Les patchs à la nicotine et deux médicaments, la varénicline et le bupropion, font partie des moyens médicaux utilisés comme aide au sevrage tabagique (illustration).
L'étude publiée dans The Lancet Respiratory Medicine est multicentrique, randomisée, réalisée en double aveugle versus placebo. Elle a été menée de novembre 2010 à septembre 2014 par des chercheurs américains dans le but d'évaluer l'efficacité de la varénicline par rapport aux patchs de nicotine, en fonction des caractéristiques individuelles de métabolisation de la nicotine.
Plus de 1 000 fumeurs non traités et souhaitant s'arrêter
Les 1 246 participants à l'étude étaient des adultes (18 à 65 ans) fumant au moins 10 cigarettes par jour depuis au moins 6 mois, et souhaitant arrêter de fumer (le recrutement a été réalisé sur la base d'un programme de sevrage tabagique gratuit).
Les patients qui fumaient d'autres produits que du tabac, utilisaient des cigarettes électroniques ou qui suivaient déjà un traitement pour le sevrage tabagique ont été exclus de l'analyse, de même que les personnes consommatrices d'alcool ou de cocaïne, les femmes enceintes, etc.
Evaluation du NMR (capacités individuelles de métabolisation de la nicotine) par recherche de métabolites dans le sang
Les chercheurs ont d'abord identifié le profil de métabolisation de la nicotine pour chaque participant, leur permettant de distinguer les métaboliseurs lents et les métaboliseurs normaux.
Pour cela, ils ont mesuré les taux sanguins de deux métabolites de la nicotine inhalée, la 3'-hydroxycotinine et la cotinine. Le ratio obtenu (NMR = nicotine metabolite ratio) a permis ainsi de refléter l'activité de l'enzyme CYP2A6, principale enzyme intervenant dans la dégradation de la nicotine. Sur 1 246 volontaires, 662 ont été classés comme métaboliseurs lents et 584 comme métaboliseurs normaux. Les données obtenues n'ont été dévoilées ni aux participants, ni aux médecins.
Comparaison de la varénicline et des patchs nicotiniques en double aveugle, versus placebo
Les participants ont ensuite été répartis en 3 groupes, recevant le traitement spécifique suivant pendant 11 semaines :
- un groupe (408 dont 215 métaboliseurs lents et 193 normaux) a reçu des comprimés placebo et des patchs placebo ;
- un groupe (418 dont 227 métaboliseurs lents et 191 normaux) a reçu des patchs de nicotine (NICODERM, laboratoire GSK) et des comprimés placebo. La posologie de nicotine était décroissante (6 semaines à 21 mg, 2 à 14 mg et 3 à 7 mg) ;
- un groupe (420 dont 220 métaboliseurs lents et 200 normaux) a reçu des patchs placebo et un comprimé de varénicline. La posologie de varénicline était croissante (conformément à l'AMM) selon un schéma à 0,5 mg pendant 3 jours, puis 0,5 mg 2 fois par jour pendant 4 jours, puis 1 mg 2 fois par jour à partir du 8ème jour.
Le suivi a duré 1 an, avec une analyse des données d'abstinence et de survenue des effets secondaires à 7 jours après l'arrêt du traitement, puis à 6 et 12 mois.
La varénicline plus efficace que les patchs chez les métaboliseurs "normaux"
Les résultats montrent une supériorité de la varénicline lorsque la nicotine est rapidement métabolisée :
- à la fin du traitement, la varénicline était le traitement le plus efficace chez les métaboliseurs normaux (OR 2·17, 95% CI 1·38–3·42; p=0·001) ;
- l'efficacité varénicline/patchs nicotinique était comparable chez les métaboliseurs lents ; par contre, le taux de survenue d'effets indésirables avec la varénicline était plus élevé chez les métaboliseurs lents.
Sous réserve de confirmation de ces données par des études complémentaires, l'identification du profil de métabolisation de la nicotine des fumeurs pourraient permettre de mieux cibler l'option thérapeutique lors du sevrage tabagique, pour obtenir une meilleure efficacité tout en limitant le risque d'effets secondaires. Il reste cependant à évaluer (du point de vue économique notamment) la possibilité de réaliser ce type de test de manière individuelle, en pratique courante.
Pourquoi la varénicline et le bupropion seraient plus efficaces chez les métaboliseurs normaux ?
Les métaboliseurs normaux représenteraient 60 % des fumeurs. Etant donné leur capacité plus importante à dégrader la nicotine, ils fument plus et présentent plus de difficultés à arrêter le tabac, par rapport aux métaboliseurs lents.
Des précédentes études ont déjà démontré l'influence du profil de métabolisation sur d'autres traitements utilisés dans le sevrage tabagique. Ces études ont démontré la supériorité du bupropion (ZYBAN) versus patchs nicotiniques chez les 25 % de métaboliseurs les plus rapides (cf. partie "discussion" de Schnoll RA et coll., 2009). Selon les auteurs, ces résultats convergeants avec ceux obtenus avec la varénicline sous-entendent une implication de mécanismes neuropharmacologiques : le circuit de la récompense serait stimulté plus intensément chez les métaboliseurs rapides, ce qui expliquerait l'efficacité supérieure de médicaments qui augmentent le taux de dopamine au niveau des voies cérébrales de la récompense).
En conclusion, les auteurs estiment que pour minimiser les éventuels effets secondaires des aides médicamenteuses du sevrage tabagique, les métaboliseurs "normaux" (60 % des fumeurs dans cette étude) devraient plutôt être traités, si besoin, par de la varénicline, tandis que les métaboliseurs "lents" devraient plutôt recevoir, là aussi si besoin, des patchs à la nicotine.
Pour aller plus loin :
Use of the nicotine metabolite ratio as a genetically informed biomarker of response to nicotine patch or varenicline for smoking cessation: a randomised, double-blind placebo- controlled trial, C Lerman et coll, The Lancet Respiratory Medicine, janvier 2015
Nicotine Metabolic Rate Predicts Successful Smoking Cessation with Transdermal Nicotine: A Validation Study, Schnoll RA et coll., Pharmacology Biochemistry and Behavior, mars 2009
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