#Médecine des voyages

Alors que la communauté internationale court toujours après l’épidémie d’Ebola, on manque encore d’une stratégie à opposer aux maladies émergentes

02 janvier 2015 Image d'une montre4 minutes icon Ajouter un commentaire
1
2
3
4
5
(aucun avis, cliquez pour noter)
Publicité
Médecine des voyages

Médecine des voyages

Selon un récent décompte, depuis le début de l'épidémie d'infection à virus Ebola apparue en Afrique de l'Ouest début 2014, 19 350 personnes ont été infectées (encore s'agit-il seulement de celles pour lesquelles un diagnostic a été effectué), et 7 518 sont mortes de leur infection. Bien que l'apparition de nouveaux cas semble s'être ralentie très récemment au Liberia, elle se maintient à un haut niveau en Guinée et surtout en Sierra Leone. Des sujets malades ou infectés, parfois rapatriés pour être soignés, sont arrivés dans plusieurs pays hors du continent africain et des transmissions secondaires ont eu lieu en Espagne et aux Etats-Unis. L'Ecosse vient de rapporter le diagnostic d'un premier cas chez une volontaire de retour de mission, et tout le monde s'accorde pour considérer que la bataille est loin d'être gagnée.

On a observé que l'infection avait souvent atteint des personnels soignants, probablement insuffisamment protégés contre la transmission du virus lors de contacts avec les malades. Mais surtout, comme en Guinée, 60 % des cas sont apparus liés à des pratiques funéraires au cours desquelles de nombreuses personnes entrent en contact avec la dépouille des défunts.

Alors que l'épidémie dure depuis un an (les premiers cas isolés sont apparus en Guinée en décembre 2013), des spécialistes commencent à en tirer les leçons (ProMED, 28 décembre 2014) :

  • Les sujets infectés doivent être diagnostiqués précocement,
  • Ils doivent être isolés et traités très activement,
  • Les sujets contacts doivent être recherchés et surveillés,
  • Les rites funéraires doivent être sécurisés,
  • Des intervenants (pas seulement des soignants) doivent être préalablement formés et disponibles en nombre suffisant,
  • Les modèles établis et largement publiés qui essayaient de prévoir la progression de l'épidémie se sont tous trompés.

On pourrait ajouter que c'est sur place, et non pas dans des pays éloignés, que les moyens de diagnostic et de traitement efficaces doivent se trouver, et qu'en l'absence de moyen de protection ou de traitement spécifique, l'interruption de la circulation du virus est la priorité.

Mais le virus Ebola a été responsable de plusieurs épidémies depuis 1976, et tout cela était connu avant l'épidémie actuelle. Pour l'avoir oublié et avoir mis du temps à le redécouvrir, la réponse internationale, malgré les moyens engagés aujourd'hui, a gardé une longueur de retard. Ce n'est par exemple que le 7 novembre dernier que l'OMS a publié un guide de pratiques funéraires sécurisées et respectueuses de la dignité humaine et des rites propres aux différentes religions. Alors que les foyers d'infection se disséminent, on tarde à déployer des moyens de diagnostic et de prise en charge suffisamment nombreux ou mobiles pour se trouver au plus près des populations, imposant des déplacements mal vécus et risqués.

Des voix s'élèvent maintenant, à raison, pour déplorer l'insuffisance des recherches menées jusqu'ici sur le virus Ebola. On affecte donc des moyens à la recherche, mais ces moyens vont manquer pour d'autres actions, alors que, au mieux, les résultats se feront attendre plusieurs mois. Aussi, certains voient dans l'urgence et la gravité de la situation une justification pour effectuer des essais qui ne seraient pas autorisés dans des circonstances moins critiques, tel celui qui a motivé récemment le retrait de médecins britanniques d'un centre de traitement de Freetown, au Liberia, parce qu'ils refusaient de s'associer à de telles expérimentations (The Guardian, 22 décembre 2014). Du reste, la liste des molécules qui devraient être testées comme traitements possibles de l'infection fait l'objet de débats publics peu rassurants entre spécialistes parfois appointés par l'industrie pharmaceutique.

Certains critiquent même le fait qu'on en fasse autant pour Ebola, qui n'a tué "que" 7 000 personnes en un an, alors qu'il suffit de deux jours au VIH pour faire autant de victimes dans le monde (Prof. Jonathan Ball, cité dans ProMED du 29 décembre 2014). C'est oublier que le VIH a eu près de 40 ans pour s'étendre à toute la planète, et qu'il est déjà l'objet d'efforts très importants. On doit évidemment déplorer qu'il continue malgré tout à progresser, mais doit-il accaparer toutes les ressources ? De quoi serait capable le virus Ebola si nous le laissions se répandre sans réagir pendant des années ?

Comme nous l'indiquions dans une précédente tribune le 16 octobre 2014, les leçons des émergences passées semblent bien difficiles à assimiler et on peine à discerner, dans la situation actuelle, la marque d'une stratégie coordonnée et efficace. Pourtant, celle-ci parait bien nécessaire alors que plusieurs virus, dont certains récemment découverts, sont responsables de foyers encore limités mais pourraient à leur tour nécessiter des actions d'envergure. C'est le cas du MERS-CoV, de plusieurs virus de grippe aviaire capables d'infecter l'homme, peut-être de l'entérovirus 68 trouvé en Amérique du Nord puis en Europe et parfois responsable d'une maladie ressemblant à la poliomyélite, du virus Bourbon que l'on vient d'identifier chez un fermier du Kansas mort de défaillance respiratoire et rénale (The New York Times, 23 décembre 2014).

La réponse à un risque aussi imprévisible n'est pas aisée. Nous avons cependant indiqué quelques pistes : des antiviraux à large spectre d'action et des traitements symptomatiques performants pourraient être une bonne solution, à la fois en termes de soins et d'économie. Il est intéressant de constater que des observations récemment rapportées sur l'épidémie d'Ebola semblent confirmer le bien-fondé de ces approches. On a ainsi remarqué qu'une réanimation hydro-électrolytique bien conduite permettait de guérir des malades ; le favipiravir qu'une équipe française propose de tester comme médicament anti-Ebola est une molécule initialement mise au point contre le virus de la grippe ; un nouveau médicament mis au point pour combattre le syndrome de choc rencontré dans plusieurs infections, dont la dengue, a été administré à un malade atteint d'Ebola, qui a guéri (Wolf et coll., Lancet, 2014).

Les commentaires sont momentanément désactivés

La publication de commentaires est momentanément indisponible.

Pour recevoir gratuitement toute l’actualité par mail Je m'abonne !
Publicité
Dans la même rubrique
Publicité
Presse - CGU - CGV VIDAL Expert - Données personnelles - Politique cookies - Mentions légales - Contact webmaster