
Santé publique
VIDAL : Que pensez-vous du PLFSS 2013, en particulier des objectifs à atteindre pour la médecine de ville ?
Dr Michel Chassang : Ce PLFSS n'a aucune ambition, aucune dynamique. D'abord, l'ONDAM (Objectif national des dépenses d'assurance maladie) est le plus bas depuis longtemps : il faut remonter à 1998 pour trouver des ONDAMs aussi bas. On demande à la ville un effort considérable, parce que le taux d'évolution tendancielle de l'ONDAM est à 3,8 %. Alors comment conjuguer le taux retenu de 2,4 % avec 3,8 % ? C'est au prix d'économies : sur les médicaments essentiellement, mais aussi sur les honoraires : 150 millions d'euros seront prélevés sur les honoraires des biologistes et des radiologues. Tout cela est parfaitement inacceptable.
VIDAL : Les nouvelles pistes contenues dans ce PLFSS peuvent-elles améliorer la médecine de ville ?
Dr Michel Chassang : Les pistes qui sont contenues dans ce PLFSS.. 20 petits millions d'euros qui permettront de mettre en place des expérimentations ou les premières phases de la Stratégie Nationale de Santé, ce n'est pas sérieux. Je rappelle les masses financières en jeu : pour 1 euro de revalorisation de la consultation des médecins généralistes, cela coûte 250 millions d'euros. Le rapport entre les 20 millions inscrits au PLFSS pour 2014 pour la médecine de ville définie comme priorité contraste singulièrement avec les sommes qui seraient nécessaires pour vraiment la revaloriser.
VIDAL : Une médecine de ville prioritaire est-elle possible avec le recours croissant aux urgences, à l'hôpital ?
Dr Michel Chassang : Premièrement, les gens vont beaucoup trop à l'hôpital. Deuxièmement, quand ils y vont, ils restent trop longtemps. Troisièmement, quand ils vont à l'hôpital, non seulement cela coûte beaucoup plus cher, mais, en particulier lorsqu'ils sont âgés, cela peut poser des problèmes de santé. Il vaudrait mieux que les personnes âgées regagnent leur domicile le plus vite possible. Le rapport de la Cour des Comptes établit que si on développe la chirurgie ambulatoire, on pourrait faire jusqu'à 5 milliards d'euros d'économie par an. Vous voyez ainsi les rapports (NDLR : 20 millions d'un côté, 5 milliards de l'autre).
VIDAL : Comment mieux gérer l'articulation entre médecine de ville et urgences hospitalières ?
Dr Michel Chassang : Tout le monde sait qu'une urgence, lorsqu'elle passe par l'hôpital, coûte 5 à 10 fois plus que d'aller voir un médecin de ville. Or, l'accès des urgences au public n'est pas forcément en dehors de l'ouverture des cabinets médicaux : la plupart des accès se font lorsque les cabinets médicaux sont ouverts. On voit bien que là, il y a une éducation du public à mettre en œuvre et une organisation nouvelle dans les cabinets à trouver pour accueillir ces patients. Mais on voit bien que si on court après le travail administratif (NDLR : allusion à la généralisation du tiers payant en 2017, abordée au début de notre entretien), on manque de temps pour s'occuper de ce qui est réellement médical. Donc nous voyons bien qu'il y a tout à reconstruire, et cela ne se fera pas sans un investissement financier.
Propos recueillis le 19 novembre 2013 par Jean-Philippe Rivière au siège de la CSMF
Sources
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