La pratique d'une activité physique est associée à un meilleur contrôle de l'asthme de l'adulte, en particulier en hiver (illustration).
L'asthme de l'adulte, une maladie difficile à contrôler
Le contrôle de l'asthme est une difficulté permanente pour les professionnels de santé : 60 % des patients canadiens ne l'atteindraient pas, selon une étude de Chapman et coll., non disponible en ligne mais citée par les auteurs.
Idem en Europe, selon Lucia Cazoletti et son équipe qui ont noté, dans une étude épidémiologique publiée en 2007, de grandes variations selon les pays : en Islande, 20 % des patients sous corticoïdes inhalés présentaient un asthme non contrôlé, alors qu'ils étaient 68 % en Italie. En revanche, il n'y avait aucune différence géographique si le traitement ne comportait pas de corticoïdes inhalés.
Les personnes obèses ou en surpoids étaient surreprésentées dans la catégorie des patients asthmatiques incontrôlés (56 %) ou partiellement contrôlés (55 %) par rapport au groupe contrôle (38 %, p < 0,03). Toutes variables considérées, le surpoids et l'obésité étaient associés à une multiplication par 3 du risque de mauvais contrôle de l'asthme.
Evaluation de l'impact de l'activité physique de loisir sur 643 asthmatiques canadiens
Simon Bacon, Catherine Lemière et leurs collègues ont extrait les données en sous-analyse d'une cohorte longitudinale en cours à l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal (Canada) chez des patients asthmatiques.
Cette cohorte a déjà permis deux analyses montrant que le mauvais contrôle de l'asthme était associé à une augmentation du risque dépressif (Lavoie KL et coll., 2005 ; Lavoie KL et coll., 2006).
Ici, pour leur analyse, les auteurs ont ciblé l'impact de l'activité physique de loisir chez 643 patients asthmatiques (dont 387 femmes, soit 60 %) recrutés entre 2003 et 2007 à l'Hôpital du Sacré-Cœur, sans comorbidité notable (cardiopulmonaire et psychiatrique notamment).
Des patients de 53 ans d'âge moyen, asthmatiques depuis 20 ans en moyenne
Cette enquête transversale s'est faite par questionnaire téléphonique et papier (auto-administré) avec le Asthma control questionnaire (ACQ), le Asthma quality of life questionnaire (AQLQ) et un questionnaire renseignant l'activité physique des 12 derniers mois.
L'âge moyen des patients était de 53,4 ans et leur asthme durait depuis 20 ans en moyenne.
Aucune activité physique pour plus d'un tiers des patients asthmatiques évalués
Pour évaluer quantitativement l'activité physique éventuellement effectuée, les auteurs ont utilisé les "équivalents métaboliques" horaires (Metabolic Equivalent of Task, MET) : 10 MET par semaine correspondent à une marche soutenue de 30 minutes par jour pendant 5 jours, soit les recommandations internationales minimales.
Les auteurs ont constaté que les personnes sédentaires (sans aucune activité physique de loisir) étaient 245 sur 643 (38 %).
L'activité physique associée à un meilleur contrôle de l'asthme
L'activité physique moyenne était de 4,8 MET/semaine, en incluant les 245 patients sédentaires.
La pratique d'un exercice physique régulier était associée à un meilleur contrôle de l'asthme : ACQ moyen = 1,1 dans le groupe "sédentaires", 0,9 dans le groupe "exercice" (p = 0,014).
Ce contrôle de l'asthme était jugé bon ("good ACQ") chez 56 % des patients actifs, contre 47 % des patients sédentaires seulement (p = 0,034).
L'activité physique associée à d'autres aspects positifs chez les patients astmatiques
Les patients "actifs" présentaient un IMC (indice de masse corporelle) moins élevé (27,3 vs 28,9, p = 0,005) et étaient moins fréquemment fumeurs que les patients sédentaires (6 % vs 13 %, p = 0,004).
Ces patients actifs utilisaient également un peu moins de corticoïdes inhalés ("équivalents fluticasone", p = 0,058) et leur qualité de vie évaluée par l'AQLQ était estimée comme légèrement meilleure (p = 0,092, non significatif).
L'amélioration du contrôle de l'asthme plus nette pour l'activité physique plus soutenue
Les auteurs ont défini 5 groupes en fonction du niveau d'effort, en partant de zéro. Dans cette configuration, l'analyse montre une augmentation linéaire du contrôle (ACQ total) associée à l'augmentation de l'exercice physique (p = 0,037).
Ainsi, les asthmatiques les plus actifs (20 MET heure par semaine) ont presque 2,5 fois plus de chances (OR ajusté 2,47) d'être bien contrôlés que les patients sédentaires.
En hiver, l'activité physique associée à un meilleur contrôle de l'asthme
Une distinction saisonnière apparaît à l'analyse : l'association entre activité physique et ACQ (contrôle de l'asthme) est plus forte en hiver (p = 0,011) qu'en été (p = 0,039), de façon significative.
C'est un bon indice du contrôle pour Simon Bacon, bien qu'aucune donnée de la littérature ne l'évoque ni ne l'explique. Cela pourrait être liée, selon les auteurs, à un effet cumulatif annuel de l'activité physique.
Il est également possible que les patients mal contrôlés n'osent pas faire d'exercice en hiver
La nature transversale de l'enquête ne peut exclure non plus une causalité inverse : les patients les mieux contrôlés auraient davantage tendance à oser pratiquer une activité physique régulière en hiver.
En effet, l'exercice physique en hiver, quelle que soit son intensité, peut entraîner une bronchoconstriction et/ou une exacerbation de l'hyperréactivité bronchique (Mc Fadden ER et coll., 1994 ; Fruchter 0 et coll., 2009), ce qui peut s'avérer dissuasif pour un patient asthmatique, en particulier au Canada, où l'hiver est particulièrement froid et sec.
Une tendance saisonière difficile à généraliser
Malgré le biais évoqué ci-dessus, en analysant également ces résultats saisonniers en fonction de l'intensité de l'exercice, les auteurs constatent un meilleur contrôle en hiver en cas d'activité intense.
Ils avancent l'hypothèse que l'activité physique soutenue corrigerait mieux les symptômes asthmatiques de l'hiver (bronchoconstriction au froid, hyperréactivité) que ceux de l'été (exacerbations intenses possibles).
Mais ils soulignent que la généralisation de leurs résultats n''est pas possible, en raison des écarts très importants de températures à Montréal au cours d'une année (-20°C à + 20°C).
Au total, des bénéfices confirmant ceux d'autres études… mais à affiner
D'autres auteurs ont rapporté des effets bénéfiques similaires de l'activité physique sur les exacerbations, la qualité de vie et la consommation d'anti-asthmatiques (Dogra et coll., 2009).
De même, l'étude de la célèbre cohorte prospective américaine Nurse's Health Study a montré que les femmes asthmatiques ménopausées (63 ans en moyenne) subissaient d'autant moins d'exacerbations qu'elles avaient une activité physique plus soutenue, et cela de façon linéaire (Garcia-Aymerich J et coll., 2009).
Il reste cependant à établir le niveau minimal d'activité physique nécessaire pour un bon contrôle de l'asthme par la réalisation d'études longitudinales d'intervention.
En attendant ces résultats complémentaires, cette étude montre à nouveau que l'activité physique régulière est bonne pour la santé, y compris celle des patients asthmatiques, et ce malgré leurs difficultés respiratoires plus ou moins intenses et régulières.
En savoir plus :
L'étude objet de cet article :
Association between patterns of leisure time physical activity and asthma control in adult patients, Bacon SL, Lemiere C, Moullec G, et coll., BMJ Open Respiratory Research, octobre 2015
Autres études citées par les auteurs et mentionnées dans cet article (dans l'ordre) :
Patient factors associated with suboptimal asthma control in Canada: results from the reality of asthma control study, Chapman KR, Boulet LP, FitzGerald MJ, et coll., American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, 2005 (pas de résumé disponible en ligne)
Asthma control in Europe: a real-world evaluation based on an international population-based study, Cazzoletti L, Marcon A, Janson C, et coll., The Journal of allergy and clinical immunology, décembre 2007
Are psychiatric disorders associated with worse asthma control and quality of life in asthma patients?, Lavoie KL, Cartier A, Labrecque M, et coll., Respiratory Medicine, octobre 2005
What's worse for asthma control and quality of life: mood disorders, anxiety disorders, or both?, Lavoie KL, Bacon SL, Barone S, et coll., Chest, 2006
Exercise-Induced Asthma, NEJM, 1994
The role of physical activity and body mass index in the health care use of adults with asthma, Dogra S, Baker J, Ardern CI., Annals of Allergy, Asthma & Immunology, juin 2009
Prospective study of physical activity and risk of asthma exacerbations in older women, Garcia-Aymerich J, Varraso R, Anto JM, et al. American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, février 2009
Sur VIDAL.fr :
VIDAL Reco Asthme de l'adulte
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