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La poliomyélite, véritable fléau jusque dans les années 1960, n'a cessé de reculer grâce à la vaccination utilisée partout dans le monde, puis au programme d'éradication lancé en 1988 par l'OMS. Début 2013, la circulation des virus responsables (on en connait 3 types) était devenue quasi nulle et ne concernait que le Nigéria, le Pakistan et l'Afghanistan, pays où de fortes réticences à la vaccination se sont manifestées.
Un an et demi plus tard, à la suite de plusieurs constatations, l'OMS s'est vue contrainte de déclarer un «état d'urgence de santé publique de portée globale». On a en effet observé la présence de virus dans l'environnement dans plusieurs pays, dont Israël et la Syrie, mais aussi la réapparition de cas dans les pays où la couverture vaccinale n'a pas été maintenue à un niveau suffisant : Irak, Guinée Equatoriale, Cameroun, Ethiopie, Somalie, Syrie. Certains de ces pays ont été identifiés comme «exportateurs» de virus et ont été incités à administrer une dose supplémentaire de vaccin à tous leurs habitants candidats à un voyage international, et cela jusqu'à 6 mois après les derniers cas d'exportation observés. Cette situation repousse à nouveau l'espoir d'une éradication de la poliomyélite, prévue à l'origine pour l'an 2000.
C'est dans ce contexte qu'une découverte faite à la suite d'une épidémie de poliomyélite survenue en République du Congo en 2010 vient constituer un sujet de préoccupation supplémentaire. Cette épidémie a été marquée par une mortalité exceptionnelle, rarement observée auparavant : sur 445 cas confirmés, 210 sont décédés. On a d'abord attribué l'épidémie et sa sévérité au recul de la couverture vaccinale, mais il s'est avéré que les sujets malades sur lesquels des analyses ont pu être effectuées présentaient bien des anticorps contre les souches de virus composant le vaccin. Cependant, ces anticorps se sont révélés peu efficaces contre la souche de virus responsable de l'épidémie. Des travaux récemment publiés ont montré que ce virus de type 1 (le type le plus fréquent) portait en fait deux mutations sur sa protéine de capside (son enveloppe externe) qui l'empêchait d'être reconnu et neutralisé par les anticorps produits en réponse au vaccin. La mutation est semble t-il apparue localement, et elle n'a pas été observée ailleurs pour l'instant. Elle vient cependant confirmer un risque identifié de longue date, celui de voir des maladies contrôlées par la vaccination, voire même en voie d'éradication comme la poliomyélite, échapper à la protection conférée par le vaccin en raison d'une modification de l'agent responsable, ou de l'apparition d'un nouvel agent. Ce phénomène est bien connu dans le cas de la grippe, obligeant tous les ans à adapter la composition du vaccin pour lui conserver son efficacité, mais il a peu ou pas concerné d'autres virus pour l'instant. Si le nouveau virus de poliomyélite venait à se répandre au-delà du foyer congolais où il a été identifié, une modification du vaccin polio pourrait s'avérer nécessaire.
Alors que la découverte faite au Congo met en lumière certaines limites actuelles des vaccins (ils ne protègent, de façon très spécifique, que contre les agents contre lesquels on les a mis au point), elle ne doit pas détourner du vaccin polio actuel. Ce vaccin, à l'efficacité amplement démontrée, doit au contraire être utilisé largement et rapidement, pour empêcher la multiplication et la circulation des virus et donc leur mutation.
Source : Drexler JF, Grard G, Lukashev AN, Kozlovskaya LI, Böttcher S, Uslu G, Reimerink J, Gmyl AP, Taty-Taty R, Lekana-Douki SE, Nkoghe D, Eis-Hübinger AM, Diedrich S, Koopmans M, Leroy EM, Drosten C. Robustness against serum neutralization of a poliovirus type 1 from a lethal epidemic of poliomyelitis in the Republic of Congo in 2010. Proc Natl Acad Sci U S A. 2014 Sep 2;111(35):12889-94. doi: 10.1073/pnas.1323502111.
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