L'augmentation du stress est associée à une diminution significative de la fertilité, d'où l'importance de la relaxation, la détente, le positivisme, certes loin d'être toujours faciles à mettre en oeuvre... (illustration).
Un lien entre stress et difficultés conceptionnelles suspecté par l'observation et plusieurs études prospectives
Le stress est soupçonné depuis longtemps comme un facteur susceptible de réduire la fertilité des couples désirant concevoir un bébé.
De plus, des études récentes ont confirmé qu'une bonne gestion du stress augmente la probabilité de grossesse chez les couples en démarche de FIV (fécondation in vitro).
Seules quelques études épidémiologiques prospectives ont rigoureusement étudié le lien entre le stress et la fertilité, mais jamais à travers les différentes fenêtres du cycle menstruel : l'ovulation, la phase folliculaire (surtout pendant la fenêtre ovulatoire), la phase lutéale, la fécondation, ou l'implantation.
L'objectif de cette étude prospective est d'examiner l'association entre le stress autodéclaré et la fertilité et surtout d'identifier la ou les fenêtres les plus sensibles au cours du cycle menstruel.
400 femmes américaines incluses, interrogées, examinées puis suivies régulièrement
Un échantillon de 400 femmes employées de bureau, toutes âgées de moins de 40 ans, ont été recrutées chez de 14 sociétés et organismes gouvernementaux américains. Toutes les femmes sexuellement actives, qu'elles utilisent ou pas un contraceptif dans le mois précédent, ont été admises.
Les femmes utilisant des dispositifs intra-utérins (stérilets), ayant subit une hystérectomie, diagnostiquées avec un syndrome des ovaires polykystiques ou une infertilité (tentatives de concevoir depuis plus de 12 mois), ont été exclues.
Les données concernant l'âge, l'indice de masse corporelle (IMC), l'ethnie, le statut marital, l'éducation, les antécédents de grossesse, les antécédents médicaux, et le désir de grossesse, ont été recueillies.
Chaque participante a accepté de remplir un journal mensuel sur son cycle menstruel, ses rapports sexuels, l'utilisation de contraceptif, sa consommation d'alcool, de caféine, de tabac, et sur son niveau autodéclaré de stress.
Les premières urines du matin ont été recueillies et analysées les deux premiers jours de chaque cycle (J1 étant le premier jour des règles). Si une grossesse est survenue au cours d'un cycle, un échantillon d'urine était quand même collecté à la date prévue. Toutes les femmes ont été suivies jusqu'à la grossesse ou pendant 8 cycles menstruels en moyenne (maximum 20 cycles).
Une corrélation du stress ressenti aux différentes phases du cycle menstruel
Une échelle d'auto-évaluation du stress allant de 1 à 4 (du niveau le plus bas au plus élevé) a été combinée aux différentes phases du cycle menstruel.
La date de l'ovulation a été définie au 14ème jour en utilisant la méthode Knaus-Ogino.
La phase folliculaire a été divisée en fenêtres préovulatoire et ovulatoire. La fenêtre préovulatoire commence plus de19 jours avant le début des prochaines règles, et varie donc en longueur. La fenêtre ovulatoire commence 19 jours avant le début des prochaines règles jusqu'au jour d'ovulation estimé.
La phase lutéale commence un jour après la date prévue de l'ovulation, jusqu'à la veille des prochaines règles. En cas de grossesse, l'implantation se produit au cours de la phase lutéale, probablement 6 à 12 jours après la fécondation.
Evaluation de la fertilité en fonction de la survenue de grossesses, et de l'impact du stress en fonction des phases du cycle
La grossesse est logiquement définie par un niveau de bêta-hCG urinaire supérieur à 0,25 ng/mL deux jours consécutifs et testé par 2 laboratoires différents.
La fertilité est évaluée en comptant le nombre de cycles jusqu'à la grossesse, y compris le cycle de gestation. Une analyse de survie discrète a été utilisée pour évaluer l'association entre le stress autodéclaré et les différentes fenêtres spécifiques du cycle, avec un ajustement pour les facteurs confondants potentiels.
Trois modèles ont été construits pour évaluer l'association entre le stress et la fertilité :
- le premier analyse l'âge maternel et le stress moyen pour chacune des trois fenêtres mutuellement ajustées les unes aux autres ;
- le second inclut les facteurs confondants potentiels tels que la parité, le désir de grossesse, l'éducation, et le statut marital ;
- le dernier inclut des variables pouvant intervenir comme facteurs de confusion ou de médiation : l'IMC à l'inclusion, la consommation d'alcool, de tabac, de caféine, la durée du cycle et la fréquence des rapports sexuels non protégés pendant la fenêtre ovulatoire.
Pour chaque modèle, les rapports de risque de fécondabilité (FOR) de l'effet du stress sur chacune des trois fenêtres de fécondabilité ont été calculés. Un FOR inférieur à 1 indique une diminution de la fertilité alors qu'un FOR supérieur à 1 indique une augmentation.
Comme il est possible que chaque femme ait interprété l'échelle de stress différemment, le "stress relatif" a été calculé à partir de la valeur moyenne du stress sur l'ensemble de l'étude et pour chaque femme, à chaque fenêtre de chaque cycle menstruel, en soustrayant le stress global moyen au stress moyen au cours de la fenêtre. Une valeur positive pour le stress relatif montre qu'une femme se sentait plus stressée au cours de cette fenêtre que ce qu'elle a pu rapporter, de même lors d'une valeur négative, elle se sentait moins stressée.
Résultats : un stress moins élevé durant la phase pré-ovulatoire et ovulatoire durant les cycles conceptionnels (pendant lesquels 139 femmes sont tombées enceintes)
Les 400 femmes de cette étude sont en moyenne âgées de plus de 30 ans, de race blanche, avec un IMC normal (de 20 à 25 kg/m2) et mariées. Environ un quart (26 %) d'entre elles avaient un désir de grossesse lors de l'inclusion et au total, 35 % de l'échantillon (soit 139 femmes) sont tombées enceintes au cours de l'étude. Ces dernières ont d'ailleurs tendance à rapporter des niveaux inférieurs de leur stress en moyenne.
Le stress a été analysé en fonction de chaque phase des 139 cycles de conception effective (grossesses débutées) et des 2 882 cycles sans conception.
D'après le modèle ajusté, au cours de la phase folliculaire, une réduction statistiquement significative de 46 % de la fertilité est constatée à chaque augmentation d'une unité de l'échelle du stress autodéclaré pendant la fenêtre ovulatoire estimée (FOR = 0,54 ; IC 95% [0,35-0,84]). Cette réduction est plus atténuée lors de la fenêtre préovulatoire (FOR = 0,73 ; IC à 95% [0,48-1,10]). Au cours de la phase folliculaire, les valeurs moyennes de stress sont globalement plus faibles lors des cycles de conception.
A l'inverse, lors de la phase lutéale, les femmes étaient davantage stressées, mais uniquement lorsque la conception avait déjà eu lieu
Lors de la phase lutéale, une augmentation marquée du stress a été constatée lors des cycles où la conception a eu lieu. Cette augmentation a été observée indépendamment du désir de grossesse (FOR = 1,63 ; IC à 95% [1,07-2,50]). Ce résultat est confirmé par l'analyse du stress relatif lors de la fenêtre ovulatoire (FOR = 0,63, IC à 95% [0,41-0,96]) et de la phase lutéale (FOR = 2,20, IC à 95% [1.38-3.53]).
Mais une analyse post hoc a été menée en excluant les trois derniers jours du cycle menstruel. L'effet du stress sur cette fenêtre lutéale plus courte est alors nul (pour le premier modèle, FOR = 1.18 ; IC à 95% [0,77-1,80]).
Le stress constaté ici semble donc avoir lieu après que l'implantation ait eu lieu. Il est donc probable que ce stress soit lié à la connaissance de la grossesse et aux changements hormonaux qui apparaissent.
Le stress semble avoir quasiment la même influence lorsque les femmes ont déjà eu des bébés
Si une femme a eu des difficultés à concevoir par le passé, elle peut souffrir de problèmes de fertilité sous-jacents et son stress peut être plus élevé que les autres. Par conséquent, la même analyse a été réalisée uniquement chez les 249 femmes ayant déjà eu des bébés ("pares").
Bien que les Intervalles de confiance soient plus larges, la taille de l'effet est pratiquement le même pour toutes les analyses (par exemple, pour le premier modèle, FOR = 0,58 ; IC à 95% [0,31-1,07] lors de la fenêtre ovulatoire, et FOR = 1,56 ; IC à 95% [0,86-2,83] lors de la phase lutéale).
En conclusion : le stress en période pré-ovulatoire ou ovulatoire semble bien associé à une diminution de la fertilité, d'où de possibles conseils facilitants
Bien qu'en moyenne 12 % des données soient manquantes, ces résultats sont plutôt robustes et confirment qu'une augmentation du stress avant ou au moment de l'ovulation est associée à une réduction de 27 à 46 % des chances de concevoir.
Dans l'ensemble, les résultats de cette étude confirment les résultats des études antérieures sur l'interaction entre le stress et la fertilité et précisent la temporalité de cette influence : au cours de la fenêtre ovulatoire, expliquent les auteurs, la fonction ovarienne peut être compromise de plusieurs façons par le stress, que ce soit sur une insuffisance de follicules matures, une perturbation entre les gonadotrophines et les récepteurs ovariens, ou des modifications sur les hormones sexuelles. Par l'augmentation des glucocorticoïdes, le stress modifie la fonction de la GnRH, en retardant ou empêchant la montée de l'hormone lutéinisante, ce qui peut entraîner une anovulation.
Pour ces derniers, l'ampleur de cet effet négatif est comparable à celui du tabagisme, un facteur de risque largement reconnu pour jouer un rôle dans l'hypofertilité.
La réduction du stress chez les femmes désireuses de concevoir pourrait ainsi diminuer de 3 mois les délais avant la fécondation, selon les estimations des auteurs. Il paraît donc essentiel, en cas de désir d'enfant, de tenter de se relaxer, avec ou sans aide médicale, en particulier en période pré-ovulatoire et au moment supposé de l'ovulation. Plus facile à dire qu'à faire bien sûr..
En savoir plus :
Akhter S, Marcus M, Kerber RA, Kong M, Taylor KC. « The impact of periconceptional maternal stress on fecundability. » Ann Epidemiol. 2016 Aug 20.
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