
Faut-il enfreindre le secret médical en cas de suspicion de radicalisation ? Si oui, de quelle manière ?
Comment repérer un patient en voie de radicalisation, ou déjà radicalisé ?
Pour répondre à cette situation délicate, le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) a publié, le jour même de la présentation du guide "Soins et laïcité au quotidien", une note de 5 pages intitulée "Prévention de la radicalisation : ce qu'il faut retenir" accompagnée d'un "kit de formation" générique publié par le Comité interministériel de prévention de la délinquance.
Ce document cite, en introduction, la définition de la radicalisation de Farhad Khosrokhavar, sociologue franco-iranien : "un processus par lequel un individu adopte une forme violente d'action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste l'ordre établi sur le plan politique, social ou culturel".
L'Ordre rappelle que ce processus de radicalisation violente ne doit pas être confondu avec le fondamentalisme religieux et définit la radicalisation par 3 caractéristiques cumulatives :
- Un processus progressif
- L'adhésion à une idéologie extrémiste
- L'adoption de la violence.
Pour aider les professionnels de santé, cette note contient un tableau, reproduit ci-dessous, répertoriant des "indicateurs de basculement dans la radicalisation" :

Que faire dans une telle situation ? Trois possibilités liées au contexte de cette détection synthétise l'Ordre
- Médecin qui reçoit des confidences d'un patient avec un lien familial ou affectif avec une personne en voie de radicalisation ou radicalisée : le CNOM préconise de lui conseiller de se rapprocher du CNAPR (Centre National d'Assistance et de Prévention de la Radicalisation), soit via ce numéro vert et gratuit 0800 00 56 96, du lundi au vendredi de 9h00 à 18h00 (les écoutants sont spécialement formés à la prévention de la radicalisation), soit en remplissant ce formulaire en ligne sur le site du ministère de l'Intérieur.
- Médecin confronté à la situation d'un patient mineur en voie de radicalisation ou radicalisé : le CNOM rappelle qu'"il s'agit d'une situation où la loi prévoit une dérogation à l'obligation de respecter le secret professionnel". Le médecin peut donc prévenir, tout d'abord, le père, la mère ou toute autre personne exerçant l'autorité parentale. Puis il peut transmettre à la Cellule de recueil des Informations Préoccupantes (CRIP) les informations strictement nécessaires concernant le mineur.
- Médecin confronté à la situation d'un patient majeur en voie de radicalisation ou radicalisé : le CNOM souligne que "le médecin est tenu au respect du secret professionnel par la loi et le code de déontologie médicale". Mais le médecin peut "craindre un comportement dangereux de la part du patient" et est donc invité, "au cas par cas", "à se tourner vers les conseils départementaux pour solliciter avis et conseils".
Réserves face à ces possibilités de levée du secret médical
Parce que le secret médical est au cœur de la déontologie, certains praticiens se sont élevés contre cette initiative, qui sous-entend la possibilité pour le médecin de dénoncer un patient en levant le secret médical.
Éric Henry, président national du Syndicat des médecins libéraux, interrogé par Le Figaro sur cette mesure, "appelle tous (ses) confrères à la prudence face à cette note. Certes, nous sommes en État d'urgence, mais cela n'autorise pas tout !".
Pour aller plus loin :
La note "Prévention de la radicalisation : ce qu'il faut retenir" du Conseil national de l'Ordre des médecins, 9 décembre 2014.
Le kit de formation « Prévention de la radicalisation » du Comité interministériel de prévention de la délinquance
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