
Analyse du génome, des comportements alcooliques, biomarqueurs et pathologies de près de 300 000 personnes
Les auteurs ont analysé les données de 56 études épidémiologiques effectuées auprès de 261 991 participants. Ces études avaient étudié l'impact de la présence d'un variant (ADH1B rs1229984) du gène codant pour une enzyme dégradant l'alcool, l'alcool déshydrogénase 1 B (ADH1B), en comparant un groupe de porteurs de ce variant et un groupe de non-porteurs. Parmi les participants, 20 259 avaient des problèmes coronariens et 10 164 des antécédents d'accidents vasculaires. 48 % des participants étaient des femmes et l'âge allait de 26 à 75 ans (avec un âge moyen à 58 ans).
La consommation d'alcool a été évaluée via un questionnaire hebdomadaire. Une unité d'alcool correspondait à 10 ml, soit 7,9 g d'éthanol. Les buveurs, avec ou sans variant, étaient répartis en 3 groupes liés à leur consommation : non buveur, buveur léger à modéré (de 0 à 20 UI), grand buveur (plus de 21 UI). Les antécédents personnels de consommation excessive ("binge drinking", voir notre article) ont également été recueillis. Le dosage des gamma GT (enzyme hépatique) a permis d'évaluer l'intensité de l'imprégnation alcoolique.
Le critère d'évaluation principal de l'étude était la survenue d'infarctus du myocarde et d'accidents vasculaires chez les patients porteurs d'un variant du gène (ADH1B), selon la quantité d'alcool consommée. Le critère d'évaluation secondaire était la prévalence du diabète de type 2, ainsi que l'incidence et la prévalence des accidents vasculaires cérébraux.
Une meilleure santé cardiovasculaire et métabolique chez les petits buveurs et les abstinents
Parmi les participants, les porteurs du variant ADH1B rs1229984 consommaient 17 % de moins d'alcool (IC = 15,6 à 18,9 %), avaient moins tendance au binge drinking (- 22 %, IC de – 27 à – 16 %) et étaient plus abstinents (+ 27 %, IC de 21 à 34 %).
Leur santé a donc été comparée à celles des non-porteurs, plus gros buveurs d'alcool :le risque d'infarctus du myocarde était diminué de 19 % (RR = 0,81, IC= 0,72 – 0,91) chez les porteurs du variant, résultat constaté sur les 4 études regroupant plus de 1 000 patients ayant subi un infarctus du myocarde.
Parmi les autres résultats positifs retrouvés chez ces moindres buveurs, les auteurs ont constaté une diminution de la tension artérielle systolique (- 12 %), moins de protéines de l'inflammation comme l'Interleukine 6 (- 5.2 %) et une baisse la CRP (- 3.4 %). L'indice de masse corporelle (IMC) était également plus faible en moyenne (- 17 %), ainsi que le tour de taille (- 0,3 %) et le mauvais cholestérol (- 3%). Le taux de gamma GT était aussi moins élevé (- 1.8%).
Pas de diminution du diabète de type 2
Les auteurs ont noté moins d'AVC ischémiques dans quelques études (-17%) mais ces résultats nécessitent confirmation. Par contre, il n'y avait pas de diminution significative de la fréquence du diabète de type 2 chez les porteurs du variant.
La baisse de la consommation d'alcool, même chez les buveurs modérés, pourrait donc améliorer la santé cardiovasculaire
L'alcool fait souvent partie de la convivialité française, de la prise de repas chaleureux et animés entre amis, ce qui est bénéfique pour le moral, la santé mentale et probablement la santé tout court… De plus, depuis des années, un débat est ouvert sur les éventuels bienfaits cardiovasculaires de l'alcool, en particulier du vin : une consommation légère, modérée, quotidienne pourrait être protectrice sur le cÅ“ur, en particulier grâce aux polyphénols contenus dans le vin.
Mais ces bénéfices ont été contestés depuis par plusieurs études, comme dernièrement celle-ci, parue dans le JAMA en juillet 2014 et qui remet en cause l'influence positive sur la santé du resvératrol (polyphénol du raisin).
Cette nouvelle étude publiée dans le BMJ vient donc encore davantage semer le doute sur l'intérêt cardiovasculaire allégué d'un verre ou deux d'alcool par jour : pour les auteurs, "cela suggère qu'une diminution de la consommation d'alcool, même pour les buveurs légers à modérés, est bénéfique pour la santé cardiovasculaire".
Ce n'est pas pour autant qu'il faut recommander l'abstinence à tous, mais peut-être, tout simplement, ne plus avancer d'argument santé pour justifier une consommation modérée et conviviale ?
Besma Sidia et Jean-Philippe Rivière
En savoir plus :
Association between alcohol and cardiovascular disease : Mendelian randomisation analysis based on individual participant data, Holmes MV et coll, BMJ , juillet 2014.
Resveratrol Levels and All-Cause Mortality in Older Community-Dwelling Adults, Richard D. Semba et coll., JAMA, juillet 2014
Sources
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