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Fin de recommandation pour la vaccination anti-rotavirus des nourrissons : quelles sont les raisons ?

10 mai 2015 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Deux vaccins (Rotarix® et RotaTeq®) possèdent une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la prévention des infections à rotavirus.

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a recommandé la vaccination de tous les nourrissons contre les gastroentérites aiguës à rotavirus en France dans un avis daté du 29 novembre 2013 et publié le 14 février 2014. Cette vaccination ne fut pas inscrite au calendrier vaccinal français car l'admission au remboursement des vaccins et la fixation de leur prix n'avaient pas encore été déterminées. Cependant, cette procédure d'inscription ne sera plus nécessaire car le HCSP, au vu des derniers éléments du rapport bénéfices-risques, a décidé de suspendre sa recommandation de vacciner les nourrissons contre les rotavirus dans un avis daté du 21 avril 2015 et publié le 7 mai 2015.

1. Rappel sur la recommandation vaccinale initiale de vaccination contre les rotavirus de tous les nourrissons (avis du 23 novembre 2013)

Les objectifs de la recommandation vaccinale étaient de prévenir les cas de gastroentérite aiguë chez tous les nourrissons. Les gastroentérites aiguës sont des affections fréquentes et potentiellement graves chez les nourrissons. En France, elles sont responsables chaque année, chez les enfants de moins de 3 ans, de 30 000 consultations aux urgences et de 14 000 hospitalisations. Le nombre moyen de décès est évalué entre 8 et 17 par an. Aucun facteur de risque particulier n'a été identifié dans les pays industrialisés, qui justifierait de vacciner certains nourrissons.

L'avis de novembre 2013 soulignait un risque rare mais grave d'invagination intestinale aiguë, pouvant survenir dans le mois suivant l'administration de la dose vaccinale et en particulier dans un délai de 7 jours après la première dose chez ces jeunes nourrissons de moins de 6 mois.

L'invagination intestinale aiguë est dans la majorité des cas idiopathique (c'est-à-dire sans cause identifiée) ; dans de très rares cas, elle peut faire suite à une vaccination contre les rotavirus.

L'invagination intestinale aiguë est une obstruction intestinale secondaire à la pénétration d'un segment d'intestin dans le segment immédiatement en aval. Il s'agit d'une urgence chirurgicale du fait de l'occlusion intestinale et du risque de nécrose. Elle survient dans plus de 90 % des cas chez les nourrissons âgés de moins de 2 ans, avec un pic de fréquence entre le 4ème et le 9ème mois. Dans les pays industrialisés, le taux d'incidence annuel de l'invagination intestinale est de 20 à 40 cas pour 100 000 nourrissons.

Plusieurs pays de l'Union européenne recommandent la vaccination contre les rotavirus : Allemagne, Autriche, Belgique, Estonie, Finlande, Grande-Bretagne, Grèce, Lettonie, Luxembourg, Norvège, Pologne et République tchèque (pour plus d'informations, utilisez le Vaccine schedule, un outil développé par MesVaccins.net pour l'ECDC). Dans ces pays où la recommandation était déjà effective avant la recommandation française de novembre 2013, le sur-risque d'invagination intestinale aiguë avait été pris en compte. L'excès de cas d'invagination intestinale aiguë survenant après la vaccination contre les rotavirus a été évalué dans la littérature pour chacun des deux vaccins : il est de 3,5 à 6 cas pour 100 000 nourrissons vaccinés. Ce sur-risque est également noté dans le résumé des caractéristiques du produit des vaccins Rotarix® et RotaTeq®.

2. Les raisons de l'arrêt de la recommandation vaccinale française : effets indésirables post-vaccinaux rares mais graves et défaut de prise en charge

Les vaccins Rotarix® et RotaTeq® font l'objet d'un suivi national renforcé des effets indésirables par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) depuis 2012. L'intérêt est de pouvoir suivre l'évaluation du risque d'invagination intestinale aiguë dans la population pédiatrique à laquelle ils s'adressent, c'est-à-dire les enfants âgés de moins de 6 mois.

La suspension de la recommandation française fait suite à l'évolution défavorable de certains cas d'invagination intestinale aiguë. Selon le bilan national de pharmacovigilance, 47 cas d'invagination intestinale aiguë ont été notifiés depuis mai 2006, date de commercialisation du vaccin Rotarix® et janvier 2007, celle de RotaTeq®, jusqu'au 31 octobre 2014. L'évolution des cas a été défavorable dans 14 cas, nécessitant une intervention chirurgicale, tandis que deux autres nourrissons sont décédés. Pour l'un de ces décès, l'imputabilité du vaccin ne pouvait être exclue ni affirmée, le décès étant survenu une semaine après la troisième dose (le sur-risque étant documenté pour la semaine suivant la première dose). Les enquêtes conduites lors de ces deux décès indiquent que la gravité de ces cas est en grande partie liée à une prise en charge tardive de l'invagination intestinale aiguë (au-delà de 36 heures après le début des signes cliniques).

Au niveau international, une vingtaine de décès a été rapportée sur le continent américain, mais cinq seulement ont pu être documentés par rapport aux dates de vaccination et d'apparition des signes d'invagination intestinale. En dehors de ceux rapportés en France, aucun décès imputable à la vaccination à rotavirus n'a été rapporté en Europe.

Lorsque la prise en charge d'un cas d'invagination intestinale est réalisée sans délai par une équipe ayant les compétences adaptées, notamment en radiologie interventionnelle, l'évolution est constamment favorable. Mais les effets indésirables observés en France ont montré que ces conditions n'étaient pas toujours réunies. Ainsi, compte tenu de l'évolution défavorable de ces cas d'invagination intestinale aiguë et ne pouvant exclure que de telles situations se reproduisent, le HCSP a préféré suspendre la recommandation de vacciner tous les nourrissons contre les infections à rotavirus en France.

3. Autres pays européens : pas de changement des recommandations vaccinales contre les rotavirus

La France a communiqué aux autres états membres de l'Union européenne ces données de pharmacovigilance. Cependant, l'Agence européenne des médicaments (European medicines agency, EMA) n'a pas pour autant modifié les conditions de l'autorisation de mise sur le marché de ces deux vaccins, considérant que la survenue de ces effets indésirables était déjà connue et prise en compte.

4. Peut-on continuer à vacciner contre les rotavirus ?

Pour autant, les bénéfices de la vaccination anti-rotavirus demeurent. Sur le plan pratique, la vaccination des nourrissons de moins de 6 mois contre la gastroentérite à rotavirus peut toujours être pratiquée par le médecin, sous réserve d'une surveillance adaptée de l'enfant. Le praticien devra alors informer la famille de l'enfant vacciné du risque d'invagination intestinale aiguë et des signes cliniques par lesquels elle peut se manifester, à savoir : une douleur intense aiguë à début brutal, une pâleur de l'enfant, des vomissements, le refus du biberon ou encore des rectorragies (saignements digestifs), celles-ci apparaissant plus tardivement. Ces signes doivent conduire les parents à consulter sans délai un médecin pour une prise en charge rapide et adaptée. La vigilance des parents doit être renforcée dans le mois qui suit l'administration de la dose orale vaccinale et en particulier au cours de la première semaine.

5. Traçabilité de la vaccination : élément important pour la pharmacovigilance

L'administration orale de la dose vaccinale est à consigner dans le carnet de santé de l'enfant vacciné, ce qui est presque toujours le cas aujourd'hui. Les professionnels de santé qui prendront en charge tout événement indésirable post-vaccinal devront pourvoir s'y référer. Le carnet de vaccination électronique de MesVaccins.net améliore l'accès aux traces vaccinales par les citoyens et les professionnels de santé de leur choix. Il permet également à ceux-ci de bénéficier d'informations à jour et contextuelles sur la vaccination.

Il faut rappeler l'obligation pour tout professionnel de santé de déclarer tout événement indésirable post-vaccinal dont il a connaissance au Centre régional de pharmacovigilance dont il dépend. Le but est de pourvoir investiguer sans délai les cas particulièrement graves afin de déterminer leur lien par rapport à l'acte vaccinal.

L'audit vaccinal et le carnet de vaccination électronique de MesVaccins.net ont intégré ce nouvel avis dans leur système expert.

Source : Haut Conseil de la santé publique.

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