Nourrisson équipé d'une canule nasale Optiflow Junior permettant de délivrer une oxygénothérapie à haut débit (© Fischer & Paykel Healthcare).
La bronchiolite, une affection virale aiguë touchant massivement les nourrissons
La bronchiolite est une infection respiratoire basse d'origine virale avec atteinte des bronchioles.
Le virus respiratoire syncytial (VRS) est identifié dans 50 à 80 % des cas (autres virus possiblement responsables : metapneumovirus, rhinovirus, adénovirus, virus influenza et para-influenza virus, entérovirus).
La bronchiolite du nourrisson est plus fréquente avant l'âge de 1 an, entre 2 et 8 mois. La bronchiolite entraîne principalement des problèmes de respiration, notamment une toux, une ventilation rapide et sifflante et des problèmes d'alimentation.
En France, elle touche chaque hiver environ 30 % des nourrissons, soit environ 460 000 cas par an.
Pas de traitement spécifique
En l'absence de traitement spécifique (antiviral contre le VRS par exemple), tous les nourrissons atteints de bronchiolite aiguë peuvent seulement bénéficier d'un traitement symptomatique.
Dans certains cas, le tableau clinique sévère impose une hospitalisation
Voici les critères de décision d'hospitalisation (source : Vidal Reco "Bronchiolite aiguë du nourrisson") :
- Altération importante de l'état général.
- Apnée et/ou cyanose.
- Fréquence respiratoire supérieure à 60 par minute ou signes de lutte.
- Saturation en O2 inférieure à 94 % en air ambiant et au repos ou lors de la prise du biberon.
- Terrain fragile : âge < 6 semaines, ou prématurité < 32 SA et âge corrigé < 3 mois.
- Troubles digestifs (vomissements, anorexie) avec risques de déshydratation (perte de poids)
- Difficultés psychosociales.
Le taux d'hospitalisation varie de 0,2 à 1,2 /1 000 selon les régions.
Aide à la respiration en milieu hospitalier : oxygénothérapie standard
En ce qui concerne l'aide à la ventilation, en dehors des unités de soins intensifs qui peuvent, dans de rares cas, s'avérer nécessaires, les recommandations actuelles préconisent de soutenir la respiration des nourrissons par une oxygénothérapie standard (2 litres d'oxygène à 100% par minute, administrée par une canule nasale) jusqu'à ce que l'infection disparaisse.
L'oxygénothérapie à haut débit, une technique prometteuse mais qui était insuffisamment évaluée pour être recommandée
L'oxygénothérapie à haut débit est indiquée en cas de bronchiolite très sévère mais ne se pratiquait jusqu'à présent qu'en soins intensifs grâce à une intubation.
L'utilisation d'une canule nasale à haut débit est une méthode prometteuse qui permet de délivrer de l'air humidifié et chauffé, mélangé avec de l'oxygène à un degré de pression positive dans les voies respiratoires largement supérieur à celui délivré par l'oxygénothérapie standard, soit 2 litres par minute par kilo (jusqu'à 20 litres par minute) délivrés par le système Optiflow Junior, utilisé dans cette étude (Optiflow n'a par contre pas financé cette étude) :
Plusieurs études observationnelles et physiologiques ont déjà montré une efficacité de l'oxygénothérapie à haut débit pour diminuer la détresse respiratoire et l'intubation tout en améliorant l'oxygénation sanguine.
Comme l'ont constaté les auteurs d'une méta-analyse pour la Fondation Cochrane (Beggs S et al. 2014 2), l'une d'entre elles, effectuée avec 19 nourrissons, a montré une efficacité supérieure pour la saturation en oxygène à 8 et à 12 h par rapport à l'oxygénothérapie standard, via un masque. Les résultats deviennent ensuite similaires entre les groupes au bout de 24 heures. Aucune différence significative n'a en revanche été mise en évidence entre les deux types d'oxygénothérapie pour la durée du traitement et de l'hospitalisation.
Réaliser un essai clinique plus important et rigoureux pour évaluer l'utilité de l'oxygénothérapie à haut débit d'emblée en cas de bronchiolite aiguë hypoxémique du nourrisson
Même si la technique semble être bien tolérée, le rôle de l'oxygénothérapie à haut débit par canule nasale dans le traitement de la bronchiolite chez les nourrissons n'était donc jusqu'ici pas clair, faute de preuves robustes. Qu'en est-il de l'efficacité de cette technique sur un échantillon plus important par rapport à l'oxygénothérapie standard ? Peut-elle prévenir une aggravation des symptômes et l'escalade des soins (en particulier un transfert en soins intensifs) ? Est-elle plus efficace pour réduire la durée du traitement et de l'hospitalisation ?
C'est dans ce contexte que l'équipe Australienne de Donna Franklin a mené un essai multicentrique randomisé (Franklin D et al. 2018 1) pour déterminer si un traitement précoce par l'oxygénothérapie à haut débit chez les nourrissons atteints de bronchiolite et d'hypoxémie est associé à moins d'échecs thérapeutiques (critère principal d'évaluation).
Echec thérapeutique chez 12 % des nourrissons sous oxygénothérapie à haut débit contre 23 % avec l'oxygénothérapie standard
Les services d'urgence et les services de pédiatrie générale de 17 hôpitaux d'Australie et de Nouvelle-Zélande ont participé à l'essai. Sur les 2 217 nourrissons âgés de moins de 12 mois admissibles à l'inclusion, 1472 ont été randomisés à l'une des deux techniques d'oxygénothérapie.
Les nourrissons inclus étaient donc atteints d'hypoxémie et de bronchiolite, en excluant les nourrissons atteints de bronchiolite aiguë menaçant leur pronostic vital et nécessitant un soutien respiratoire immédiat par intubation en soins intensifs. Le VRS était logiquement le virus le plus fréquemment retrouvé et la prématurité était la comorbidité la plus fréquente.
Seul 12 % des nourrissons (87 des 739) du groupe à haut débit ont été en échec de traitement, contre 23 % (167 des 733) dans le groupe de traitement standard (IC95 = -15 à -7 %, p<0,001) :
Critères secondaires d'évaluation : aucune différence entre les groupes pour la tolérance, la durée du traitement et de l'hospitalisation
Aucune différence significative entre les groupes n'a été constatée quant à la durée du traitement et du séjour hospitalier (en pédiatrie générale ou aux soins intensifs).
Les 167 nourrissons en échec thérapeutique dans le groupe de traitement standard ont ensuite bénéficié d'une oxygénothérapie à haut débit. 39 % (65 nourrissons) d'entre eux ont eu besoin d'une prise en charge en soins intensifs par la suite et 1 % de l'ensemble des nourrissons ont été intubés.
Les deux techniques d'oxygénothérapie ont été très bien tolérées. Seul un pneumothorax (sans drainage requis) est survenu dans chaque groupe et aucun événement indésirable grave potentiellement mortel n'a été observé.
Des preuves robustes qui rejoignent celles d'un essai clinique plus petit publié en 2017
Dans cet essai clinique australien, l'oxygénothérapie à haut débit montre non seulement une tolérance identique à l'oxygénothérapie standard mais surtout une réduction de l'escalade des soins de 11 % (12 % contre 23 % avec la technique standard) sans différence significative pour l'admission en soins intensifs et la durée du traitement et de l'hospitalisation.
Ces résultats confirment les résultats d'un essai de plus petite taille (202 enfants), non inclus dans la méta-analyse Cochrane car publié en 2017 dans le Lancet (Kepreotes E, 2017 3).
Cet essai a montré un taux d'échec thérapeutique de 14 % dans le groupe à haut débit et de 33 % dans le groupe standard, sans différence significative dans la durée de l'oxygénothérapie et de l'hospitalisation.
Vers une actualisation des recommandations de prise en charge ?
Cet essai contrôlé randomisé sur un échantillon conséquent apporte enfin la preuve robuste nécessaire, sur un échantillon de taille suffisante, de l'utilité de l'oxygénothérapie à haut débit, par rapport à l'oxygénothérapie standard, dans la réduction de l'escalade des soins chez les nourrissons atteints de bronchiolite sévère et d'hypoxémie, dès le début de la prise en charge.
Les recommandations actuellement en vigueur de la HAS 4, qui n'ont pas évoluées depuis 2000, rappellent seulement qu'une saturation en oxygène inférieure à 94 % est un des indicateurs de gravité nécessitant une oxygénothérapie en hospitalisation, mais ne mentionnent pas l'éventuelle utilisation d'une oxygénothérapie à haut débit par masque, sans intubation.
Ces résultats encourageants et significatifs pourraient donc permettre d'actualiser les recommandations de prise en charge à l'avenir.
En savoir plus :
- Franklin D et al. A Randomized Trial of High-Flow Oxygen Therapy in Infants with Bronchiolitis. N Engl J Med. 2018 Mar 22;378(12):1121-1131.
- Beggs S, Wong ZH, Kaul S, Ogden KJ, Walters JA. High-flow nasal cannula therapy for infants with bronchiolitis. Cochrane Database Syst Rev. 2014 Jan 20;(1):CD009609. Résumé en français.
- Kepreotes E, Whitehead B, Attia J, et al. High-flow warm humidified oxygen versus standard low-flow nasal cannula oxygen for moderate bronchiolitis (HFWHO RCT): an open, phase 4, randomised controlled trial. Lancet 2017; 389: 930-9.
- Recommandation de bonne pratique - Prise en charge de la bronchiolite du nourrisson, HAS, 2000
Sur VIDAL.fr :
Vidal Reco "Bronchiolite aiguë du nourrisson"
Sources
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