
Maladie de Crohn : inflammation granulomateuse du colon sur une biopsie endoscopique (illustration @Nephron, sur Wikimedia).
Le 20 novembre 2015, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a octroyé une recommandation temporaire d'utilisation (RTU) à la spécialité STELARA solution injectable (ustekinumab) dans le traitement de la maladie de Crohn modérée à sévère chez les patients adultes en échec à l'infliximab (REMICADE), à l'adalimumab (HUMIRA) et au védoluzimab (ENTYVIO), ou qui sont intolérants, ou qui ont une contre-indication à ces traitements (voir VIDAL Reco "Maladie de Crohn").
Cette RTU a été octroyée pour une durée de 3 ans, renouvelable, aux présentations de STELARA solution injectable en flacon à 45 mg et en seringue préremplie à 90 mg.
Une 3e présentation de STELARA en seringue préremplie à 45 mg, actuellement disponible, n'est pas concernée par cette RTU.
EDIT du 20 juin 2016 : les spécialités STELARA 45 mg solution injectable en flacon et STELARA 90 mg solution injectable en seringue préremplie sont prises en charge pour une durée de 3 ans dans l'indication de la RTU. Pour chaque patient, le médecin-conseil et le médecin traitant évaluent conjointement l'opportunité médicale du maintien de la prescription de la spécialité au moment où la troisième dose doit être administrée. (Journal officiel du 17 juin 2016) /EDIT
STELARA dans la maladie de Crohn : les données diponibles
"La RTU a pour objet de sécuriser la prescription d'un médicament dans une indication ou des conditions d'utilisation non conformes à son AMM en vue de répondre aux besoins spéciaux d'un patient et dès lors que le rapport bénéfice/risque du médicament est présumé favorable dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées".
Pour évaluer le rapport bénéfice/risque de STELARA dans la maladie de Crohn, l'ANSM s'est appuyée sur 2 essais cliniques de phase II, multicentriques, randomisés, en double aveugle versus placebo :
- l'étude C0379T07 de phase IIa, menée chez 131 patients présentant une maladie de Crohn active modérée à sévère, avait pour objectif d'évaluer la proportion de patients présentant une réponse clinique à la semaine 8 (diminution du score CDAI [voir tableau I] >= 25% et >= 70 points par rapport à la baseline).
- l'étude CERTIFI (C0743T26) de phase IIb, menée chez 526 patients présentant une maladie de Crohn active modérée à sévère, en échec de traitement par anti-TNF alfa, avait pour objectif d'évaluer la proportion de patients présentant une réponse clinique à la semaine 6 (diminution du score CDAI >= 100 points par rapport à la baseline).
Tableau I - Score CDAI : indice d'activité de la maladie de Crohn
* : le score CDAI repose sur 8 facteurs multipliés par un facteur de pondération puis additionnés. Un CDAI inférieur à 150 correspond à une maladie de Crohn inactive ; compris entre 150 et 450 à une maladie de Crohn active ; supérieur à 450 à une maladie de Crohn sévère.Critères | Facteur de pondération |
Nombre de selles non moulées au cours des 7 derniers jours | x 2 |
Douleurs ventrales au cours des 7 derniers jours
(0 = aucune, 1 = légères, 2 = moyennes, 3 = fortes)
|
x 5 |
Etat général au cours des 7 derniers jours (0 = bon, 1 = moyen, 2 = mauvais, 3 = très mauvais, 4 = insupportable) |
x 7 |
Complications (1 point par complication) :
|
x 20 |
Traitement symptomatique de la diarrhée | x 30 |
Résistance abdominale (0 = non, 2 = douteuse, 5 = sûre) |
x 10 |
Déviation de l'hématocrite de 47% chez les hommes et de 42% chez les femmes | x 6 |
Déviation du poids standard en pourcentage | x 1 |
Les résultats de ces études "suggèrent que l'ustekinumab pourrait induire une réponse clinique chez les patients atteints de maladie de Crohn modérée à sévère" (voir Tableau II).
Tableau II - Synthèse des résultats des études C0379T07 et CERTIFI (C0743T26)
Etude | N | Posologie et durée | Critères d'évaluation | Résultats |
C0379T07 phase 2a |
131 | IV : 4,5 mg/kg à S0 SC : 90 mg à S0, S1, S2, S3 |
Réponse clinique à S8 : baisse du score CDAI >= 25 % et >= 70 points vs baseline |
IV 50 % vs Placebo 30 % SC 48 % vs Placebo : 50 % NS |
CERTIFI (C0743T26) phase 2b |
526 | Induction IV : 1, 3 ou 6 mg/kg à S0 Entretien SC : 90 mg à S8 et S16 |
Réponse clinique à S6 : baisse du score CDAI >= 100 vs baseline |
1 mg/kg : 36,6 % 3 mg/kg : 34,1 % 6 mg/kg : 39,7 % placebo : 23,5 % p = 0,021, 0,057 et 0,05 vs placebo respectivement |
D'autres études d'efficacité et de sécurité de STELARA dans la maladie de Crohn sont en cours. Les résultats issus de 3 essais cliniques de phase III multicentriques, randomisés en double aveugle sur des groupes parallèles, contrôlés versus placebo sont attendus fin 2015.
Dans ces essais, la phase d'induction est réalisée avec la forme injectable IV de STELARA.
"Des données préliminaires soumises par les laboratoires Janssen-Cilag sont en faveur d'une meilleure efficacité de la dose d'induction administrée par IV versus la vois sous-cutanée".
En pratique : modalité d'utilisation de STELARA dans la maladie de Crohn
Selon la RTU, la décision de traiter un patient atteint d'une maladie de Crohn par STELARA doit être prise collectivement au cours d'une réunion de concertation spécialisée formalisée et tracée.
Les patients ne pouvant être inclus dans un essai clinique en cours avec STELARA en France sont exclus de la RTU.
- Posologies d'initiation et d'entretien
Il comprend :
- une dose d'initiation calculée en fonction du poids du patient et administrée en perfusion intraveineuse avec STELARA 45 mg en flacon. La dose d'ustekinumab recommandée est d'environ 6 mg/kg (260 mg pour les patients de 55 kg ou moins, 390 mg pour les patients de plus de 55 kg et de 85 kg ou moins, et 520 mg pour un poids supérieur à 85 kg) ;
- la dose d'entretien recommandée est de 90 mg, en injection sous-cutanée (avec STELARA 90 mg en seringue préremplie). La première dose est administrée 8 semaines après la dose d'initiation. Les doses suivantes sont administrées toutes les 8 à 12 semaines selon l'appréciation du médecin.
- Précautions d'emploi et surveillance pendant le traitement
Les patients ne doivent pas prendre les médicaments suivants lors de leur traitement par STELARA :
- agents immunomodulateurs autres que 6-MP/AZA (6-mercaptopurine/azathioprine) ou MTX (méthotrexate), incluant mais non limités à : 6-TG, cyclosporine, tacrolimus, sirolimus, mycophénolate mofétil) ;
- agents biologiques immunomodulateurs (incluant, mais non limités à : anti-TNF, natalizumab, abatacept, vedolizumab) ;
- traitements expérimentaux dans la maladie de Crohn.
Une prescription hospitalière réservée à certains spécialistes
La RTU prévoit que la prescription de STELARA dans le traitement de la maladie de Crohn soit hospitalière et réservée aux spécialistes en hépatogastro-entérologie ou en médecine interne.
La mention "prescription sous RTU" doit être indiquée sur l'ordonnance.
Pour chaque RTU, les prescripteurs s'engagent à respecter le protocole de suivi de STELARA qui définit les critères de prescription, la procédure de suivi et les conditions de remontée d'information et de suivi.
Un exemplaire de ce protocole de suivi et de ses annexes, qui mentionne par ailleurs la date d'entrée en vigueur de la RTU (25 novembre 2015), est disponible sur le site Internet de l'ANSM et mis à la disposition des professionnels de santé concernés par le laboratoire JANSSEN-CILAG.
Selon la procédure habituelle de prise en charge dans le cadre des RTU, un arrêté ministériel devrait être prochainement publié au Journal officiel afin d'autoriser le remboursement de STELARA dans le cadre de son utilisation dans le traitement de la maladie de Crohn, en conformité avec la RTU.
Pour mémoire : STELARA en France
Le principe actif de STELARA est l'ustekinumab, un anticorps monoclonal inhibiteur des interleukines IL-12 et IL-23, entièrement humain.
Disponible en France depuis juillet 2009, STELARA (ustekinumab) dispose d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les indications suivantes :
- dans le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère :
- chez l'adulte qui n'a pas répondu, ou qui présente une contre-indication, ou qui est intolérant aux autres traitements systémiques dont la ciclosporine, le méthotrexate (MTX) ou la puvathérapie (psoralène et UVA) ;
- chez l'adolescent âgé de 12 ans et plus, en cas de réponse insuffisante ou d'intolérance aux autres traitements systémiques ou aux photothérapies ;
- dans le traitement du rhumatisme psoriasique actif chez l'adulte, seul ou en association avec le méthotrexate (MTX), lorsque la réponse à un précédent traitement de fond antirhumatismal non biologique (DMARD) a été inadéquate.
Dans ses indications d'AMM, STELARA est de prescription initiale hospitalière et annuelle.
La prescription initiale et le renouvellement sont réservés aux spécialistes en dermatologie, en médecine interne ou en rhumatologie.
Pour aller plus loin
Fiche RTU STELARA (ANSM, 23 novembre 2015)
RTU - Protocole de suivi de STELARA (ANSM, version 1, novembre 2015)
EDIT du 20 juin 2016 : Arrêté du 13 juin 2016 relatif à la prise en charge de STELARA dans le cadre de la recommandation temporaire d'utilisation et pris en application de l'article L. 162-17-2-1 du code de la sécurité sociale - Journal officiel du 17 juin 2016 /EDIT
Sur Vidal.fr
STELARA (ustekinumab) : désormais remboursable dans le rhumatisme psoriasique actif de l'adulte en seconde intention (3 novembre 2015)
Pour aller plus loin
Consultez les monographies VIDAL
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