Latte Art (café au lait chauffé à la vapeur traçant des motifs - illustration).
Le café, un excitant dont le rôle arythmogène présumé n'a jamais été démontré
Le café est la première source de caféine. Consommé notamment pour ses effets vasomoteurs et "excitants", le café stimule le système sympathique et est surtout antagoniste des récepteurs de l'adénosine, qui influe sur le système cardiovasculaire (agrégation des plaquettes).
A ce titre, il est présumé arythmogène (susceptible d'induire des troubles du rythme cardiaque) et en général déconseillé aux personnes présentant une insuffisance cardiaque chronique, même si les données de la littérature, jusqu'à présent, n'ont pas confirmé cette hypothèse (en dehors de deux études effectuées sur des chiens avec des doses de caféine beaucoup trop élevées par rapport à la consommation humaine, donc non interprétables).
Or l'insuffisance cardiaque augmente forment le risque de troubles du rythme cardiaque, d'où l'importance de données solides sur une éventuelle influence du café. Priccila Zuchinali et ses collaborateurs brésiliens ont donc décidé d'effectuer une étude en double aveugle et bras croisés de la caféine contre placebo chez des personnes insuffisantes cardiaques avérées et ayant des risques arythmogènes équivalents.
Une étude en double aveugle effectuée auprès de 51 hommes insuffisants cardiaques stade NYHA I à III
Priccila Zuchinali et ses collaborateurs ont choisi d'inclure uniquement des hommes souffrant d'insuffisance cardiaque caractérisée (fraction d'éjection ventriculaire gauche inférieure à 45 %) et de classe fonctionnelle I à III (classification fonctionnelle de la NYHA, selon les symptômes et l'activité physique).
L'étiologie de l'insuffisance cardiaque était non ischémique en majorité (35 patients), la comorbidité la plus fréquente était l'hypertension (22 patients). Sur les 51 patients retenus pour l'étude (équipés d'un défibrillateur, cf. infra), presque tous étaient traités selon les standards habituels par IEC ou ARA II et bêta-bloquants.
Un double aveugle obtenu avec un café décaféiné, enrichi ou en poudre de caféine ou en poudre de lactose
Après 7 jours d'exclusion de produits caféinés, les 51 patients ont été randomisés soit dans le bras caféine (25 patients) soit dans le bras placebo (26 patients).
Les patients ont bu 5 tasses (chacune à une heure d'intervalle) de 100 ml de café décaféiné mixé soit avec 100 mg de caféine soit avec 100 mg de poudre de lactose (placebo).
Ils ont ensuite subi une épreuve d'effort, le tout sous surveillance électrographique (ECG).
Marqueurs biologiques et répétition du protocole en inversant les groupes
Des prélèvements sanguins en début et fin de protocole ont tracé en particulier le taux de caféine et celui du peptide cérébral natriurétique B (BNP), qui est un marqueur de l'insuffisance cardiaque.
Le même protocole a été répété après 7 jours de remise à zéro (wash out) en croisant les groupes (ceux sous caféine passaient au placebo et vice versa). Une épreuve d'effort a conclu cette deuxième phase.
Un protocole sécurisé par la présence de défibrillateurs cardiaques implantés
Les 51 patients inclus étaient porteurs d'un défibrillateur automatique implantable. Ce prérequis de sécurité a été décidé car les participants ont dû effectuer une épreuve d'effort.
Placebo - dose élevée de caféine : 0 – 0 au niveau cardio-rythmique
La dose choisie de 500 mg de caféine en 5 ingestions à une heure d'intervalle est une dose élevée (environ 5 cafés serrés en 4 heures) destinée à démasquer un surcroît d'événements rythmiques.
Pourtant, Priccila Zuchinali et ses collègues n'ont noté aucune accélération du rythme cardiaque qui distingue le groupe caféine du groupe placebo : salves de tachycardie ventriculaire (16 dans le groupe caféine, 19 dans le groupe placebo) ou supraventriculaire comparables, de même que le nombre d'éventuelles extrasystoles.
Pas d'influence de la caféine sur les anomalies détectées à l'ECG, au repos et à l'effort, lors de la première et de la seconde partie de l'étude
La prise de caféine s'avère aussi sans effet mesurable sur le plan électrocardiographique dans le groupe caféine par rapport au groupe placebo : au monitorage électrocardiographique continu durant les deux séquences protocolaires, les auteurs n'ont en effet observé aucune différence significative entre les deux groupes (caféine et placebo) dans le nombre et le type de complexes électriques prématurés, que ce soit à l'étage ventriculaire ou supraventriculaire.
Idem durant l'épreuve d'effort qui a suivi l'ingestion soit de 500 mg de caféine en 5 tasses de 100 ml, soit du placebo en 5 tasses.
Les données des défibrillateurs implantables (également lues en aveugle) confirment l'absence d'événements électriques attribuables à l'absorption de caféine par rapport au placebo
Le croisement des bras (cross over) dans le deuxième temps de l'étude ne modifiait rien au constat électrocardiographique réalisé en aveugle comme l'interprétation de l'épreuve d'effort.
Au niveau biologique, pas d'élévation du BNP, marqueur de l'insuffisance cardiaque
Le contrôle plasmatique confirme bien la présence de caféine dans le bras caféine (9,480 mg/L en moyenne) et sa présence nulle dans le bras placebo. Le taux de BNP n'a cependant pas varié chez les participants sous caféine (pas d'aggravation de l'insuffisance cardiaque).
Au niveau clinique, un petit impact chez deux participants sous caféine
Deux personnes sont sorties de l'étude lors de la deuxième séquence dans le bras caféine en raison de la survenue de nausées et de céphalées. Ces symptômes ne sont pas étonnants en raison de l'importance de la dose ingérée.
En conclusion : pas d'arythmie constatée, au repos comme à l'effort, chez les ptients insuffisant cardiaque consommant de la caféine
Malgré le faible nombre de participants et donc la nécessité de reproduire ce protocole à plus grande échelle, les auteurs estiment que ces résultats sont rassurants pour les buveurs de café insuffisants cardiaques… et leurs médecins, d'autant plus qu'ils ont été effectués avec une dose élevée en caféine : la dégustation raisonnable de cafés ou de boissons énergisantes contenant de la caféine ne paraît donc pas augmenter le risque d'arythmies chez ces patients pourtant à haut risque de troubles du rythme cardiaque.
Il ne semble donc pas pertinent de déconseiller ces boissons aux patients insuffisants cardiaques de stade I à III, en tout cas à doses modérées (pour mémoire, une canette de 25 cl d'une boisson énergisante très connue contient 80 mg de caféine, soit environ autant qu'un café de 7,5 cl).
En savoir plus :
Priccila Zuchinali, Gabriela Souza, Mauricio Pimentel et al. Short-term Effects of High-Dose Caffeine on Cardiac Arrhythmias in Patients With Heart Failure. A Randomized Clinical Trial. JAMA Intern Med. Published online October 17, 2016.
Sur VIDAL.fr :
VIDAL Reco "Insuffisance cardiaque chronique"
AINS : léger surrisque d'insuffisance cardiaque variable selon les molécules (octobre 2016)
Insuffisance cardiaque : confirmation de l'intérêt des bêtabloquants, quel que soit l'âge ou le sexe (mai 2016)
Insuffisance cardiaque : intérêt confirmé de l'accompagnement éducatif et préventif (juin 2014)
Sources
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