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L’attribution à la vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) de la survenue de maladies auto-immunes (MAI) était une éventualité prévisible et prévue : à la lumière de l’expérience concernant l'hépatite B, vacciner massivement des adolescentes et des femmes jeunes à l’âge où se révèlent préférentiellement ces maladies allait nécessairement engendrer des coïncidences qui seraient présentées comme des relations causales. Ainsi, avant même la mise sur le marché du premier vaccin HPV une étude [1] avait prévu que la vaccination d’une cohorte de 100 000 adolescentes entraînerait, par le simple fait du hasard, une hospitalisation pour sclérose en plaque (SEP) ou névrite optique dans les 6 semaines suivant la vaccination. Le risque était trois fois plus élevé pour la vaccination d’une même cohorte de femmes jeunes.
De ce fait, lors de la mise en place des programmes de vaccination, plusieurs pays ont mis en place des cohortes permettant d’investiguer les liens éventuels entre la vaccination HPV et le déclenchement de MAI.
Ainsi, celles mises en place aux Etats-Unis [2], en Suède et au Danemark [3] ont montré l’absence de différence entre vaccinées et non vaccinées en matière d’incidence de maladies neurologiques, d’accidents thrombo-emboliques, et de 16 maladies auto immunes, dont la SEP. Une étude de cohorte récente de la Kaiser Permanente en Californie confirme l’absence de lien entre vaccination HPV et maladies démyélinisantes [4].
En France, une première étude cas témoin a comparé 211 patientes atteintes de MAI à 875 témoins : cette étude montre l’absence de lien entre la vaccination HPV et le risque de toute MAI, de SEP et de connectivite [5].
Enfin, une étude a été réalisée par l’ANSM à partir des bases de données de l’assurance maladie (SNIRAM) [6]. Il s’agit d’une étude observationnelle longitudinale de type exposé (au vaccin anti-HPV) / non exposé parmi les jeunes filles âgées de 13 à 16 ans entre 2008 et 2012, identifiées et suivies à partir des données du système national inter-régimes de l’assurance maladie (SNIIRAM), en particulier les données de consommation inter-régimes (DCIR) chaînées aux données d‘hospitalisations du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI).
Les jeunes filles ont été incluses dans la cohorte le 1er janvier 2008, ou à leur 13e anniversaire si celui-ci survenait plus tard. Elles ont été suivies jusqu’au 31 décembre 2013, ou jusqu’à leur 17e anniversaire.
Toute jeune fille ayant bénéficié d’un remboursement de vaccin Gardasil® ou Cervarix® au cours du suivi a été considérée comme exposée. Quatorze maladies pouvant être dues à un processus auto-immun ont été sélectionnées:
- affections démyélinisantes du système nerveux central et syndrome de Guillain Barré ;
- affections rhumatologiques : lupus localisé ou systémique, vascularites, polyarthrite rhumatoïde, myosite ou dermatomyosite, syndrome de Gougerot-Sjögren ;
- affections hématologiques : purpura thrombopénique immunologique ;
- affections endocriniennes : diabète de type 1, thyroïdites, pancréatites ;
- affections gastro-intestinales : maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, maladie coeliaque.
Cette étude montre l’absence de lien statistique entre la vaccination HPV et les MAI, notamment les maladies démyélinisantes du système nerveux central pour lesquelles le risque relatif (en étude multivariée) est de 1,05 (0,79 ; 1,40 p= 0,72. Deux pathologies font exception : les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, avec un risque relatif à la limite de la significativité : 1,19 (1,02 ; 1,39 p = 0,032) considéré par les auteurs de l’étude comme un probable artéfact. La seconde pathologie qui apparaît liée à la vaccination est le syndrome de Guillain Barré (SGB) avec un risque relatif nettement significatif : 4 (1,84 ; 8,69 p< 0,001). Ceci représenterait 1 à 2 cas supplémentaire de SGB pour 100 000 personnes vaccinées.
On sait que toute stimulation du système immunitaire, notamment une infection, peut déclencher l’apparition d’un SGB. Un lien possible avec les vaccinations a été suggéré, notamment la vaccination antigrippale pour laquelle une augmentation du risque de l’ordre de 1/ 1 000 000 de sujets vaccinés est admise [7].
Au total, cette étude de forte puissance et d’excellente qualité méthodologique est rassurante pour ce qui concerne l’absence de liens entre la vaccination HPV et les MAI, confirmant en cela les études antérieures. Le lien avec le SGB, de portée limitée, semble peu contestable au vu de cette étude, bien qu’il ne soit apparu dans aucune des études antérieures, qui n’avaient sans-doute pas la puissance nécessaire à le démontrer. Malgré tout, ce lien nécessite d’âtre confirmé par d’autres études. A ce jour, une étude (non publiée) réalisée au Canada n’a pas retrouvé de lien entre vaccination HPV et SGB.
Références
- Siegrist CA, Lewts EM, Eskola J, & al. Human papillomavirus immunization in adolescents and young adults. A cohort study to illustrate what may be mistaken for adverse reactions. Pediatr Infect Dis J 2007; 26: 969-74.
- Chao C Klein NP, Velicer CM, & al. Surveillance of autoimmune conditions following routine use of quadrivalent human papillomavirus vaccine. J Internal Med, 2012; 271:193-203.
- Scheller NM, Svanström H, Pasternak B, & al. Quadrivalent HPV vaccination and risk of multiple sclerosis and other demyelinating diseases of the central nervous system. JAMA 2015; 313: 54-61.
- Langer-Gould A, Qian L, Tartof SY, & al. Vaccines and the Risk of Multiple Sclerosis and Other Central Nervous System Demyelinating Diseases. JAMA Neurol. 2014 Oct 20.
- Grimaldi-Bensouda L, Guillemot D, Godeau B, & al. Autoimmune disorders and quadrivalent human papillomavirus vaccination of young female subjects. J Intern Med 2014; 275: 398- 408.
- ANSM/ Assurance Maladie. Vaccins anti-HPV et risque de maladies auto-immunes. Etude pharmacoépidémiologique. Rapport final. Septembre 2015.
- Lasky T, et al. The Guillain-Barré syndrome and the 1992-1993 and 1993-1994 influenza vaccines. N Engl J Med 1998; 339 : 1797-1802.
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