autres bases, registres et sites d'agences, l'ensemble des essais cliniques randomisés en double aveugle évaluant le rapport bénéfices – risques d'un ou plusieurs antidépresseurs versus placebo.
 
 Ils ont trouvé 421 essais publiés éligibles, ainsi que 86 études non publiées jusqu'à présent provenant de registres d'essais ou de sociétés pharmaceutiques, et 15 provenant de communications personnelles ou d'autres revues.
 
Au total, 522 essais cliniques randomisés, en double aveugle, comprenant 116 477 patients, entre 1979 et 2016 et comparant 21 antidépresseurs ou un placebo ont été inclus dans l'analyse.
 
La grande majorité des patients étudiés souffrait d'un trouble dépressif majeur, avec un score moyen de 25 sur l'échelle de dépression de Hamilton. La plupart des traitements antidépresseurs ont été évalués après 2 mois.
 
Confirmation de l'efficacité des 21 antidépresseurs versus placebo
Concernant l'efficacité des 21 antidépresseurs versus placebo, les études rigoureuses identifiées par les auteurs de cette revue et méta-analyse, publiée en avril 2018 dans The Lancet, portaient plus souvent sur la paroxétine (DEROXAT, DIVARIUS), la fluoxétine (PROZAC et génériques), l'escitalopram (SEROPLEX et génériques), la venlafaxine (EFFEXOR et génériques) ou encore la desvenlafaxine (non commercialisée en France):
 
 
Tous les antidépresseurs ont cependant été testés, et tous se sont avérés plus efficaces avec des taux de rémission plus importants que le placebo, évalués sur le taux de réponse mesuré par le nombre total de patients ayant une réduction de plus de 50 % de leurs symptômes. 
Ltaux de rémission moyen était augmenté de 37 % (OR = 1,37 ; IC95 1,16 – 1,63) à 113 %  (OR = 2,13 ; IC95 1,89 – 2,41) par rapport à un placebo. 
 
Efficacité comparée : 5 molécules se détachent
Si tous les antidépresseurs apparaissent donc plus efficaces que le placebo (carrés bleus ci-dessous), l'amitriptyline (LAROXYL et ELAVIL), la mirtazapine (NORSET et génériques), la duloxétine (CYMBALTA et génériques), la venlafaxine (EFFEXOR et génériques) et la paroxétine (DEROXAT etDIVARIUS) paraissent, selon cette analyse, associés à la plus forte rémission des symptômes dépressifs, alors que l'effet le plus faible a été mesuré avec la reboxetine (non commercialisée en France), la desvenlafaxine (idem) et la clomipramine (ANAFRANIL et génériques) :
 


Tolérance : une seule molécule significativement moins bien tolérée que le placebo
La tolérance, ou l'acceptabilité ("acceptability") des antidépresseurs (évaluation par le pourcentage d'abandon du traitement en cours d'étude, avant la fin prévue) a été plus souvent étudiée pour la paroxétine, la fluoxétine, l'escitalopram et la duloxétine



Les auteurs ont constaté qu'en termes d'acceptabilité, l'agomélatine (VALDOXAN et génériques) et la fluoxétine (PROZAC et génériques) étaient associés à un arrêt prématuré du traitement significativement plus faible que celui observé sous placebo (très bonne tolérance donc). Les autres différences constatées ne sont pas significatives (carrés gris), sauf pour la clomipramine (ANAFRANIL et génériques), associée à une augmentaiton significative d'arrêts prématurés du traitement (carré rouge) :


 
Des résultats légèrement différents lorsque certaines molécules ont été comparées entre elles
Dans 194 essais cliniques randomisés en double aveugle, au moins deux molécules actives ont été comparées (34 194 patients).
 
[édit 7/6/2018] Les résultats en termes d'efficacité (cf. figure ci-dessous), portant sur 18 molécules (la desvenlafaxine, la viladozone et le levomilnacipran, non commercialisés en France, n'ont fait l'objet que d'études vs placebo)
, montrent un ordre différent de celui des études des 21 molécules vs placebo :
  • 5 molécules s'avéraient plus efficaces que la moyenne des 21 antidépresseurs (OR 1,19 – 1,96) : en tête la vortioxetine (BRINTELLIX), puis l'escitalopram, la mirtazapine,  l'amitriptyline, l'agomélatine, la paroxetine et la venlafaxine.
  • A l'inverse, la fluoxétine, la fluvoxamine (FLOXYFRAL et génériques), la clomipramine, la fluoxétine, la trazodone (non commercialisée en France) et, en dernier, la réboxétine (non commercialisée en France) étaient les 5 molécules s'avérant les moins efficaces dans ces essais cliniques (OR 0,51 – 0,84).
 
En termes d'acceptabilité,  les résultats sont plus groupés, mais des différences subsistent (cf. figure ci-dessous) :
  • toujours sur 18 molécules, la vortioxétine est à nouveau en tête, suivie de l'agomélatine, de l'ecitalopram, du citalopram (SEROPRAM et génériques)et de la sertraline (ZOLOFT et génériques). 
  • à l'inverse, la trazodone (non commercialisée en France), la fluvoxamine, la duloxétine, la clomipramine et en dernier la réboxétine (non commercialisée en France),ont eu les taux d'abandon les plus élevés.

Graphes bidimensionnels sur l'efficacité et l'acceptabilité dans les études en tête-à-tête (head to head). 
Les données sont figurées en fonction des odds ratios. (OR) déterminés par rapport à la réboxétine, qui est le médicament de référence utilisé pour cette étude.
Les lignes de marge d'erreur correspondent aux intervalles de confiance à 95 % des OR.
Les médicaments sont représentés par des nœuds colorés différents.
1=agomelatine. 2=amitriptyline. 3=bupropion. 4=citalopram. 5=clomipramine. 6=desvenlafaxine. 7=duloxetine. 8=escitalopram. 9=fluoxetine. 10=fluvoxamine. 11=levomilnacipran. 12=milnacipran. 13=mirtazapine. 14=nefazodone. 15=paroxetine. 16=reboxetine. 17=sertraline. 18=trazodone. 19=venlafaxine. 20=vilazodone. 21=vortioxetine. 22=placebo.
[/édit 7/6/2018]
 
Plusieurs antidépresseurs apparaissent à la fois efficaces et bien tolérés
Certains antidépresseurs - escitalopram, mirtazapine, paroxétine, agomélatine et sertraline - combinent à la fois un taux de rémission plus élevé et un taux d'abandon plus faible que les autres antidépresseurs.
 
En revanche, la réboxétine (non commercialisée en France), la trazodone (non commercialisée en France), et la fluvoxamine (Floxyfral), ont eu les profils d'efficacité et de tolérance les plus faibles.  

Pas d'influence du sponsor éventuel, mais un effet « nouveauté » à prendre en compte
Les auteurs ont également centré leur analyse uniquement sur les études financées par l'industrie pharmaceutique : ils ont constaté que cela n'a pas modifié les résultats et ils estiment donc que leur inclusion était nécessaire, en raison du petit nombre d'études financées de façon indépendante. 

Les auteurs font remarquer que lors du lancement d'un nouveau produit, le profil d'efficacité a eu à chaque fois tendance à être meilleur que celui des antidépresseurs déjà commercialisés.
 
Cet effet « nouveauté » est à prendre en compte, et peut s'expliquer par l'idée que se fait le patient (voire le médecin ?) qu'un médicament nouveau sera plus efficace et mieux toléré.

Guider le praticien dans le choix de l'antidépresseur en première intention
Malgré ses limites (8 semaines de traitement en moyenne, pas d'étalonnage de la gravité des symptômes, de la durée de l'épisode dépressif, d'autres traitements entrepris, etc.), cette méta-analyse inédite constitue, selon les auteurs, la base de données la plus robuste actuellement disponible pour aider le prescripteur à choisir un antidépresseur en première intention dans le traitement du trouble dépressif majeur de l'adulte (les antidépresseurs ne sont pas recommandés en cas d'épisode léger, et se discutent en cas d'épisode modéré, voir VIDAL Reco Dépression).
 
Des recherches futures devraient permettre d'étendre cette méta-analyse aux données individuelles de certains groupes de patients afin de se rapprocher d'un traitement personnalisé, qui permettra de prédire au plus près les taux de réponse, la posologie ou même les effets secondaires.
 
Claire Lewandowski et Jean-Philippe Rivière
 
En savoir plus

Cipriani A et al. Comparative efficacy and acceptability of 21 antidepressant drugs for the acute treatment of adults with major depressive disorder: a systematic review and network meta-analysis. Lancet. 2018 Apr 7;391(10128):1357-136 (accès libre)
 
Sur VIDAL.fr

VIDAL Reco "Dépression"
Sources

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joseph-tux Il y a 6 ans 1 commentaire associé
Il est dommage que l'antidépresseur de référence (l'imipramine) ne figure pas dans ce tableau. À moins que les tableaux cliniques n'aient exclus les états mélancoliques, ou, comme je le crains, ait utilisé ce fourre-tout nébuleux, peu discriminant et vide de sens (clinique et psychopathologique) proposé par le DSM III IV ou V
Modérateur Médecine générale Il y a 6 ans 0 commentaire associé
Bonjour, Je ne sais pas pourquoi cette équipe internationale n'a pas retenu ce médicament, ou en tout cas un représentant de cette classe. En France, les antidépresseurs tricycliques (ou imipraminiques), comme l'imipramine, sont en effet indiqués dans le traitement de l'épisode dépressif caractérisé d'intensité modérée ou sévère, mais uniquement 2e ou 3e intention (en cas d'échec d'un traitement par inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine). Peut-être qu'au niveau monde les études randomisées en double aveugle comparant ces molécules avec d'autres ou un placebo ne sont pas suffisamment nombreuses, ou trop anciennes, ou trop biaisées ? Bien à vous
Titouche Il y a 6 ans 0 commentaire associé
8 semaines pour juger des effets secondaires et efficacité, c’est un peu court ; je suis étonné du résultat avec l’agomelatine qui est hepato-toxique
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