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Maladie d'Alzheimer : la HAS recommande le déremboursement de 4 médicaments, Marisol Touraine temporise

La commission de la transparence de la HAS (Haute Autorité de santé) a de nouveau réévalué les médicaments EBIXA (mémantine), ARICEPT (donépézil), EXELON (rivastigmine) et REMINYL (galantamine), utilisés dans le traitement symptomatique de la maladie d'Alzheimer

Dans son nouvel avis du 19 octobre 2016, non encore publié en ligne mais dont la HAS a résumé les principaux points ici(1), la Commission estime désormais que le SMR de ces médicaments (et donc de leur nombreux génériques) est insuffisant pour justifier leur remboursement. 

"Avec le recul", la HAS estime en effet que ces médicaments n'ont plus de place dans la stratégie thérapeutique", en raison notamment d'une efficacité clinique au mieux modeste et de courte durée sur les symptômes cognitifs, d'un risque d'effets indésirables potentiellement graves et d'un risque accru d'interaction médicamenteuse en raison du profil de la population traitée (âgée, polypathologique et polymédiquée).

La HAS préconise donc, comme elle l'avait fait dès 2007, de plutôt privilégier une approche globale, non médicamenteuse et pluriprofessionnelle de la maladie d'Alzheimer pour contribuer à améliorer la qualité de vie des patients et des aidants.

Il se peut cependant que cet avis ne soit pas suivi d'un déremboursement, du moins dans les prochains mois, car la ministre de la santé, Marisol Touraine, a déclaré le 26 octobre sur RTL(2) qu'"il n'y aura pas de déremboursement dans l'état actuel des choses", expliquant qu'elle veut d'abord que soit mis en place "un protocole de soins".

Ces médicaments restent donc pour le moment remboursés à 15 % (donc à 100 % pour ces patients en ALD).

Ci-dessous, nous avons effectué un retour sur les points saillants du parcours de ces médicaments depuis 1997.




 
26 octobre 2016 Image d'une montre10 minutes icon 8 commentaires
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Plus de 15 ans après leur autorisation, la HAS estime que le service médical rendu des médicaments dits

Plus de 15 ans après leur autorisation, la HAS estime que le service médical rendu des médicaments dits "anti-Alzheimer" est insuffisant (illustration).


Quatre médicaments administrés en cas de maladie d'Alzheimer commercialisés depuis plus de 15 ans, dont trois anticholinestérasiques
L'ARICEPT (donépézil) a obtenu son AMM en 1997. Puis, en 1998, l'EXELON (rivastigmine) l'obtient à son tour, suivi par le REMINYL (galantamine) en 2000 et l'EBIXA (mémantine) en 2001. 

Les trois premiers sont des anticholinestérasiques : in vitro, ils inhibent temporairement l'acétylcholinestérase, ce qui empêche la dégradation de l'acétylcholine et favorise donc son action (neurotransmetteur impliqué dans la mémoire et l'apprentissage). 

Cette action favorisant la libération de l'acétylcholine explique aussi les effets secondaires de ces trois médicaments, qui agissent sur d'autres récepteurs (neuronaux, digestifs, musculaires, cardiaques, voire hépatiques).

La mémantine n'est pas un anticholinestérasique, mais est également destinée à  améliorer la neurotransmission en inhibant les récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate).

Ces autorisations de mise sur le marché, accompagnées d'un remboursement à 65 % (100 % en ALD), ont été délivrées en raison de données d'études montrant une efficacité, certes à court terme, sur les symptômes cognitifs et un faible taux d'effets secondaires (exemple pour le donépézil : Dementia 1996(3)). 

En 2007, une première réévaluation reconnaît les limites de l'utilité de ces médicaments mais maintient le SMR important
Depuis la mise sur le marché de ces médicaments, en France et dans les autres pays occidentaux (rappelons que la maladie d'Alzheimer est un fléau qui ne dispose pas de traitement curatif, donc ces médicaments ont représenté un espoir pour des millions de patients), les études "en vie réelle" ont permis d'affiner ce rapport bénéfices - risques et, malheureusement, de constater que ces médicaments dits "anti-Alzheimer" n'étaient pas si efficaces et bien tolérés qu'estimé auparavant.

Devant les doutes nés des études publiées avec ces médicaments, et compte tenu de l'enjeu de santé publique que représente la maladie d'Alzheimer, la commission de la transparence de la HAS décide leur réévaluation en 2007. 

Elle constate tout d'abord, comme résumé dans cette fiche "bon usage du médicament" publiée en janvier 2009(4) suite à cette réévaluation
, que si les études menées avec les 3 anticholinestérasiques (donépézil, galantamine et rivastigmine) "sont de relativement bonne qualité méthodologique", elles comportent un pourcentage important de sorties d'études (abandon en cours d'étude), de l'ordre de 20 à 30 %, "ce qui réduit la pertinence de leurs résultats". De plus, ces études sont menées sur des périodes très courtes, en moyenne de 6 mois, et non sur le long terme.

En sus de ces limites, les données d'efficacité portaient sur des critères intermédiaires et non principaux. De plus, elles étaient obtenues à partir de scores issus de multiples échelles d'évaluation, rendant la comparaison difficile. 

L'efficacité mesurée portait sur la cognition et l'impression clinique globale, avec une taille modeste des effets observés et donc, au total, "un bénéfice clinique très difficile à préciser".

Du côté de la tolérance, la HAS a noté des troubles digestifs pouvant parfois entraîner l'arrêt du traitement.

En ce qui concerne la mémantine, la HAS, toujours en 2007, a noté l'absence d'étude réalisée versus anticholinestérasiques, ce qui limite d'emblée l'interprétation de l'efficacité. Cette dernière reposait sur le constat d'une diminution du nombre d'épisodes d'agitation par rapport aux patients sous placebo. Un effet sur la cognition et l'impression clinique globale a aussi été observé, mais qualifié de "marginal", la HAS reprenant les conclusions de la méta-analyse Cochrane 2006(5)

Au total, la commission de la transparence relativisait donc la démonstration scientifique de l'utilité de ces 4 médicaments, mais soulignait que ces médicaments constituaient  "un des éléments de la prise en charge médicale, mais aussi psychologique et sociale du patient et son entourage". D'où un SMR important maintenu (avec amélioration du SMR, ou ASMR, qualifiée de mineure), à condition que ces médicaments fassent partie d'une "prise en charge globale de la maladie" (interventions non médicamenteuses, aide aux aidants, coordination des interventions médicales et paramédicales, etc.)


En 2011, nouvelle réévaluation de la HAS aboutissant à la baisse du remboursement de 65 à 15 % (passage de SMR important à faible)
En 2011, les effets du Plan Alzheimer 2008 - 2012(6) commencent à porter leurs fruits : revalorisation du rôle des aidants, lutte contre les prescriptions inutiles ou dangereuses, etc. Dans ce contexte, la HAS décide de réévaluer à nouveau l'intérêt de ces médicaments.

A nouveau, les experts de la HAS constatent(7) un "effet minime" et de courte durée sur les symptômes cognitifs uniquement, sans même savoir si cette amélioration est directement imputable aux médicaments. De plus, les études cliniques sont réalisées avec des sujets plus jeunes que ceux rencontrés en vie réelle. Seuls certains patients semblent "répondeurs", sans qu'il soit possible de prédire lesquels. Enfin, cet effet perçu chez certains patients ne retarde pas leur entrée en institution. 

Cette analyse s'appuie notamment sur les résultats d'une revue systématique sur l'efficacité du donépézil, de la galantamine et de la rivastigmine sur les symptômes psychologiques et comportementaux chez des patients à un stade de sévérité léger à sévère (Clinical Interventions in Aging 2008(8)). 

Du côté de la tolérance, cette réévaluation confirme les risques d'interactions médicamenteuses chez ces personnes âgées souvent polymédiquées,. En cas de prise d'anticholinestérasiques, le risque d'effets indésirables digestifs est confirmé par les nouvelles études. Ces dernières mettent aussi en évidence un surrisque d'effets indésirables cardiovasculaires (bradycardie, syncope, hypotension, blocs auriculo-ventriculaires, arythmies, infarctus du myocarde) et neuropsychiatriques (vertiges, confusion, délire), sous anticholinestérasiques (Rev Geriatr. 2007(9)) comme sous galantamine (Ann Pharmacother 2008(10)). 

Au vu de ces éléments, la commission de la transparence de la HAS a rétrogradé le SMR des 4 médicaments d'important à faible en 2011, car "l'intérêt de santé publique rendu par les traitements spécifiques de la maladie d'Alzheimer n'est toujours pas démontré". La durée de traitement recommandée par la HAS(11) est limitée à 1 année, avec une préconisation de "réévaluation attentive du médecin prescripteur au bout de 6 mois". 

Le remboursement est donc abaissé à 15 % en mars 2012, mais ces patients étant tous en ALD en cas de diagnostic de la maladie, ils restent remboursés à 100 %

En 2016, une nouvelle réévaluation, dont les détails ne sont pas encore disponibles, entraîne une rétrogradation du SMR de "faible" à "insuffisant"
Plus les années passent, plus les données s'accumulent en faveur d'une efficacité "au mieux modeste" et un risque d'effets indésirables "potentiellement graves", estime la HAS dans un communiqué publié le 21 octobre 2016(1)

Nous ne disposons pas encore des détails des nouvelles données sur lesquelles s'est appuyée la commission de la transparence pour émettre une telle conclusion, mais force est de constater qu'aucune étude n'est venue infirmer les données précédemment exposées. 

La HAS, dans son communiqué, estime en effet , comme en 2011, que "les données nouvelles confirment que l'efficacité de [ces 4] médicaments est au mieux modeste" et à court terme sur les troubles cognitifs. De plus, la méthodologie est biaisée car les sujets inclus dans ces études sont plus jeunes que ceux traités en pratique réelle et
 ne présentent pas de comorbidités, ni de risques d'interactions médicamenteuses. En outre, l'efficacité sur les troubles du comportement, la qualité de vie, le délai d'entrée en institution, la mortalité et la charge de la maladie pour les aidants n'est toujours pas établie.

Du côté de la tolérance, le constat sur les risques digestifs, neuropsychiatriques et cardiovasculaires est identique à celui de 2011. De plus, des inconnues subsistent sur la sécurité d'emploi de ces médicaments, faute de pouvoir vérifier la mise en oeuvre des mesures émises en 2011 pour encadrer la prescription de ces médicaments (réévaluation attentive de la prescription à 6 mois, décision en réunion de concertation pluridisciplinaire au-delà de 1 an). 

La commission de la transparence de HAS (Haute Autorité de santé) a donc estimé que les médicaments actuellement indiqués dans la maladie d'Alzheimer présentent un intérêt médical insuffisant pour un remboursement. 

Comme en 2007, la HAS prône les alternatives non médicamenteuses
La HAS rappelle que la stratégie thérapeutique doit privilégier une approche globale, non médicamenteuse et pluridisciplinaire, afin de répondre plus efficacement aux besoins des patients et des aidants.

La prise en charge doit cibler les objectifs suivants : 
  • améliorer la qualité de vie en favorisant un confort physique et psychique et un environnement adapté ;
  • maintenir et adapter les fonctions de communication du patient par une prise en charge orthophonique ;      
  • ralentir la perte d'autonomie dans les activités de la vie quotidienne par une stimulation des fonctions cognitives avec des mises en situation ou des simulations de situations vécues (trajet dans le quartier, toilette, téléphone, etc.) ;
  • promouvoir l'exercice physique (notamment la marche) ;
  • assurer une prise en charge psychologique et psychiatrique du patient et de son entourage.
La HAS annonce l'élaboration d'un guide du parcours de soins pour la maladie d'Alzheimer afin d'accompagner la prise en charge des patients et de leur entourage.

La décision finale de déremboursement revient au ministère de la Santé
A ce jour, le remboursement des médicaments de la maladie d'Alzheimer est maintenu. La décision de suivre l'avis de la HAS et de ne plus prendre en charge ces médicaments revient au ministre de la Santé. Si tel était le cas, comme s'en est inquiétée l'association France Alzheimer dans un communiqué de presse publié le 21 octobre 2016(12),  la France serait le premier pays européen à ne plus prendre en charge le traitement médicamenteux de la maladie d'Alzheimer. Un tel déremboursement enverrait "un signal négatif et dangereux à toutes les personnes malades qui bénéficient de ces traitements et à toutes celles qui sont engagées dans une démarche de diagnostic", toujours selon France Alzheimer. 


Cependant, interrogée sur cette question sur RTL le 26 octobre 2016(2), Marisol Touraine a écarté un déremboursement "dans l'état actuel des choses". Avant de prendre une décision, elle souhaite qu'"un protocole de soins soit préalablement mis en oeuvre", ce qui, en pratique, exclut un déremboursement d'ici la fin de son mandat en mai 2017. 

Ce protocole de soins correspond peut-être au "guide de parcours de soins" que la HAS est en train d'élaborer, mais sur lequel nous ne disposons pas d'indication plus précise.

En conclusion : de la difficulté de passer de l'espoir au juste usage du médicament
L'actualité thérapeutique le montre régulièrement : des solutions semblent idéales sur le papier, chez la souris et chez un nombre restreint de personnes triées sur le volet, mais lorsque le médicament passe dans la vie réelle et est prescrit à des milliers, millions de patients, il arrive parfois, malheureusement pour les patients atteints, que son rapport bénéfice - risque soit remis en doute, contesté voire décrété comme négatif, comme dans le cas présent.

Dans ces situations, les décisions de prescription, les demandes des patients et de l'entourage, les coûts, voire la politique interfèrent logiquement avec les données brutes de la science, ne serait-ce qu'en raison de l'espoir initial soulevé, des habitudes prises ou des craintes liées à la reconnaissance d'une absence d'intérêt médical après avoir affirmé le contraire pendant des années. 

Gageons que sur cette question des médicaments actuellement prescrits dans la maladie d'Alzheimer, l'approche multidisciplinaire préconisée depuis des années accompagnera davantage puis supplantera progressivement l'utilisation massive de ces médicaments, en attendant de nouvelles perspectives et en espérant que cette fois-ci, les résultats en vie réelle seront à la hauteur des attentes face à cette terrible maladie. 

Pour aller plus loin
  1. Communiqué de presse - Médicaments de la maladie d'Alzheimer : un intérêt médical insuffisant pour justifier leur prise en charge par la solidarité nationale, HAS, 21 octobre 2016
  2. Alzheimer : Marisol Touraine s'oppose au déremboursement de quatre médicaments, RTL, 26 octobre 2016
  3. The efficacy and safety of donepezil in patients with Alzheimer's disease: results of a US Multicentre, Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled Trial. The Donepezil Study Group, Rogers SL, Friedhoff LT, Dementia, novembre - décembre 1996
  4. Les médicaments de la maladie d'Alzheimer à visée symptomatique en pratique quotidienne, fiche "bon usage du médicament", HAS, janvier 2009
  5. Memantine for dementia, Rupert McShane, Almudena Areosa Sastre, Neda Minakaran, revue Cochrane, avril 2006
  6. Plan Alzheimer 2008-2012, CNSA.fr, février 2015
  7. Réévaluation des médicaments indiqués dans le traitement symptomatique de la maladie d'Alzheimer - Rapport d'évaluation de la Commission de la transparence, HAS, 19 octobre 2011
  8. Efficacy and safety of donepezil, galantamine, and rivastigmine for the treatment of Alzheimer's disease: A systematic review and meta-analysis, Richard A Hansen et coll., Clinical Interventions in Aging, juin 2008
  9. Evaluation de la tolérance des traitements médicamenteux de la maladie d'Alzheimer : analyse des notifications adressées aux centres régionaux de pharmacovigilance du Nord Ouest de la France; LA GASTINE, Blandine de ; MOSQUET, Brigitte ; COQUEREL, Antoine. La revue de gériatrie, octobre 2007
  10. Prolonged QT Interval, Syncope, and Delirium with Galantamine, Alexander A Fisher, Annals of Pharmacotherapy, février 2008
  11. Médicaments de la maladie d'Alzheimer : la HAS révèle les résultats de sa réévaluation, communiqué de presse, HAS, 27 octobre 2011
  12. France Alzheimer et maladies apparentées s'inquiète du déremboursement total des médicaments anti-Alzheimer, communiqué de presse, France Alzheimer, 21 octobre 2016

Mais aussi (documents non mentionnés dans cet article) : prise en charge des malades d'Alzheimer - les publications de la HAS
Sur VIDAL.fr
VIDAL Reco '"Maladie d'Alzheimer"
ARICEPT, EBIXA, EXELON et REMINYL : baisse du taux de remboursement à 15 % (16 mars 2012)

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pegase Il y a 7 ans 1 commentaire associé
Bonjour, Est ce que le réminyl associé à la paroxétine et à l'alprazolam est potentiellement dangereux pour la santé? Connait on vraiment les effets indésirables? Actuellement j'aide une personne qui rencontre de gros problèmes de marche et des douleurs dans les jambes à 51 ans. elle se déplace comme une personne de 85 ans. Elle prend ces 3 médicaments depuis assez longtemps. 1 an pour la paroxétine et alprazolam + réminyl depuis 8 mois après 2 mois de mémantine. Merci pour votre avis et votre aide
Modérateur Médecine générale Il y a 7 ans 0 commentaire associé
Bonsoir, Ces médicaments ne présentent pas d'interactions entre eux, par contre ces douleurs et cet état doivent être explorés, ils peuvent être liés à un effet secondaire d'un des médicaments ou à un autre problème de santé, difficile à dire malheureusement sans connaître la personne...
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