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Troubles du neurodéveloppement, l’enjeu majeur du repérage

Les troubles du neurodéveloppement de l’enfant regroupent des affections multiples, qui nécessitent une prise en charge précoce avant même un diagnostic précis. Les parents sont le plus souvent les premiers à être alertés.
Isabelle Hoppenot 13 janvier 2022 11 juillet 2022 Image d'une montre8 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les enfants peuvent présenter, entre autres, des troubles du langage écrit et de développement de la coordination (illustration).

Les enfants peuvent présenter, entre autres, des troubles du langage écrit et de développement de la coordination (illustration).

Résumé
 
Le repérage précoce des troubles du neurodéveloppement est un enjeu majeur. Le doute des parents ne doit pas être banalisé, mais conduire à une consultation longue dédiée, faisant appel aux grilles de repérage spécifiquement développées.
 
En cas de signes d'alerte, l'enfant est adressé à une plateforme de coordination et d'orientation qui permet une évaluation et une prise en charge dans la durée, avant même qu'un diagnostic précis ne soit posé, a explicité le Pr Vincent Des Portes (CHU Lyon), lors d'une session interactive VIDAL Live le 15 décembre 2021.
 

Les troubles du neurodéveloppement (TND) désignent les affections ayant pour point commun le « défaut de développement d'une ou plusieurs compétences cognitives attendues lors du développement psychomoteur et affectif de l'enfant, qui entraîne un retentissement important sur le fonctionnement adaptatif scolaire, familial et social ».
 
Sont inclus :
  • les troubles du spectre de l'autisme (TSA) ;
  • les troubles du développement intellectuel (TDI) ;
  • les troubles du langage oral (TLO ou dysphasie) ;
  • les troubles de développement de la coordination (TDC ou dyspraxie) ;
  • le trouble déficit d'attention avec hyperactivité (TDAH) ;
  • les troubles spécifiques des apprentissages scolaires (trouble du langage écrit et du calcul).
Les enfants ont souvent plusieurs TND associés, et qui peuvent aussi coexister avec des déficits sensoriels (surdité, basse vision), des troubles du sommeil et/ou de l'alimentation ou encore une épilepsie. Les interactions avec l'environnement, qui peut être un obstacle ou facilitateur, sont capitales.
 
De 5 à 10 % des enfants concernés
La fréquence réelle des TND est mal connue, notamment du fait du continuum entre une simple variante du développement et un réel trouble. « Tout enfant maladroit n'est pas dyspraxique, mais on estime que de 5 à 10 % des enfants ont un TND », a rapporté le Pr Vincent Des Portes, chef du service de neuropédiatrie au CHU de Lyon et coordinateur national de la Filière de santé DéfiScience « Maladies rares du neurodéveloppement ». 

Une étude menée en 2004 avait montré que les affections psychiatriques (intégrant à l'époque l'autisme, les déficiences intellectuelles et les troubles anxio-dépressifs) représentaient la première cause (28 %) d'affection longue durée (ALD) chez les enfants de moins de 15 ans, et les pathologies neurologiques venaient en deuxième position (17 %), les deux groupes représentant 45 %, soit près de la moitié des ADL de l'enfant.
 
Des facteurs neurobiologiques au premier plan
Les TND ont en commun des facteurs étiologiques neurobiologiques, qui ont entravé le développement cérébral normal, notamment des lésions cérébrales acquises, pendant la grossesse (alcoolisation fœtale, valproate), ou à la suite d'une grande prématurité, d'une infection périnatale, etc., ou des facteurs génétiques, connus ou non, qui sont impliqués dans la majorité des TND, en particulier en cas de trouble du développement intellectuel.
 
Ces troubles ne doivent plus être regardés sous le seul angle psychologique et doivent être sortis du champ de la seule psychiatrie pour permettre une approche pluridisciplinaire. « Il faut arrêter de chercher la cause de l'autisme dans la séparation des parents ou dans le fait que l'enfant ait pu être non désiré, il n'est plus entendable de mettre en cause les parents, a martelé le Pr Des Portes. Mais le recours aux collègues psychiatres et psychologues reste fondamental pour apporter de l'aide aux parents et à la famille d'un enfant ayant un TND sévère. »
 
Ne pas banaliser le doute d'un parent
Que l'enfant soit considéré comme vulnérable, par exemple du fait d'une grande prématurité, ou non, il se présente en général avec un décalage dans certaines acquisitions (locomotion, langage, interaction sociale, motricité fine) ou avec des symptômes peu spécifiques (trouble du sommeil, de l'alimentation, de la régulation émotionnelle), mais qui s'inscrivent à un âge inhabituel, perdurent ou ont un caractère envahissant.
 
Les parents sont les premiers à être alertés, comme le confirme une étude menée sur 450 parents : dans 85 % des cas, ils avaient repéré le trouble avant qu'un professionnel (crèche, PMI, médecin généraliste, pédiatre, instituteur, etc.) n'en parle.
 
« Il est donc extrêmement important de ne pas remettre en cause les capacités d'observation des parents, de ne pas banaliser leur doute », a insisté le Pr Des Portes, avant de rappeler que nous disposons aujourd'hui d'outils pour aider les professionnels à mieux dépister les TND, le premier étant d'ordre sémantique : « Un enfant qui ne marche pas à 18 mois est objectivement hors normes, puisqu'à cet âge 98 % ont acquis la marche. Mais hors normes ne veut pas dire pathologique, c'est un drapeau orange, qui implique de plus amples investigations. On parle alors aux parents d'un symptôme inhabituel, terme qui n'engage pas dans le pathologique, mais permet de mettre en route une consultation longue par un professionnel de première ligne. »
 
Des grilles de repérage en fonction de l'âge
Les praticiens peuvent s'appuyer sur les grilles de repérage développées dans le cadre de la stratégie nationale autisme/troubles du neurodéveloppement 2018/2022. Cet outil, proche de la réalité du terrain et facile d'utilisation, est décliné pour différents âges (6, 12, 18 mois, puis de 2 à 6 ans). Il permet de repérer rapidement des signes d'alerte, dont la présence peut alors conduire à adresser l'enfant à une plateforme de coordination et d'orientation (PCO).
 
« Cette grille de repérage est le fruit du travail d'un consensus d'experts, ce n'est pas une échelle normée, mais elle semble pertinente », a souligné le Pr Des Portes. L'expérience acquise après deux ans de recours à ces PCO montre en effet que les médecins repèrent de façon juste les enfants devant bénéficier d'une prise en charge, puisqu'un TND, et pas une simple variante du développement, se confirme a posteriori chez 90 % de ceux adressés à une PCO.
 
« Cette grille a donc une bonne spécificité et permet de mettre en route une prise en charge plus précocement et surtout d'éviter de laisser les enfants et les parents sans réponse, face à quelque chose d'inhabituel. La sensibilité de la grille est moins bonne pour des enfants ayant un décalage dans un seul domaine ou ayant surtout des comportements inhabituels. Le sens clinique du médecin reste bien sûr nécessaire ».
 
Une démarche diagnostique dynamique
Comme l'a résumé le Pr Des Portes, l'enjeu aujourd'hui est donc de ne pas banaliser le doute, de mettre en route une intervention, et de voir sur quelques mois comment l'enfant se développe et quelle trajectoire il va prendre, plutôt que d'attendre d'avoir un diagnostic pour intervenir.
 
Grâce aux forfaits précoces, les PCO permettent une prise en charge par la sécurité sociale des bilans d'évaluation en libéral et des interventions, sur 12 à 18 mois, ce qui n'était pas le cas auparavant.
 
« On suit donc la trajectoire de l'enfant et s'il se développe bien, c'est sans doute que des facteurs environnementaux prédominants expliquaient le décalage. S'il progresse, mais qu'il ne rattrape pas le décalage, il faut s'interroger sur l'équipement cognitif de l'enfant
 Il s'agit donc d'une démarche diagnostique dynamique, qui doit bien sûr tenir compte de l'environnement (barrière de la langue, précarisation des familles, insécurité affective, etc.) sans toutefois attribuer à tort un trouble du langage oral, par exemple, au fait que la famille ne maîtrise pas le français, alors que la petite sœur de un an de moins le maîtrise très bien ». 
 
Du diagnostic catégoriel au diagnostic fonctionnel
Le médecin traitant de l'enfant joue un rôle de coordinateur, ce qui peut permettre d'aboutir à un ou plusieurs diagnostics de catégorie (TND intellectuel, ou de la coordination, etc.). 
 
Retenir un diagnostic de TND est la première étape, qui permet de dire que la trajectoire développementale de l'enfant n'est pas qu'une simple variante, mais un trouble plus durable, lié à des facteurs neurobiologiques.
 
Mais l'enjeu est d'affiner le diagnostic « catégoriel » c'est-à-dire de préciser le(s) trouble(s) que présente l'enfant : TSA, TDI, TLO, etc.
 
Ce diagnostic catégoriel permet une représentation partagée entre l'enfant, les parents et les professionnels et ouvre l'accès à certaines aides et prestations. Mais, au-delà de cette question du « quoi », l'enjeu est de bien définir « comment » l'enfant fonctionne, dans ses différentes dimensions : dimension affective, capacité de langage oral et écrit, concentration, régulation émotionnelle, etc. Toutes ces dimensions cognitives et affectives doivent être interrogées, avec des outils normés, par des professionnels. C'est tout le processus, parfois long, du diagnostic « fonctionnel » pluridisciplinaire.
 
Penser aux diagnostics différentiels et étiologiques spécifiques
Les diagnostics différentiels sont également à rechercher, notamment un trouble de l'audition, accessible à un dépistage simple en consultation avec la voix chuchotée ou les objets sonores de Moatti, mais pouvant nécessiter une consultation ORL au moindre doute.
 
Rechercher la cause d'un trouble du développement est aussi un enjeu majeur, en particulier pour ne pas passer à côté d'une maladie curable et pour le conseil génétique.
 
Certaines pathologies responsables de TND sont curables, c'est le cas de la phénylcétonurie et de l'hypothyroïdie congénitale, qui bénéficient d'un dépistage néonatal systématique et d'un traitement. « Le diagnostic précoce est également décisif pour d'autres pathologies neurologiques (hors TND) comme l'amyotrophie spinale infantile, qui est aujourd'hui accessible à une thérapie génique lorsque le diagnostic est porté rapidement, notamment face à un enfant qui tenait bien sa tête à 3 mois et qui ne la tient plus, alors qu'il se développe de façon habituelle par ailleurs », a précisé le Pr Des Portes, avant de rappeler que toute régression dans les acquisitions est une urgence neuropédiatrique. 
 
Des soins dans la durée, sans rupture
Les PCO ont donc été mises en place pour éviter les errances diagnostiques entre le moment où on repère un signe d'appel et le moment où un diagnostic est posé, grâce au relais pris par des équipes pluridisciplinaires : centres d'action médico-sociale précoce (Camsp), centres médico-psychologiques (CMP), centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), etc. ou des réseaux libéraux qui se mettent progressivement en place. Quelque 76 plateformes sont aujourd'hui opérationnelles et leur développement sur tout le territoire se poursuit. En décembre 2021, 15 000 enfants avaient été référencés dans ces plateformes, ils n'étaient que 11 000 en septembre. 
 
Selon l'expérience acquise au cours de ces deux premières années de fonctionnement, neuf enfants sur dix ont encore besoin de soins alors que le recours au forfait précoce, prévu pour une durée de 12 à 18 mois, n'est plus possible.
 
Des conventionnements avec des libéraux ont été signés, d'autres sont en cours. Les interventions pluridisciplinaires doivent être précoces, s'appuyer sur les compétences de l'enfant, en partenariat avec les parents, qui regagnent ainsi confiance dans leurs propres compétences. Elles doivent également s'inscrire dans la durée, sans rupture, et être réévaluées régulièrement.
 
« Pour tout enfant, l'enjeu est qu'il progresse, et le souhait légitime des parents est qu'il guérisse, a souligné le Pr Des Portes. Mais une majorité d'entre eux vont devoir vivre avec leur trouble, s'adapter, s'ajuster, et ils vont devoir être accompagnés sur le long terme. Il est donc important de bien expliquer aux parents que les interventions sont là pour accompagner l'enfant à développer ses compétences - et cela porte ses fruits - mais ne pas faire miroiter "une normalisation", qui est rarement observée. En effet, devant un enfant qui progresse, mais ne récupère pas totalement, le risque serait pour les parents de se culpabiliser de n'avoir pas repéré assez tôt ou de mettre en cause les professionnels, laissant la porte ouverte à toutes les prises en charge non conventionnelles, souvent exclusives et très coûteuses, sans preuve scientifique rationnelle. »
 
Quelle place pour les médicaments ?
Y a-t-il des traitements pharmacologiques spécifiques de certains TND ? L'exemple le plus emblématique est le trouble de l'attention avec hyperactivité, pour lequel lméthylphénidate peut transformer la vie de l'enfant de plus de 6 ans, quand l'indication est bien posée. « Il ne s'agit pas d'un médicament magique, il doit être donné en parallèle des aménagements pédagogiques et d'un suivi psycho-éducatif, à dose minimale efficace, après avoir bien mesuré le rapport bénéfice/risque, a indiqué le Pr Des Portes. La primo-prescription est désormais ouverte aux spécialistes libéraux, qui doivent se former pour accompagner la prescription de ce médicament. »
 
©vidal.fr
 
Pour en savoir plus
 
Sur vidal.fr
TDAH : la prescription de méthylphénidate peut désormais être initiée en ville (23 septembre 2021)

 
Sources

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