
Un sondage intervenant dans un contexte de défiance française envers la vaccination
L'Ordre national des pharmaciens rappelle tout d'abord que "c'est en France, patrie de Pasteur, que l'on trouve le plus grand nombre de sceptiques sur les vaccins (41 %, pour une moyenne européenne à 12 % selon une étude internationale menée dans 67 pays par London School of Hygiene and Tropical Medecine et publiée en septembre 2016)" :

Notons aussi qu'une partie non négligeable des médecins, 10 à 20 %, doutent de la sécurité de certains vaccins, selon une enquête de 2015 de l'Inserm (voir notre article).
De même, un des objectifs de la ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique des médecins) est d'atteindre ou de dépasser un taux de vaccination contre la grippe saisonnière de 75 % des patients de 16 à 64 ans en ALD (Affection de longue durée). Or depuis 2011, ce taux de 75 % n'a jamais été atteint, avec au contraire une évolution à la baisse des pourcentages, loin de l'objectif requis (voir notre article) :

Plusieurs pistes pour lutter contre cette défiance sont actuellement explorées dans le cadre d'une concertation citoyenne et scientifique sur la vaccination (concertation-vaccination.fr).
Dans ce contexte, l'Ordre des pharmaciens a dévoilé, le 3 octobre 2016, les résultats d'une enquête d'opinion, dont l'objectif était de connaître l'avis des Français sur la vaccination contre la grippe par les pharmaciens d'officine.
Cette enquête réalisée par Odoxa a été menée par internet entre le 22 et le 23 septembre 2016, sur un échantillon de 983 personnes de 18 ans et plus.
La vaccination contre la grippe en pharmacie, une évolution souhaitée par 6 Français sur 10, en particulier les jeunes, les seniors et les cadres
Selon cette enquête, près de 6 français sur 10 (59 %) seraient favorables à ce que les pharmaciens soient autorisés à vacciner les adultes qui le souhaiteraient contre la grippe saisonnière.
Une analyse plus fine montre que le taux des pro-vaccinations par le pharmacien augmente :
- dans certaines tranches d'âge : 61 % des jeunes et des seniors interrogés adhèrent à cette solution,
- en fonction de la situation professionnelle : la vaccination par le pharmacien séduit 71 % des cadres ;
- selon le secteur géographique : 65 % des franciliens seraient favorables à cette pratique.
Une solution jugée pertinente pour toucher la population des non vaccinés
Selon ce sondage, 1 Français sur 4 ne sait pas où il en est de sa vaccination en général. La moitié ne s'est jamais fait vacciner contre la grippe.
Parmi les non vaccinés, 28 % (3 sur 10) se déclarent prêts à se faire administrer le vaccin antigrippal en pharmacie, ce qui représenterait un potentiel d'environ 8 millions de personnes vaccinées en plus.
A partir de ces déclarations d'intention en termes de comportements, les auteurs de l'enquête estiment au final que 25 à 40 % de ceux qui ne se font jamais vacciner contre la grippe le feraient en pharmacie, ce qui représenterait 2 à 3 millions de personnes vaccinées supplémentaires.
En résumé, le fait d'autoriser la vaccination par le pharmacien pourrait peut-être entraîner un changement de comportement parmi les Français qui ne se sont jamais fait vacciner contre la grippe.
Les arguments de l'Ordre des pharmaciens partagés par une majorité des sondés
Le sondage montre enfin que la plupart des Français sont d'accord avec les trois arguments habituellement avancés, en particulier par l'Ordre des pharmaciens, pour justifier la vaccination par le pharmacien, à savoir :
- un accès renforcé à la vaccination : 77 % des sondés estiment que la vaccination en pharmacie permettrait d'augmenter les possibilités de vaccination,
- une meilleure couverture vaccinale : 72 % pensent que la vaccination en pharmacie permettrait d'augmenter le nombre de Français se faisant vacciner,
- une meilleure protection pour tous les français : 69 % pensent que d'une manière plus globale, la vaccination par les pharmaciens permettrait d'améliorer la protection de l'ensemble des Français.
L'éventuelle vaccination par les pharmaciens facilitée par le DP-vaccin ?
Le sondage Odoxa-CNOP intervient quelques jours après la mise en application du DP-vaccin.
Cette nouvelle fonctionnalité du DP (dossier pharmaceutique) permet de conserver pendant 21 ans les données de dispensation des vaccins, contre 4 mois pour les médicaments. Ce nouvel outil doit contribuer à suivre plus facilement l'état des vaccinations des français.
La vaccination par les pharmaciens est une piste évoquée depuis plusieurs années pour tenter d'méliorer la couverture vaccinale en France et simplifier le parcours du patient.
La vaccination par les pharmaciens à l'étranger donne de bons résultats
L'Ordre rappelle que de nombreux pays ont déjà confié la vaccination contre la grippe aux pharmaciens et que cette démarche a bénéficié à la population, en termes de taux de vaccination et de satisfaction des patients.
Ainsi, selon une étude de la Fédération internationale pharmaceutique publiée en mars 2016, près de 30 % des pays ont choisi d'autoriser la vaccination par les pharmaciens. A la suite des Etats-Unis (une partie des Etats), le Canada, l'Australie, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suisse et l'Irlande l'ont mise en place.
L'Ordre souligne "qu'aux Etats-Unis, la couverture vaccinale antigrippale des jeunes adultes a augmenté de 12-16% en 1993 à 29-36% en 2013". Idem en Australie et en Irlande, avec un taux de satisfaction très élevé (99 % en Irlande)
La vaccination officinale a été retirée de la loi de santé de Marisol TOuraine. L'Ordre demande une expérimentation de 3 ans.
Le projet de Loi de santé 2015 avait introduit cette possibilité, mais l'article avait été supprimé face aux inquiétudes et aux réticences des syndicats de médecins et d'infirmiers.
S'appuyant sur les résultats de ce sondage et sur les expériences positives dans d'autres pays, l'Ordre des pharmaciens demande donc la mise en place d'une expérimentation pendant 3 ans pour une vaccination contre la grippe saisonnière en pharmacie.
[Edit] MG France rejette la vaccination en pharmacie, qualifiée d'"idée simpliste", et propose une alternative
Dans un communiqué de presse publiée le 6 octobre, MG France, syndicats de médecins généralistes, propose "de mettre à disposition du médecin traitant un lot de vaccins anti-grippaux, au prorata du nombre de ses patients concernés, sur le modèle de ce qui est fait pour les tests de dépistage du cancer du colon. Complémentaire au travail des infirmières, qui participent déjà à la couverture vaccinale, et en bonne articulation avec les pharmaciens, qui pourraient participer à la gestion de ce stock, cette mesure simple permettra d'améliorer rapidement la couverture vaccinale".
MG France "défend la complémentarité des professionnels de santé de soins primaires et l'exercice pluri-professionnel, dans le respect des compétences de chacun, qu'il soit infirmier, pharmacien ou médecin".
A suivre donc... [/Edit]
Pour aller plus loin
Sondage ODOXA pour l'Ordre national des pharmaciens (septembre 2016)
Communiqué de presse - Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (3 octobre 2016)
An overview of current pharmacy impact on immunisation A global report, Rapport de la Fédération Internationale pharmaceutique (mars 2016)
European region most sceptical in the world on vaccine safety, London School of Hygiene and Tropical Medecine (septembre 2016)
The State of Vaccine Confidence 2016: Global Insights Through a 67-Country Survey, EBioMedicine (septembre 2016)
Rapport sur la politique vaccinale - Sandrine Hurel (janvier 2016)
La vaccination mérite mieux que des idées simplistes !?, communiqué de MG France (octobre 2016)
Sur VIDAL.fr :
Une enquête de l'Inserm confirme l'"hésitation vaccinale" d'une partie des médecins généralistes français? (août 2015)
Indicateurs "médicaments" de la ROSP : l'Assurance Maladie annonce des résultats positifs sur 3 ans, sauf sur la vaccination (mai 2015)
Comment les médecins généralistes perçoivent-ils les vaccinations ? Résultats d'une enquête de la DREES(avril 2015)
Sources
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