
La "RTU Baclofène" a permis de donner un cadre à la prescription de ce médicament dans la prise en charge de l'alcoolo-dépendance, après des années d'utilisation hors AMM (illustration).
La RTU (recommandation temporaire d'utilisation) du baclofène pour le traitement de la dépendance alcoolique a débuté le 17 mars 2014 (cf. notre article du 14 mars 2014).
Un an après, l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) publie donc les premiers chiffres issus des données collectées au cours des 6 premiers mois de la RTU via le portail électronique de cette RTU.
Rappel : les deux indications retenues dans le cadre de la RTU baclofène
Deux indications sont retenues dans le cadre de la RTU baclofène :
- l'aide au maintien de l'abstinence après un sevrage chez des patients dépendants à l'alcool et en échec des thérapeutiques disponibles ;
- la réduction majeure de la consommation d'alcool jusqu'au niveau faible de consommation tel que défini par l'OMS chez des patients alcoolodépendants à haut risque et en échec des autres thérapeutiques disponibles.
Au cours des 6 premiers mois (entre le 14 mars et le 16 septembre 2014), 3 570 patients ont été enregistrés, avec une prédominance masculine ; 70 % sont des hommes, âgés en moyenne de 48 ans.
Les médecins prescripteurs (679) ayant procédé à ces enregistrements sont principalement des généralistes (45 %) et des addictologues (32 %). Les psychiatres comptent pour 13 % des prescripteurs.
Peu d'arrêts du traitement, mais 43 % des patients n'ont pas fait de visite de suivi
Les traitements d'initiation représentent 39 % des dossiers enregistrés. En initiation de traitement, le baclofène est largement utilisé pour tenter de réduire la consommation d'alcool (65 % des cas).
Sur l'ensemble des patients enregistrés, seuls 57 % (2 032) ont effectué au moins une visite de suivi sur ces 6 mois et 8 % (163 patients) ont arrêté le traitement.
Efficacité prometteuse du baclofène : diminution de la consommation d'alcool et du "craving", augmentation de l'abstinence
L'efficacité du baclofène a été évalué à partir des données des 2 032 patients suivis au moins 1 fois par le médecin au cours des 6 mois.
Les données montrent une diminution moyenne de la consommation journalière d'alcool de :
- 56 g/jour chez les patients en initiation de traitement (782) ;
- 15 g/jour chez les patients traités avant le début de la RTU (1 194).
De même, les données permettant d'évaluer le craving (besoin irrépressible de consommer de l'alcool) montrent que ce comportement a évolué favorablement chez 74 % des patients en initiation et chez 45 % des patients déjà traités.
Enfin, les données montrent une évolution positive de l'abstinence chez les patients sous baclofène. Ainsi, parmi les patients en initiation de traitement, le taux de 12 % d'abstinents à l'initiation est passé à 32 % à la dernière visite renseignée.
Ces données sont donc plutôt encourageantes, dans le sens de l'intérêt porté à cette molécule par les docteurs Olivier Ameisen et Renaud de Beaurepaire dès 2006 (voir notre interview du Dr de Beaurepaire sur cette découverte, mars 2014).
La poursuite des analyses de données par l'ANSM, ainsi que la publication des résultats des essais cliniques BACLOVILLE et ALPADIR devraient permettre de confirmer, ou d'infirmer, cette efficacité.
Sécurité du baclofène : des effets indésirables parfois sévères, mais rares
Des effets indésirables ont été notifiés chez 14 % des patients (n=487), mais le baclofène ne serait en cause que pour 9 % des patients. Des effets indésirables graves potentiellement liés au baclofène ont été rapportés chez 1,1 % des patients.
Ces effets secondaires, plus ou moins graves, étaient principalement :
- des événements neurologiques (3,9 % des patients), dont des convulsions (0,2 %) ;
- des événements psychiatriques (2,9 % des patients), dont des troubles anxieux (0,3 %), des dépressions majeures (0,5 %) et des idées suicidaires (0,2 %).
Rappel des conditions de prescription du baclofène en RTU
L'ANSM rappelle que le baclofène doit être prescrit mensuellement. Pour que le patient soit remboursé (à 30 %, voir notre article), les prescripteurs doivent porter sur l'ordonnance la mention "Prescription sous RTU".
L'ANSM rappelle également les contre-indications, ainsi que les modalités d'instauration et d'arrêt du traitement (posologies progressivement croissantes, puis décroissantes), modalités que nous avions détaillées dans cet article.
Appel aux prescripteurs pour accentuer le recueil de données
En mars 2014, l'ANSM a accompagné la mise en place de la RTU par une collecte des données "en vie réelle". Pour cela, l'Agence a proposé aux prescripteurs de remplir, lors de chaque visite, une fiche de suivi électronique directement via rtubaclofene.org.
Malgré cela, ce premier bilan évoque une sous-notification des données : "au 20 mars 2015, un peu plus de 5 000 patients ont été enregistrés sur le portail de la RTU. Cette proportion semble très faible au regard de l'estimation de l'ensemble des patients traités par le baclofène dans l'alcoolodépendance", indique l'ANSM (sans préciser le nombre estimé de patients sous baclofène dans cette indication, nombre déjà estimé en 2014 à plus de 100 000 par le Dr de Beaurepaire).
L'ANSM insiste donc sur l'importance de "transmettre les données de suivi des patients via www.rtubaclofene.org afin d'optimiser le recueil des données d'efficacité et de sécurité en vie réelle".
Pour aller plus loin
RTU baclofène : Premières données collectées et rappels sur les modalités de prescription - Point d'information (ANSM, 20 mars 2015)
RTU LIORESAL 10 comprimé sécable - BACLOFENE ZENTIVA 10 mg comprimé (17 mars 2014)
Protocole de suivi des patients (ANSM, 14 mars 2014)
Sur Vidal.fr
Baclofène : l'utilisation dans les troubles du comportement alimentaire "formellement déconseillée" par l'ANSM (24 décembre 2014)
Baclofène : le remboursement est désormais autorisé dans le traitement de l'alcoolo-dépendance (13 juin 2014)
Baclofène : la recommandation temporaire d'utilisation (RTU) a été accordée. Modalités pratiques (14 mars 2014)
RTU baclofène : intérêt, modalités, gestion des restrictions et des posologies préconisées. Entretien avec le Dr Renaud de Beaurepaire (mai 2014)
Pour aller plus loin
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