Rhumatisme psoriasique, forme oligoarticulaire avec atteinte du majeur de la main droite (© NEJM).
Le rhumatisme psoriasique concernerait jusqu'à 30 % des personnes atteintes de psoriasis
Selon ndes données américaines récentes (Villani et coll;, 2015), jusqu'à 30 % des personnes psoriasiques souffrent de rhumatisme, et plus de la moitié d'entre eux n'ont pas été diagnostiqués.
Rare chez les personnes d'ascendance africaine ou asiatique, le rhumatisme psoriasique touche autant les hommes que les femmes. Il semble plus fréquent chez les patients qui souffrent également d'obésité, de diabète de type 2, d'hypertension artérielle ou de syndrome métabolique.
Une apparition parfois précoce, voire avant les signes cutanés
Dans leur revue publiée par le NEJM, trois auteurs nord-américains rappellent que, si le rhumatisme psoriasique apparaît en général après 10 années d'évolution du psoriasis en plaques, sans 15 % des cas il apparaît simultanément avec les symptômes cutanés, voire avant ceux-ci.
Par ailleurs, environ 25 % des personnes touchées par un rhumatisme psoriasique présentent un antigène d'histocompatibilité HLA-B27 (dont la présence est associée à plusieurs maladies auto-immmunes). .
Le rhumatisme psoriasique, un fardeau psychologique qui dégrade la qualité de vie et augmenterait le risque d'autres maladies
Les auteurs rappellent que le rhumatisme psoriasique peut être un fardeau psychologique de même ordre que celui de la spondylarthrite ou de la polyarthrite rhumatoïde, et interférer avec la vie professionnelle personnelle.
De plus, selon Ogdie A et coll, 2015, citée par les auteurs, la présence de rhumatisme psoriasique est associée à une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires, de maladie de Crohn, de colite chronique et d'uvéite (présente chez 8 % des patients).
Rhumatisme psoriasique chez l'adulte : une grande hétérogénéité des symptômes
Les auteurs de la revue du NEJM insistent sur la grande hétérogénéité clinique du rhumatisme psoriasique. Ils en distinguent cinq formes :
- la forme oligoarticulaire (moins de 5 articulations touchées, souvent de manière asymétrique) ;
- la forme polyarticulaire (5 ou plus articulations touchées, plus symétrique, pouvant être confondue au premier abord avec une polyarthrite rhumatoïde) ;
- la forme distale qui touche les articulations les plus distales des doigts et des orteils (souvent associée à une autre forme, seule dans 5 % des cas) ;
- l'arthritis mutilans, avec ostéolyse marquée ;
- la forme axiale, pouvant être confondue de prime abord avec une spondylarthrite.
Enthésite et dactylite : deux symptômes caractéristiques, à rechercher systématiquement pour améliorer le diagnostic du rhumatisme psoriasique
Pour distinguer le rhumatisme psoriasique des autres formes de rhumatismes articulaires aigus, les auteurs mettent en avant l'examen clinique, avec en particulier deux symptômes à rechercher systématiquement :
- L'enthésite (inflammation des points d'attaches des tendons et ligaments) ?est présente chez 30 à 50 % des personnes atteintes de rhumatisme psoriasique. Elle est particulièrement marquée au niveau des fascia plantaires, des tendons d'Achille, des rotules et des crêtes iliaques. Des images radiologiques de destruction osseuse (ostéolyse) et de formation osseuse pathologique sont rapidement visibles après l'apparition de signes cliniques articulaires (chez 47 % des patients 2 ans après le début des symptômes).
- La dactylite (inflammation et gonflement des doigts et des orteils dits « en saucisse ») touche 40 à 50 % des patients atteints de rhumatisme psoriasique, sous une forme aiguë ou chronique, en particulier au niveau des troisièmes et quatrièmes orteils. Elle est plus souvent associée aux formes sévères de rhumatisme psoriasique. De plus, au niveau des doigts, il n'est pas rare d'observer des ongles ponctués de petits cratères (ongles dits « de couturière »).
Cas particulier du rhumatisme psoriasique de l'enfant : deux formes cliniques à des âges différents
Le rhumatisme psoriasique peut apparaître dès l'enfance. Les auteurs distinguent deux formes :
- chez les nourrissons âgés de 1 à 2 ans (surtout des filles), une forme oligoarticulaire (moins de 5 articulations touchées), avec éventuellement dactylite et uvéite chronique, et recherche d'anticorps antinucléaires positive ;
- chez les enfants âgés de 6 à 12 ans porteur de l'antigène HLA-B27, une forme plutôt axiale qui touche les garçons comme les filles, avec dactylite, enthésite et ongles ponctués. La recherche d'anticorps antinucléaires est négative.
Le diagnostic différentiel avec l'arthrite juvénile repose que les symptômes de dactylite, les lésions des ongles et l'existence de psoriasis chez au moins un apparenté du premier degré.
Confirmer le diagnostic d'un rhumatisme psoriasique avec les 5 critères CASPAR
Dans leur revue, les auteurs rappellent que, s'il n'existe pas de critères diagnostiques universellement validés pour le rhumatisme psoriasique, des critères sont néanmoins largement utilisés dans les études cliniques : les Classification Criteria for Psoriatic Arthritis (critères CASPAR) qui reposent sur la présence de psoriasis en plaques, d'anomalies des ongles, de dactylite, d'absence de facteur rhumatoïde (observée chez 95 % des personnes touchées) et de lésions articulaires visibles à la radiographie :
Selon la classification CASPAR, le diagnostic de rhumatisme psoriasique peut être posé chez un patient présentant "une maladie inflammatoire musculosquelettique (impliquant une articulation, la colonne vertébrale ou une enthèse) et dont le score sur 5 critères (de la tableau ci-dessus) est supérieur ou égal à 3".
Des traitements efficaces sur la progression radiologique des lésions
Dans les formes oligoarticulaires et peu sévères de rhumatisme psoriasique, la revue du NEJM recommande de prescrire des AINS par voie orale, voire en injections intra-articulaires.
Dans les formes plus sévères, les auteurs recommandent de prescrire un traitement de fond (DMARD, pour Disease-modifying antirheumatismal drugs, ou en français médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie) en première intention, alors que les recommandations françaises les réservent pour les traitements de 2e intention.
Certains de ces DMARDs ont en effet ont montré une inhibition de la progression radiologique dans des études randomisées :
- les anti-TNF (adalimumab, certolizumab, étanercept, golimumab, infliximab) ;
- les inhibiteurs des interleukines IL-12 et IL-23 (ustékinumab) ou de l'IL-17 A (ixekizumab, sécukinumab).
Les autres traitements de fond du rhumatisme psoriasique
D'autres DMARD peuvent également être prescrits : léflunomide ou aprémilast (un inhibiteur de la phosphodiestérase 4). En France, ce dernier dispose d'une AMM, seul ou en association avec un DMARD mais, selon la HAS, sa place est limitée en monothérapie.
Les auteurs de la revue du NEJM remarquent que le méthotrexate, pourtant largement prescrit, n'a pas fait ses preuves dans la seule étude randomisée existant dans cette indication, étude de faible effectif qui utilisait une posologie inférieure à celle habituellement prescrite et qui a donc pu sous-estimer l'efficacité de ce traitement.
Chez les enfants, le traitement du rhumatisme psoriasique suit les recommandations émises au sujet de l'arthrite juvénile.
En conclusion : face à un patient psoriasique, un dépistage systématique du rhumatisme et des conseils d'hygiène de vie
En plaçant résolument leur revue dans l'optique d'améliorer le diagnostic et la prise en charge du rhumatisme psoriasique, les auteurs invitent les praticiens à demander systématiquement aux personnes souffrant de psoriasis si elles ont ressenti des douleurs articulaires, des raideurs matinales ou ont déjà présenté des doigts ou des orteils « en saucisse ».
Chez les personnes jeunes présentant des troubles articulaires, ils conseillent de rechercher systématiquement des lésions de psoriasis peu visibles : plis de l'aine, sillon interfessier, nombril, oreilles, ongles, ligne d'implantation des cheveux). Ces troubles articulaires pourraient en effet être une manifestation précoce de rhumatisme psoriasique (parmid e nombreuses causes possibles bien sûr).
Enfin, ils rappellent les conseils d'hygiène de vie à donner aux personnes atteintes de rhumatisme psoriasique : arrêt du tabac, contrôle du poids, activité physique adaptée, gestion du stress et mesures de protection des articulations.
Pour aller plus loin
La revue du NEJM sur le rhumatisme psoriasique
Christopher T. Ritchlin, Robert A. Colbert and Dafna D. Gladman, « Psoriatic arthritis », N Engl J Med 2017;376:957-70.
Méta-analyse épidémilogique de 2015
Axel Patrice Villani et coll., « Prevalence of undiagnosed psoriatic arthritis among psoriasis patients: Systematic review and meta-analysis », J Am Acad Dermatol 2015; 73: 242-8.
Revue de 2015 sur les comorbidités possibles du psoriasis
Ogdie A, Schwartzman S, Husni ME, « Recognizing and managing comorbidities in psoriatic arthritis», Curr Opin Rheumatol. 2015 Mar;27(2):118-26.
Sources
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