
Le test Immunoscore prédit la progression du cancer du côlon en mesurant la présence de lymphocytes CD3 et CD8 cytotoxiques dans et autour de la tumeur (illustration).
Évaluer la réponse immunitaire pour prédire le pronostic d'un cancer
En général, la gravité d'un cancer est estimée par son degré d'extension dans l'organe atteint, les ganglions lymphatiques environnants et par la présence de métastases, gravité formulée par le score TNM.
Depuis longtemps, les anatomo-pathologistes essaient de corréler le degré d'infiltration de la tumeur et des tissus voisins par les lymphocytes avec le pronostic. Mais en l'absence d'une méthode objective de mesure de cette infiltration, leurs observations restaient anecdotiques.
Dans cet objectif, le laboratoire Immunologie et Cancérologie Intégratives de l'Inserm, sous la direction du Dr Jérôme Galon, a proposé un test baptisé Immunoscore pour mieux définir le pronostic chez les patients atteint d'un cancer du côlon, selon la réponse immunitaire locale.
Immunoscore, un test de mesure automatique de la présence de lymphocytes CD3 et CD8 cytotoxiques
Le test Immunoscore a été développé pour prédire la capacité du système immunitaire d'un individu donné à combattre les cellules tumorales.
Sa technologie combine l'immunohistochimie et l'analyse digitale d'images pour quantifier précisément la densité en lymphocytes T totaux (CD3+) et en lymphocytes tueurs (CD8+ cytotoxiques) d'une tumeur et des marges invasives en périphérie.
Ce test repose à la fois sur le comptage de ces cellules immunitaires dans des régions prédéfinies et sur le calcul automatisé, en se basant sur un algorithme spécifique, de la densité cellulaire totale. Un score est donné qui reflète l'intensité de la réponse immunitaire locale.
Son efficacité à prédire le risque de récidive des cancers du côlon a été démontrée dans plusieurs études rétrospectives (voir par exemple Mlecnik B et al., 2016 et 2018), mais il manquait une étude prospective pour la confirmer.
Une étude de validation du test Immunoscore réalisée auprès de 2 681 patients dans 13 pays
L'équipe de l'Inserm, associée à de nombreux autres laboratoires, vient de publier dans The Lancet une étude internationale visant à évaluer la valeur pronostique du test Immunoscore chez 2 681 patients présentant un cancer du côlon (stade I, II et III).
Pour cela, un consortium international composé de 14 centres d'immunologie et d'anatomopathologie basés dans 13 pays a été constitué, sous l'égide de la Society for Immunotherapy in Cancer.
Les patients, qui n'avaient pas reçu de traitement avant la chirurgie, ont été randomisés en trois groupes d'analyse (dits « de formation » (N = 700), « de validation interne » (N = 636) et « de validation externe » (N = 1 345)).
Trois niveaux d'Immunoscore ont été définis : « élevé » (forte réponse immunitaire), « intermédiaire » et « faible ».
L'évolution du cancer du côlon a été quantifiée par le délai entre la chirurgie et la première récidive.
Le résultat du test Immunoscore significativement corrélé au taux de progression du cancer du côlon
Les résultats de l'étude présentée dans The Lancet montrent que les patients ayant un Immunoscore élevé présentent le risque de récidive le plus faible.
Dans le groupe « de formation », seuls 8 % des patients avec un Immunoscore élevé présentaient une récidive à 5 ans.
Ce taux de récidive augmentait de façon significative pour atteindre 19 % lorsque l'Immunoscore était intermédiaire et 32 % lorsque l'Immunoscore était faible (p<0,0001).
Ces résultats ont été confirmés dans les deux autres groupes de patients :
- le groupe « validation interne » où les pourcentages de récidive à 3 ans sont respectivement de 6, 10 et 20 % (p<0 ,0004) ;
- le groupe « validation externe », avec 14, 24 et 36 % de récidive à 3 ans (p<0,0001).
Le résultat du test Immunoscore est également prédictif du taux de survie sans progression et de survie globale. Par exemple, les taux de survie sans progression globaux étaient respectivement de 75, 70 et 57 % (pour les scores « élevé, « intermédiaire » et « faible »).


Courbes de Kaplan-Meier sur la survie sans progression
(A) Ensemble des patients de l'étude
(B) Selon le statut en terme d'instabilité microsatellitaire
*HR = Hazard Ratio, (MSI, 1579 patients). MMR = mésappariement de l'ADN, MSS = microsatellites stables, MSI = microsatellites instables
(A) Ensemble des patients de l'étude
(B) Selon le statut en terme d'instabilité microsatellitaire
*HR = Hazard Ratio, (MSI, 1579 patients). MMR = mésappariement de l'ADN, MSS = microsatellites stables, MSI = microsatellites instables
Un test plus prédictif que les critères habituellement utilisés
Les auteurs de l'étude présentée dans The Lancet montrent également que le test Immunoscore prédit la survie des patients plus fortement que les critères tumoraux utilisés actuellement pour guider la thérapeutique (carcinome mucineux, forme asymétrique, différenciation, embolie veineuse, invasion lymphatique et invasion périnerveuse, marqueur combiné d'envahissement précoce, lymphatique, périnerveux et veineux : VELIPI, cf. figures A, B et C ci-dessous).
De plus, dans l'étude, la puissance prédictive du test Immunoscore était indépendante de l'âge, du sexe, du stade T, du stade N, TNM, de la présence d'instabilité microsatellitaire (séquences d'ADN répétées non codantes qui ont des longueurs différentes dans l'ADN tumoral par rapport à l'ADN normal) ou de la présence de facteurs de progression tels que couramment identifiés :


Performance prédictive de l'Immunoscore comparée aux autres paramètres clinico-histologiques
(A) Paramètres de risque liés à la tumeur et à l'immunité; (B) Importance relative de chaque paramètre de risque. (C) Importance relative de chaque paramètre de risque y compris la classification TNM de l'American Joint Committee on Cancer/Union for International Cancer Control (AJCC/UICC)
En conclusion : un score prédictif performant, actuellement en cours d'évaluation dans d'autres indications
Les résultats de cette étude montrent donc que l'Immunoscore s'avère efficace pour prédire les patients à haut risque de récidive de tumeur du côlon et ainsi identifier ceux susceptibles de bénéficier d'un renforcement thérapeutique après la chirurgie.
Compte-tenu des performances de ce test pour les cancers du côlon, les chercheurs du laboratoire Immunologie et Cancérologie Intégratives de l'Inserm évaluent actuellement le test Immunoscore dans d'autres types de cancers et étudient sa capacité à prédire la réponse aux immunothérapies qui révolutionnent actuellement l'approche thérapeutique en cancérologie.
Pour aller plus loin
L'étude internationale présentée dans The Lancet
Pagès F et al. « International validation of the consensus Immunoscore for the classification of colon cancer: a prognostic and accuracy study. » Lancet. 2018 May 26;391(10135):2128-2139.
Deux évaluations préliminaires de l'efficacité prédictive de l'Immunoscore
Mlecnik B, et al. Integrative analyses of colorectal cancer show Immunoscore is a stronger predictor of patient survival than microsatellite instability. Immunity 2016; 44: 698–711.
Mlecnik B, et al. Comprehensive intrametastatic immune quantification and major impact of immunoscore on survival. J Natl Cancer Inst 2018; 110: 97–108.
Le site du test Immunoscore (en anglais, par la société HalioDx qui le commercialise)
Sources
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