
Photomicrographie de filaments fongiques invasifs (illustration @Nephro sur Wilimedia).
Nouveau principe actif de la classe des antimycosiques systémiques
CRESEMBA est un médicament antimycosique systémique dont le principe actif est une nouvelle substance de la classe des antifongiques azolés, l'isavuconazole.
Dérivé triazolé à large spectre, l'isavuconazole correspond à la fraction active du sulfate d'isavuconazonium.
Son activité fongicide repose sur le blocage de la synthèse de l'ergostérol, un composant essentiel de la membrane des cellules fongiques.
Classé comme médicament orphelin, CRESEMBA a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne dans le traitement chez l'adulte de :
- l'aspergillose invasive qui représente 20 à 50 % des infections fongiques invasives (IFI) et dont la mortalité actuelle est de 40 à 70 % (100 % en l'absence de traitement),
- la mucormycose, (rare : 1,5 % environ des IFI, mais grave : mortalité de 45 à 95 %), chez les patients pour lesquels le traitement par amphotéricine B est inapproprié.
Dans l'aspergillose invasive, l'isavuconazole a été non inférieur au voriconazole
L'étude de phase III SECURE est un essai de non infériorité de l'isavuconazole versus voriconazole réalisé chez 516 patients ayant une aspergillose invasive mycologiquement prouvée ou probable et n'ayant pas reçu de prophylaxie à base d'antifongique azolé.
La non infériorité de l'isavuconazole par rapport au voriconazole a été démontrée (borne supérieure de l'IC95% inférieure à la borne de non infériorité [10 %] définie dans le protocole) sur le taux de mortalité toutes causes 42 jours après le début du traitement (critère principal de jugement) [Tableau I].
Tableau I - Etude ESCURE - Mortalité toutes causes au 42e jour
Isavuconazole | Voriconazole | Différence ajustée | |||
n | n (%) | n | n (%) | ISA-VRC (%) IC95% | |
ITTm (analyse principale) | 258 | 48 (18,6) | 258 | 52 (20,2) | -1,0 [-7,759 ; 5,683] |
ITTpp | 143 | 28 (19,6) | 129 | 30 (23,3) | -2,6 [-12,184 ; 6,916] |
ITTmy | 123 | 23 (18,7) | 108 | 24 (22,2) | -2,7 [-12,893 ; 7,542] |
PP-ITTm | 108 | 16 (14,8) | 96 | 19 (19,8) | -5,1 [-15,166 ; 5,024] |
Dans son avis du 16 mars 2016, la Commission de la transparence fait remarquer que " Ces résultats doivent cependant être interprétés avec précaution en raison du nombre important d'arrêts prématurés de traitement (plus de la moitié des patients), du seuil discutable de la borne de non infériorité choisie (10% en termes de mortalité) et de l'absence de suivi pharmacologique pour le voriconazole."
Elle estime que, s'agissant d'une étude de non infériorité dans une maladie ayant une mortalité importante, le critère de jugement principal aurait dû être la réponse clinique globale, plus pertinente cliniquement. Sur ce critère, les résultats ont été en faveur du voriconazole.
Les arrêts de traitement pour cause de réponse thérapeutique insuffisante et les décès dûs à une infection ont été plus nombreux dans le groupe isavuconazole, où sont par ailleurs survenus les 3 décès liés à une infection fongique.
Des données très limitées dans le traitement de la mucormycose
L'étude observationnelle ouverte de phase III, VITAL, visait à décrire l'efficacité et la tolérance de l'isavuconazole dans le traitement de l'aspergillose invasive chez des patients ayant une insuffisance rénale modérée à sévère et dans le traitement d'IFI rares telles que la mucormycose
Les critères d'évaluation principaux étaient la réponse globale (partielle ou complète) en fin de traitement et la mortalité toutes causes confondues à 42 et 84 jours de traitement.
Dans la population des patients ayant une aspergillose invasive (n = 24 dont 20 insuffisants rénaux), le pourcentage de réponse globale en fin de traitement a été de 34,8 % (8/23) et le taux de mortalité toutes causes à été de 12,5 % (3/24) au 42e jour après le début du traitement.
Pour les patients présentant une mucormycose prouvée (n = 32) ou probable (n = 5), le pourcentage de réponse globale en fin de traitement a été de 31,4 % (11/35) et le taux de mortalité toutes causes au 42e jour après le début du traitement de 37,8 % (14/37).
Dans le sous-groupe des patients précédemment traités par l'amphotéricine B et/ou le posaconazole/voriconazole, 4 patients réfractaires (sur 11) et 1 patient intolérant (sur 5) ont obtenu une réponse globale en fin de traitement.
Ces données sont très limitées et, selon la Commission de la transparence, "L'amphotéricine B reste actuellement le traitement le mieux documenté dans cette indication et l'AMM de l'isavuconazole a été restreinte aux patients pour lesquels le traitement par amphotéricine B est inapproprié. Chez ces patients, l'absence de données comparatives versus amphotéricine B ou posaconazole peut être regrettée."
Des données de tolérance limitées mais globalement meilleures que celles du voriconazole
Bien qu'encore limitées, les données de tolérance disponible pour l'isavuconazole semblent en accord avec le profil attendu pour un antifongique azolé, notamment en termes de perturbations de la fonction hépatique et d'atteintes cutanées.
Les effets indésirables (EI) les plus fréquents au cours des essais cliniques (> ou = 20 %) ont été les suivants : élévation des tests de la fonction hépatique, nausées, vomissements, dyspnée, douleurs abdominales, diarrhée, réactions au site d'injection, céphalées, hypokaliémies et éruptions cutanées.
Dans l'étude comparative SECURE, l'isavuconazole a globalement été mieux toléré que le voriconazole, avec moins d'effets indésirables hépatiques (9 % versus 16 %), oculaires (15 % versus 27 %) ou cutanés (34 % versus 43 %).
S'agissant des EI considérés comme liés au traitement, ils ont également été moins fréquents dans le groupe isavuconazole (42 % versus 60 %), à l'exception des EI repiratoires de type dyspnée (6 % versus 2 %).
Concernant les données de résistance, les mécanismes impliqués semblent similaires à ceux des autres antifongiques azolés, suggérant des résistances croisées. L'isavuconazole semble efficace sontre les Mucorales résistants au voriconazolemais inactif sur les Aspergillus résistants au voriconazole.
Certains risques particuliers sont à considérer, comme les réactions d'hypersensibilité, les réactions cutanées sévères, dont le syndrome de Stevens-Johnson, les effets cardiovasculaires, dont le raccourcissement de l'intervalle QT (concentration dépendant) ou la toxicité hépatique.
Ils font partie des risques importants, identifiés ou potentiels, suivis dans le cadre du plan de gestion des risques (PGR) associé à l'AMM de CRESEMBA. Cette surveillance supplémentaire permettra l'identification rapide de nouvelles informations relatives à la sécurité.
Les professionnels de santé déclarent tout effet indésirable suspecté.
Un SMR important, sans ASMR
Dans son avis du 16 mars 2016, la Commission de la transparence (CT) estime que CRESEMBA apporte un service médical rendu (SMR) important dans l'aspergillose invasive où l'isavuconazole représente un avantage en termes de tolérance, notamment chez l'insuffisant rénal et en particulier chez un nombre limité de patients pour lesquels le voriconazole ne pourrait être utilisé.
Dans le traitement de la mucormycose, IFI grave mais rare (environ 50 patients concernés/an), le CT estime que CRESEMBA apporte également un SMR important chez les patients pour lesquels le traitement par amphotéricine B est inapproprié compte tenu du peu de données disponibles, basées sur une étude observationnelle ouverte portant sur 37 patients.
Dans ces deux indications, la Commission considère que CRESEMBA n'apporte pas d'amélioration de SMR (ASMR V).
CRESEMBA en pratique
CRESEMBA est commercialisé sous 2 présentations :
- l'une pour l'administration orale, en gélule à 100 mg d'isavuconazole ;
- l'autre pour l'administration parentérale, en poudre pour solution à diluer pour perfusion IV (intraveineuse) à 200 mg.
- Un schéma posologique comportant une dose de charge et une dose d'entretien
La dose d'entretien correspond à 200 mg d'isavuconazole 1 fois par jour (2 gélules ou un flacon après reconstitution et dilution), en commençant entre 12 et 24 heures après la dernière dose de charge.
La durée du traitement est déterminée en fonction de la réponse clinique du patient.
Le rapport bénéfice/risque doit être réévalué dès que le traitement se prolonge au-delà de 6 mois.
Du fait de sa biodisponibilité orale élevée (98 %), le passage de l'administration par voie intraveineuse à l'administration par voie orale est approprié lorsque la situation clinique est indiquée.
- Modalités d'utilisation de la présentation injectable : reconstitution et dilution
CRESEMBA doit être reconstitué avec 5 mL d'eau PPI (pour préparation injectable). Cette première étape est suivie d'une dilution avec une solution de NaCl 0,9 % ou de glucose à 5 %. La concentration de la solution à administrer est d'environ 0,8 mg/mL d'isavuconazole.
La perfusion doit durer au minimum 1 heure afin de réduire le risque de réactions. Elle doit être réalisée à l'aide d'un set de perfusion avec un filtre en ligne doté d'une membrane microporeuse en polyéthersulfone (PES) dont le diamètre des pores varie entre 0,2 µm et 1,2 µm.
Avant reconstitution, CRESEMBA injectable est à conserver au réfrigérateur, entre 2 et 8 °C.
Après reconstitution, la stabilité physicochimique de la solution reconstituée, diluée a été démontrée pendant 24 heures entre 2 °C et 8 °C, ou pendant 6 heures à température ambiante.
Toutefois, du point de vue microbiologique, le produit doit être utilisé immédiatement.
- Attention aux interactions et aux contre-indications
- chez les patients ayant des antécédents familiaux du syndrome du QT court ;
- avec le kétoconazole (puissant inhibiteur du CYP3A4/5) car ce médicament peut augmenter considérablement les concentrations plasmatiques d'isavuconazole ;
- avec des médicaments inducteurs puissants du CYP3A4/5 ;
- avec une dose élevée de ritonavir.
L'association avec d'autres médicaments inhibiteurs du CYP3A4/5 que le kétoconazole nécessite la prudence car cette situation expose à un risque accru d'effets indésirables.
De même, la coadministration doit être évitée avec des inducteurs faibles du CYP3A4/5 (prednisone).
Une surveillance des enzymes hépatiques doit être envisagée selon la situation clinique, en raison d'une élévation possible des taux de transaminases hépatiques.
Cas de l'insuffisant rénal
Contrairement au voriconazole, CRESEMBA peut être utilisé chez les patients présentant une fonction rénale réduite, pour lesquels il représente une alternative aux traitements de 1re intention (voriconazole IV, amphotéricine B liposomale en cas de contre-indication au voriconazole, relai oral par voriconazole ou posaconazole).
Identité administrative
- Liste I
- Prescription hospitalière
- CRESEMBA 100 mg, boîte de 14 gélules, CIP 3400930039908
- CRESEMBA 200 mg injectable, flacon de 10 mL, CIP 3400930039892
- Agrément aux collectivités au titre de relais d'ATU (avis favorable de la Commission de la transparence, en attente de publication au Journal officiel)
- Laboratoire Novex Pharma
Pour aller plus loin
Avis de la Commission de la transparence (HAS, 16 mars 2016)
Synthèse d'avis de la Commission de la transparence (HAS, mars 2016)
Résumé EPAR à l'intention du public (EMA, mise à jour du 29 octobre 2015)
Pour aller plus loin
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