L'EULAR vient de publier ses recommandations sur la fibromyalgie
La fibromyalgie est une affection qui s'exprime par :
- des douleurs musculaires ou articulaires permanentes,
- de la fatigue chronique, en particulier le matin,
- des troubles du sommeil parfois liés à un syndrome des jambes sans repos,
- des symptômes dépressifs ou des troubles anxieux,
- une incapacité à effectuer une tâche ou un exercice physique du fait de la douleur musculaire.
La fibromyalgie touche essentiellement les femmes (80 % des cas) entre 30 et 50 ans. On estime qu'environ 2 % de la population européenne serait touchée par cette maladie, mais ce chiffre repose sur des estimations peu précises.
Les recommandations européennes sur la fibromyalgie précédentes dataient de 2007, avec de faibles preuves scientifiques
Les précédentes recommandations de l'EULAR sur la fibromyalgie dataient de 2007. Peu d'études étaient disponibles à cette date ("pauvreté de l'information et des preuves scientifiques"), la fibromyalgie étant alors encore imparfaitement définie, voire refusée comme entité pathologique à part entière dans certains pays. Les recommandations 2007 de l'EULAR relevaient donc du consensus professionnel, sans pouvoir reposer sur des preuves.
Mais depuis, "un nombre considérable d'essais cliniques" a été publié. En 2015, l'EULAR a donc estimé que le temps était venu d'analyser cette nouvelle littérature pour tenter de faire le point sur l'efficacité des traitements médicamenteux et non médicamenteux dans la prise en charge de la fibromyalgie.
Cette révision a été publiée en juillet 2016 dans la revue Annals of Rheumatic Diseases (revue tenue conjointement par le BMJ et l'EULAR).
Une analyse des études à la lumière de 4 critères d'évaluation
En 2015, des experts de l'EULAR provenant de 12 pays européens ont sélectionné 107 revues ou méta-analyses à partir de 275 articles, eux-mêmes triés à partir d'une base de plus de 2 000 publications.
À ces 107 revues ou méta-analyses, les experts de l'EULAR ont appliqué une grille d'analyse qui retenait 4 critères d'évaluation pour une éventuelle efficacité thérapeutique :
- une diminution du syndrome douloureux,
- une diminution de la fatigue chronique ressentie,
- une amélioration du sommeil,
- un diminution du handicap induit par la fibromyalgie sur la vie quotidienne.
La recommandation globale d'une prise en charge personnalisée et multidisciplinaire
Les experts de l'EULAR recommandent tout d'abord que chaque patient reçoive un traitement adapté aux symptômes de fibromyalgie qui lui sont propres et à ses besoins.
De plus, ils insistent sur la nécessité d'éduquer le patient sur sa maladie dès le diagnostic : [édit] bien lui expliquer ses symptômes en fonction de son degré de compréhension, son traitement, puis éventuellement l'inciter à participer à des séances d'éducation thérapeutique, si elles sont possibles (en hôpital par exemple), pour qu'il intègre davantage ces données, le traitement entrepris, les adaptations éventuelles à entreprendre, renforcer la motivation, planifier l'activité physique, accroître l'autonomie, etc. [/édit]
De plus, ils font remarquer que les approches multidisciplinaires (qui utilisent plusieurs types de traitement) semblent plus efficaces pour un soulagement à court terme de la fibromyalgie et recommandent "faiblement"cette approche.
L'exercice physique, seule recommandation classée comme "forte" de l'EULAR
Selon les experts de l'EULAR, la seule modalité thérapeutique qui peut être "fortement" recommandée en première intention dans la prise en charge de la fibromyalgie est l'exercice physique. En effet, celui-ci est reconnu par les études analysées comme significativement efficace contre la douleur et le handicap fonctionnel.
L'exercice physique améliore aussi le bien-être. Il s'agit d'une thérapie non médicamentteuse peu coûteuse et avec une absence d'effets indésirables, s'il est bien pratiqué.
Les données présentées dans les études ne permettent par contre pas de distinguer les bénéfices de l'exercice aérobie de ceux liés à une amélioration de la force musculaire.
Cette recommandation d'exercice physique adapté était déjà mentionnée dans le rapport d'orientation de la HAS sur la fibromyalgie publié en 2010 et dans sa fiche Actualités & Pratique publiée en 2011.
Plusieurs thérapeutiques alternatives "faiblement"recommandées
Les pratiques de type mouvement méditatif (yoga, tai chi, qi gong, etc.) sont "faiblement" approuvées par les experts de l'EULAR, mais semblent avoir un effet positif sur le sommeil, la fatigue et la qualité de vie, alors que les pratiques de relaxation purement méditatives ont, elles, un faible effet positif sur la qualité de vie et la douleur.
Idem pour l'acupuncture (qui semble améliorer douleur et fatigue) et les cures thermales (qui pourraient soulager la douleur et améliorer la qualité de vie).
D'autres thérapeutiques alternatives non recommandées, la chiropraxie "fortement déconseillée"
Certaines pratiques alternatives ne sont pas recommandées par manque de preuves d'efficacité : biofeedback, hypnothérapie, massages, SAM-e (S-adénosyl-L-méthionine), capsaïcine, homéopathie, visualisation guidée.
Par ailleurs, la chiropraxie est fortement déconseillée pour des raisons de sécurité ("environ de 50 % des patients présentent des effets indésirables légers à modérés après une manipulation vertébrale", précisent les auteurs après avoir analysé 13 études).
En seconde intetion, la prise en charge psychothérapeutique "faiblement" recommandée
Les psychothérapies sont "faiblement" recommandées par l'EULAR, en seconde intention (voir arbres décisionnels ci-dessous), pour les patients qui présentent des troubles de l'humeur ou qui peinent à s'adapter à leur fibromyalgie. En particulier, les thérapies comportementales et cognitives ont montré une capacité faible mais significative à réduire de manière durable les symptômes douloureux et le handicap, et à soulager les troubles de l'humeur.
Des traitements médicamenteux en général "faiblement" approuvés par l'EULAR, utilisables en seconde intention si nécessaire
Les traitements médicamenteux peuvent être également envisagés en seconde intention (voir arbres décisionnels ci-dessous).
Pour les personnes chez qui les symptômes douloureux sont prédominants, certaines substances sont "faiblement" recommandées par les experts de l'EULAR : duloxétine, prégabaline, tramadol.
Chez celles qui souffrent de troubles du sommeil importants, l'amitryptiline, la cyclobenzaprine (non commercialisée en France) et la prégabaline sont également « faiblement » recommandées.
Les experts de l'EULAR déconseillent "faiblement" les AINS, les IMAO et les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine du fait de leur manque d'efficacité, mais déconseillent "fortement" l'hormone de croissance humaine, l'oxybate de sodium, les antalgiques opiacés de niveau 3 et les corticostéroïdes, du fait de leurs profils en termes d'effets indésirables et du manque de preuves en termes d'efficacité.
Aucune donnée n'est disponible sur les cannabinoïdes, ni sur les substances antipsychotiques dans cette indication.
Un arbre décisionnel récapitulatif qui place les traitements non médicamenteux en première intention
Un arbre décisionnel est proposé dans les recommandations de l'EULAR, qui place les traitements non médicamenteux en première intention (exercice physique) dans la prise en charge de la fibromyalgie :
En cas d'échec de cette prise en charge, un traitement additionnel individualisé est recommandé (cf. deuxième arbre décisionnel ci-dessous). Les traitements pharmacologiques devraient, selon les auteurs, être réservés aux patients chez qui ces thérapies physiques n'ont pas permis d'améliorer significativement les symptômes et la qualité de vie :
Des pistes de recherche pour mieux prendre en charge la fibromyalgie
Les experts de l'EULAR terminent leurs recommandations en proposant des pistes de recherche pour une meilleure prise en charge de la fibromyalgie. En particulier :
Les experts de l'EULAR terminent leurs recommandations en proposant des pistes de recherche pour une meilleure prise en charge de la fibromyalgie. En particulier :
- quels types d'exercice physique pour une plus grande efficacité de ce traitement ?
- peut-on prédire l'efficacité d'une modalité thérapeutique selon les caractéristiques d'un patient ?
- quels traitements en cas de comorbidité avec l'arthrose ?
- quand associer un traitement médicamenteux à des traitements non médicamenteux ?
Pour aller plus loin
Les recommandations de l'EULAR sur la fibromyalgie, juillet 2016.
Macfarlane GJ et al. « EULAR revised recommendations for the management of fibromyalgia », Ann Rheum Dis doi:10.1136
Le rapport d'orientation de la HAS sur la fibromyalgie, juillet 2010.
Syndrome fibromyalgique de l'adulte
La fiche Actualités & Pratique de la HAS sur la fibromyalgie, juin 2011.
Fibromyalgie de l'adulte : favoriser une prise en charge précoce et graduée
Sur VIDAL.fr :
Douleur de l'adulte
Prise en charge de la douleur, en particulier chronique et rebelle : quelles évolutions ? Interview du Pr Alain Serrie (juillet 2015)
Sources
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