Le diagnostic de douleur est parfois difficile chez l'enfant. Son expression peut être particulière du fait des relations avec les soignants ou les parents (illustration).
Quel est en 2016 le périmètre d'utilisation de la codéine en pédiatrie ?
La codéine entre dans la composition de spécialités antalgiques ou antitussives.
Suite à une réévaluation européenne (nos articles du 17 juin 2013 et du 13 mai 2015), le périmètre d'utilisation de la codéine en pédiatrie a été restreint, comme suit :
- contre-indication chez les enfants de moins 12 ans,
- utilisation comme antalgique de seconde intention chez les enfants à partir de 12 ans, après échec du paracétamol et/ou d'un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS),
- contre-indication après amygdalectomie ou adénoïdectomie,
- contre-indication chez la femme qui allaite.
Ces restrictions ont été décidées suite aux décès et événements indésirables graves rapportés après son administration, principalement en post-amygdalectomie.
La plupart des décès, liés à une dépression respiratoire, sont survenus chez des enfants métaboliseurs rapides ou ultra-rapides via le cytochrome P2D6, enzyme impliquée dans le métabolisme de la codéine.
Chez ces patients, le taux du principal métabolite de la codéine, la morphine, augmente de manière trop importante dans la circulation sanguine, avec un risque accru d'effets indésirables morphiniques potentiellement fatals, notamment une dépression respiratoire.
A ce titre, la codéine est contre-indiquée, quel que soit l'âge, chez tous les patients connus comme métaboliseurs ultra-rapides CYP2D6.
En 1re intention : paracétamol et ibuprofène, seuls ou associés
Selon les recommandations de bon usage de la HAS (janvier 2016), le paracétamol et l'ibuprofène constituent les traitements de première intention en pédiatrie, en fonction de l'intensité de la douleur :
- douleur faible à modérée : paracétamol ;
- douleur aiguë modérée à intense : ibuprofène.
Focus sur l'ibuprofène : un antalgique efficace et sûr, selon la HAS
L'ibuprofène peut être utilisé chez l'enfant dès l'âge de 3 mois, dans le traitement de la douleur et de la fièvre.
Se référant au rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2012, la HAS indique que l'ibuprofène est l'anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) le mieux étudié en pédiatrie, en termes :
- d'efficacité : sa supériorité a été démontrée par rapport au paracétamol dans la douleur aiguë, ainsi que par rapport aux antalgiques de palier 2 voire 3 en traumatologie ou en traitement des douleurs post-opératoires, "contrairement à l'idée implicite induite par la classification de l'OMS en paliers" ;
- de sécurité : le profil de sécurité est comparable à celui du paracétamol, d'après des études de cohortes portant sur plusieurs dizaines de milliers d'enfants.
La HAS précise que, "prescrit aux posologies recommandées (20 à 30 mg/kg/j) par voie orale et pour une durée courte (48 à 72 heures), les effets indésirables des AINS sont rares".
- Des précautions d'utilisation toutefois nécessaires
- en cas de varicelle : l'ibuprofène (et les AINS) ne doit pas être utilisé, "même si aucun lien de causalité n'a pu être prouvé" avec les rares cas de graves complications infectieuses cutanées et des tissus mous notifiés chez des enfants atteints de varicelle traités par AINS pour fièvre et/ou douleur (Cf. Information de sécurité de l'Afssaps du 15 juillet 2004) ;
- en cas d'infection pulmonaire ou ORL sévère, d'infection bactérienne sévère, d'infection cutanée ou des tissus mous : "malgré l'absence d'études cliniques montrant un lien entre l'utilisation des AINS et des risques majorés d'infection" ;
- en cas de risque hémorragique ou trouble de la coagulation : une évaluation de la balance bénéfice/risque doit préalablement être réalisée par le prescripteur ;
- en cas de risque de déshydratation (pouvant favoriser une insuffisance rénale) : "une déshydratation doit être prévenue ou corrigée avant l'utilisation d'AINS".
- Des contre-indications spécifiées dans le résumé des caractéristiques du produit des AINS
- insuffisance rénale, hépatique ou cardiaque sévère ;
- antécédents d'hémorragie ou de perforation digestive au cours d'un précédent traitement par AINS ;
- hémorragie gastro-intestinale, hémorragie cérébro-vasculaire ou autre hémorragie en évolution ;
ulcération gastro-duodénale.
Tramadol et morphine : réservés aux douleurs intenses ou aux échecs des antalgiques de palier 1
Deux autres alternatives antalgiques sont citées par la HAS :
- le tramadol, antalgique de palier 2, chez l'enfant de plus de 3 ans, pour la prise en charge d'une douleur intense d'emblée ou en cas d'échec du paracétamol ou de l'ibuprofène. La HAS met en garde sur les risques d'événements indésirables graves pouvant survenir avec ce principe actif, étant donné que son métabolisme fait intervenir le CYP2D6 comme la codéine ;
- la morphine orale, antalgique de palier 3, en cas de douleurs intenses ou d'échec des autres antalgiques. Ce traitement nécessite une surveillance médicale (1 heure), en particulier après la première administration.
(a) : en LI posologie prescrite et augmentée en fonction de la douleur, en principe au maximum 400 mg/j ; (b) : doses initiales chez un enfant naïf de morphine, l'adaptation des posologies se fait ensuite selon la douleur avec des augmentations de 50 %/24 h (et jusqu'à 100 %/24 h pour des prescripteurs expérimentés), sans dosage maximal, la posologie à atteindre étant celle qui soulage la douleur sans entraîner d'effets indésirables gênants; (c) : en cas de douleur très intense et en fonction de la situation clinique.
Douleurs aiguës ou prolongées : quelle prise en charge choisir ?
Dans ses Recommandations de bonne pratique, la HAS propose 2 tableaux d'aide à la décision thérapeutique en fonction de l'intensité de la douleur et de la situation clinique de l'enfant :
- l'un concerne les douleurs aiguës (page 4 du document) : douleur post-opératoire, douleur aux urgences, infections ORL, stomatites ;
- l'autre, les douleurs prolongées et/ou chroniques, à l'exception des douleurs neuropathiques (page 5 du document) : douleur d'origine cancéreuse, douleur chronique non cancéreuse non expliquée, crises vaso-occlusives et douleurs aiguës récentes, migraines, céphalées de tension et céphalées chroniques.
Nalbuphine et oxycodone : des alternatives à étudier en pédiatrie
La HAS conclut son travail en évoquant deux autres substances antalgiques de palier 3, la nalbuphine et l'oxycodone, qui pourrait être proposées en cas d'échec, de contre-indications ou d'événements indésirables graves avec les autres molécules antalgiques : "Toutefois, leur utilisation en pédiatrie nécessite des études".
Actuellement, la nalbuphine est uniquement disponible à l'hôpital, sous forme injectable.
Selon l'autorisation de mise sur le marché de ces spécialités, la nalbuphine peut être utilisée par voie intraveineuse à partir de 18 mois en cas de douleurs intenses et/rebelles aux antalgiques de niveau plus faible. Elle est d'usage plus rare et hors AMM par voie intrarectale.
Quant à l'oxycodone (OXYCONTIN, OXYNORM, OXYNORMORO), cet antalgique ne dispose pas d'AMM en pédiatrie.
Pour aller plus loin
Communiqué - Prise en charge médicamenteuse de la douleur chez l'enfant : alternatives à la codéine (HAS, 25 février 2016)
Recommandations de bonne pratique - Fiche mémo - version validée en janvier 2016 (HAS)
Rapport d'élaboration - version validée en janvier 2016 (HAS)
Sur Vidal.fr
Les spécialités contenant de la codéine sont contre-indiquées au cours de l'allaitement (22 décembre 2015)
Codéine chez les enfants dans le traitement de la toux : les restrictions d'utilisation sont applicables au niveau européen (13 mai 2015)
Diclofénac, codéine en pédiatrie, hydroxyéthylamidon : les recommandations du PRAC (17 juin 2013)
VIDAL Reco Douleur de l'enfant
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