L'espérance de vie des personnes séropositives pour le VIH rejoint celle de la population générale (illustration).
Le VIH / sida, une maladie au pronostic transformé par l'arrivée des associations d'antirétroviraux
Depuis 1996 et l'arrivée des trithérapies antirétrovirales, l'infection par le VIH/sida est devenue progressivement une maladie chronique, au moins dans les pays industrialisés.
La prescription d'associations antirétrovirales (ARV) contenant au moins trois substances a considérablement modifié le pronostic de cette infection.
L'arsenal thérapeutique autrefois constitué des seuls RTI (inhibiteurs de la transcriptase inverse) s'est enrichi d'antiprotéases, puis de NNRTI (inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse).
Vingt ans plus tard, ces associations de substances ont-elles amélioré leur efficacité ? Que peut-on en espérer en terme d'espérance de vie ? Ce sont les questions que se sont posé les scientifiques de l'Antiretroviral Therapy Cohort Collaboration (ART-CC).
L'analyse de 18 cohortes de patients entre 1996 et 2010
L'article publié dans The Lancet HIV par une équipe de l'Université de Bristol fonde son analyse sur 18 cohortes regroupant plus de 88 500 patients en Europe et aux Etats-Unis, dont la date de mise sous ARV s'échelonnait entre 1996 et 2010 (dont environ 25 % de femmes).
Pour l'analyse des données de survie, les patients ont été regroupés en fonction de la date de la prescription initiale : 1996-1999, 2000-2003, 2004-2007 et 2008-2010.
Cette analyse a également pris en compte plusieurs variables pouvant influencer la survie : âge, sexe, usage de drogues par voie intraveineuse, diagnostic de sida à la mise sous traitement, taux de lymphocytes CD4 à la mise sous traitement, et charge virale à la mise sous traitement.
Depuis 2008, constat d'une amélioration sensible de la survie sous ARV
Sur les 88 500 patients étudiés, 2 106 sont décédés la première année de traitement et 2 302 pendant la deuxième et la troisième année de traitement, montrant ainsi que la première année de traitement est celle où l'on observe le plus fort taux de mortalité.
Sur les trois premières années de traitement, 6 % des patients placés sous ARV entre 1998 et 2003 sont décédés contre 3 % chez ceux ayant initié le traitement entre 2008 et 2010.
Une fois les variables pouvant influencer la survie prises en compte, l'équipe de Bristol a observé que, comparés à ceux mis sous ARV entre 2000 et 2003, les patients mis sous ARV entre 2008 et 2010 avaient un taux de survie augmenté de 23 % la première année de traitement et de 20 % les deux années suivantes.
Ces résultats semblent indiquer que l'efficacité des associations multiples de traitements antirétroviraux sur la survie a augmenté dans la deuxième décennie de leur utilisation.
Quel impact de cette efficacité améliorée sur l'espérance de vie des patients ?
Les auteurs de l'article de The Lancet HIV ont estimé l'espérance de vie des patients à partir des données de survie durant les trois premières années de traitement par ARV.
Selon leurs calculs, une femme âgée de 20 ans placée sous ARV entre 2008 et 2010 a une espérance de vie de 67,9 ans (67,6 pour un homme).
Mais si ce calcul est fondé seulement sur les données de la deuxième et de la troisième années de traitement, alors l'espérance de vie d'une personne de 20 ans placée sous ARV est de 78 ans, quel que soit le sexe, si son taux de lymphocytes CD4 après une année de traitement ARV est supérieur à 350/microL.
Néanmoins, ces résultats optimistes en terme d'espérance de vie des personnes prenant les ARV actuels ne concernent malheureusement pas les usagers de drogue par voie intraveineuse (UDVI), ni les personnes qui avaient des taux très bas de lymphocytes CD4 lors de la mise sous traitement ARV.
Les explications avancées à ces bonnes nouvelles en terme d'espérance de vie
Si les analyses de cohorte ne permettent pas d'identifier les causes des effets observés, les auteurs de cette analyse évoquent néanmoins, outre une meilleure efficacité des associations d'ARV :
- une mise sous traitement ARV plus précoce ;
- une meilleure observance liée à la prise quotidienne unique apparue depuis quelques années ;
- une réduction des effets indésirables des ARV (par exemple, le taux de mortalité cardiovasculaire était considérablement réduit chez les patients ayant initié leur traitement entre 2008 et 2010) ;
- davantage d'options thérapeutiques en cas d'apparition de résistance virale ;
- un diagnostic plus précoce et une meilleure prise en charge des autres maladies plus fréquentes chez les patients souffrant d'infection par le VIH/sida, en particulier l'hépatite C, les cancers et les maladies cardiovasculaires.
Des résultats qui militent pour un traitement antirétroviral précoce
Les auteurs de l'article de The Lancet HIV insistent sur le fait que l'espérance de vie des patients qui sont toujours vivants un an après le début de leur traitement ARV est fortement supérieure (une dizaine d'années) à celle calculée à l'initiation du traitement.
Cette observation milite pour l'intérêt de prescrire un traitement antirétroviral suffisamment tôt, pour augmenter les chances de survie au-delà d'une année d'ARV.
Cela rend également encore plus cruciale, si c'est possible de l'être, la question de l'accès aux traitements ARV dans le monde entier, ce qui est loin d'être le cas, en particulier en Afrique, où plus de 25 millions de personnes seraient infectées.
Pour mémoire, selon l'OMS, l'extension du traitement antirétroviral à toutes les personnes vivant avec le VIH et le développement des choix de prévention peuvent aider à éviter 21 millions de décès liés au sida et 28 millions de nouvelles infections d'ici à 2030.
Pour les usagers de drogue intra-veineuse, il est nécessaire de faciliter la prise régulière d'ARV
Dans le cas des usagers de drogue par voie intraveineuse, la prescription d'un traitement de substitution aux opiacés (pour stabiliser leurs conditions de vie et favoriser le recours aux soins et l'observance) et d'un traitement curatif pour l'hépatite C pourrait permettre d'améliorer l'observance et l'efficacitéé du traitement ARV et donc d'augmenter significativement l'espérance de vie.
Pour aller plus loin
L'article de The Lancet HIV sur l'augmentation de l'espérance de vie chez les personnes recevant des ARV
The Antiretroviral Therapy Cohort Collaboration. « Survival of HIV-positive patients starting antiretroviral therapy between 1996 and 2013: a collaborative analysis of cohort studies. » The Lancet - HIV. 10 mai 2017
Sur l'Antiretroviral Therapy Cohort Collaboration (ART-CC)
May, MT et al. « Cohort profile: Antiretroviral Therapy Cohort Collaboration (ART-CC) » Int J Epidemiol. 2014; 43: 691–702
Les recommandations françaises pour la prise en charge de l'infection par le VIH/sida
Rapport Morlat « Nouvelles recommandations pour la prise en charge des personnes vivant avec le VIH en France », septembre 2013 avec actualisation d'octobre 2016.
Sur VIDAL.fr :
VIDAL Reco VIH (infection par le)
Sources
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