#Santé publique #Données épidémiologiques

Epidémie de Zika en Martinique et Guyane : diagnostic, prise en charge et prévention adaptées au contexte

Le virus Zika touche de plus en plus de Français des Antilles, avec un seuil épidémique franchi en Martinique et en Guyane autour du 20 janvier 2016.

Il s'agit d'une maladie virale le plus souvent bénigne, asymptomatique.


Mais les rares complications neurologiques, en particulier foetales, inquiètent actuellement les autorités de santé françaises, au regard de leur augmentation actuelle liée à l'expansion de l'infection : plusieurs infections ont été confirmées chez des femmes enceintes, et deux patients présentant un syndrome de Guillain Barré sont actuellement hospitalisés au CHU de Fort-de-France (Martinique).

Les mesures de protection contre les piqûres de moustiques et leur prolifération doivent donc plus que jamais être respectées. Des recommandations préventives supplémentaires ont également été établies pour protéger au mieux les femmes enceintes. 
David Paitraud 04 février 2016 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Carte des pays ayant déclaré une circulation active du virus Zika sur leur territoire (© CNPGO)

Carte des pays ayant déclaré une circulation active du virus Zika sur leur territoire (© CNPGO)


Zika : une maladie virale transmise par des moustique du type Aedes
Le Zika est une maladie virale, causée par un arbovirus. Le virus Zika appartient à la même famille que la dengue et la fièvre jaune.

Cette maladie est transmise d'homme à homme par piqûre d'un moustique femelle du genre Aedes (Aedes aegypti et Aedes albopictus).

 Doutes récents sur une transmission interhumaine par voie sexuelle 
Lors de sa  conférence de presse du 3 février 2016, la ministre de la santé Marisol Touraine a évoqué la possibilité d'une transmission sexuelle : "des éléments nouveaux sont intervenus à propos de quelques cas de transmission sexuelle du Zika". Certains pays comme la Grande-Bretagne et l'Irlande ont décidé, par mesure de précaution, de recommander le port du préservatif pour le partenaire masculin d'une femme enceinte ou ayant un projet de grossesse en cas de risque d'exposition au Zika.

A ce jour, aucune recommandation de ce type n'a été émise en France. Le HCSP (Haut Conseil de Santé publique) doit remettre son avis dans les prochains jours.

Une maladie le plus souvent asymptomatique
Après la piqûre contaminante, l'infection se propage en 3 à 12 jours.

Dans la majorité des cas (70 à 80 %), cette infection ne provoque aucun symptôme.

Lorsque le Zika provoque des symptômes, ils sont le plus souvent bénins
En cas de symptômes, l'infection Zika peut se manifester par de la fièvre, une éruption cutanée (exanthème maculo-papuleux), des démangeaisons, des maux de tête, des courbatures, une fatigue, une conjonctivite ou des douleurs derrière les yeux. Ces symptômes sont bénins.

Mais de rares complications neurologiques sont possibles
Rarement, la maladie Zika peut entraîner des complications neurologiques, en particulier le syndrome de Guillain-Barré (atteinte des racines nerveuses pouvant provoquer une paralysie musculaire progressive, pouvant toucher les muscles respiratoires, partielle ou complète, souvent réversible mais non systématiquement). 

L'intensification d'une propagation virale augmente mécaniquement le nombre de complications, donc la flambée actuelle d'infections par le virus Zika fait craindre aux autorités de santé, françaises et internationales, une augmentation parallèle du nombre de cas de Guillain-Barré. 

La microcéphalie, un risque probablement associé à l'infection de la femme enceinte
Une infection par Zika au cours de la grossesse exposerait le foetus à des malformations neurologiques au cours de la grossesse.

Des cas de microcéphalie (anomalie du développement cérébral intra-utérin responsable de retards mentaux irréversibles) ont en effet été observés au Brésil et en Polynésie française, chez des foetus et des nouveau-nés de mères qui étaient enceintes pendant la période épidémique de Zika. 

Cette relation entre infection Zika pendant la grossesse et survenue d'une microcéphalie n'est pas encore formellement démontrée mais est fortement suspectée (pourcentage de risque non connu), d'où la mise en place de mesures de protection spécifiques pour les femmes enceintes. 

Un diagnostic basé sur les signes cliniques en zone épidémique, sur la clinique et la biologie hors zones épidémiques
L'InVS (Institut de veille sanitaire) définit un cas cliniquement suspect d'infection par Zika lorsqu'une personne présente depuis moins de 7 jours 
  • un exanthème maculo-papuleux avec ou sans fièvre,
  • et au moins 2 signes parmi les suivants : hyperhémie conjonctivale, arthralgies, myalgies,
  • en l'absence d'autres étiologies.

Le diagnostic biologique (recherche du génome viral du Zika dans le sang ou dans l'urine par RT-PCR) est pratiqué en dehors des zones épidémiques pour confirmation devant des signes cliniques évocateurs, et dans les zones épidémiques chez les femmes enceintes ou lorsqu'une complication neurologique survient.

Prise en charge thérapeutique : antalgiques pour les formes bénignes, mais pas d'aspirine
Il n'existe pas de traitement spécifique (antiviral ou vaccin).

Un traitement symptomatique peut être proposé. Il repose sur l'atténuation des symptômes douloureux, par la prise d'antalgiques. Mais attention, l'utilisation d'aspirine est fortement déconseillée en raison des risques accrus de saignement en cas de co-infection avec la dengue

Prévention : en l'absence de vaccin, la protection et la lutte contre les moustiques est centrale
L'Aedes, vecteur du Zika, est plus actif le jour, notamment le matin et en fin de journée. La protection doit tenir compte de ces particularités.

Pour rappel, les recommandations habituelles de prévention contre les piqûres de moustique sont les suivantes : 
  • port de vêtements couvrants, 
  • répulsifs à utiliser le jour et la nuit, 
  • utilisation de moustiquaires. 

Pour les nouveaux-nés, chez lesquels les répulsifs ne peuvent pas être appliqués, il est recommandé d'éviter les zones à risque, de protéger les berceaux et les poussettes avec des moustiquaires imprégnées de répulsif, et de privilégier des vêtements amples et couvrants.

La 
lutte anti-vectorielle reste une arme essentielle pour contenir la prolifération des moustiques et maîtriser l'épidémie. Elle s'appuie sur la destruction des gîtes potentiels de reproduction, notamment les points d'eau stagnantes.

Prévention (suite) : les femmes enceintes sous haute surveillance en zone épidémique
Depuis le début de l'épidémie, 20 femmes enceintes vivant dans les départements français d'Amérique ont été détectées positives au virus Zika mais aucune malformation n'a été détectée à ce jour.

Devant l'intensification de l'épidémie dans ces départements, le HCSP a complété le 22 janvier 2016 ses recommandations émises en décembre 2015 pour renforcer la protection au sein de cette population à risque. 

Ces recommandations prévoient un renforcement du suivi et de l'information des femmes enceintes sur les risques de malformation congénitale et les complications possibles liés à une infection par Zika : 
  • Toutes les femmes concernées, quelle que soit l'avancée de la grossesse, sont invitées à consulter un médecin afin de bénéficier d'un suivi étroit.
  • Si une infection est suspectée, une recherche étiologique et virologique doit être établie.
  • En cas de confirmation, une surveillance échographique mensuelle orientée sur des signes neurologiques doit être mise en place.
  • Minimiser, si possible, les prises de risque : il est recommandé aux femmes enceintes de reporter les voyages et séjours dans les zones à risque, qu'il s'agisse des territoires français ou des autres pays où sévit une épidémie de Zika. Si le séjour est maintenu, les mesures de protection individuelles (protection anti-moustique) doivent être renforcées. 

Pour plus d'informations sur la conduite à tenir pour les femmes enceintes et en âge de procréer, vous pouvez consulter le document d'information temporaire publié le 3 février 2016 par le Conseil National Professionnel de Gynécologie et Obstétrique (CNPGO).

Report des dons de gamètes et des AMP en zones épidémiques
Dans ce contexte, l'Agence de Biomédecine a décidé de différer les dons de gamètes et les AMP (assistances médicales à la procréation) dans les départements concernés.

Ces mesures de précaution sont également applicables aux personnes ayant séjourné en zone d'épidémie et revenant en métropole. Un délai d'au moins 28 jours après le retour est recommandé, ainsi que la réalisation d'un examen du sperme.

Le point épidémiologique au 29 janvier 2016 : épidémie confirmée en Martinique et en Guyane
L'infection par le Zika touche à ce jour 23 pays et territoires d'Amérique du sud et d'Amérique centrale.

L'épidémie a été confirmée dans deux départements français d'Amérique, la Martinique et la Guyane. Ces départements sont passés au niveau 3 du système de surveillance, d'alerte et de gestion des épidémies.

Le point en Martinique au 29 janvier
Selon le dernier bulletin épidémiologique recueillant les données jusqu'au 24 janvier 2016, 2 287 cas de Zika ont été rapportés en Martinique, dont 1 064 pour la 3ème semaine de janvier.

Le seuil épidémique a été franchi le 20 janvier. Le virus circule sur l'ensemble de l'île. L'infection a été confirmée chez 8 femmes enceintes et 2 patients atteints de syndromes de Guillain Barré. Un des patients est en réanimation au CHU de Fort de France.

Le point en Guyane au 29 janvier 
En Guyane, les données recueillies jusqu'au 24 janvier faisaient état de 245 cas cliniques, dont 59 confirmés biologiquement.

Le seuil épidémique a été franchi le 22 janvier. L'ensemble des cas confirmés est localisé sur le littoral (secteur Ouest, Kourou, Cayenne). Parmi les cas confirmés, 7 femmes étaient enceintes.
Aucun patient atteint de syndrome de Guilain-Barré n'a été identifié.

En Guadeloupe et dans les autres territoires
A ce jour, 10 cas ont été confirmés en Guadeloupe et 1 cas à St Martin. 

La circulation virale autochtone est débutante.

A St Barthélemy, aucun cas de Zika n'a été identifié mais l'épidémie de dengue actuelle rend plus difficile le repérage clinique des cas suspects Zika.

De même, aucun cas de Zika n'a été identifié à Mayotte et à la Réunion.

En métropole
Selon les données les plus récentes, 9 cas importés en métropole ont été identifiés et pris en charge depuis le début de l'année 2016.
Lors de la conférence de presse du 3 février, Marisol Touraine a précisé qu'un de ces patients présentait une forme neurologique de la maladie.

Anticipation d'un éventuel débordement des services de santé aux Antilles
Marisol Touraine souhaite anticiper un débordement des services de santé dans les semaines à venir. La ministre de la Santé, qui devrait se rendre prochainement (avant fin février) dans les départements touchés, a pour cela annoncé la mobilisation de l'EPRUS (établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires) afin d'évaluer les besoins complémentaires nécessaires aux hôpitaux et aux médecins dans les Antilles. 50 réservistes, dont des réanimateurs, sont "prêts à partir si nécessaire". 

Marisol Touraine annonce par ailleurs la livraison de 6 respirateurs supplémentaires au CHU de Martinique et 2 à Cayenne (Guyane), afin de renforcer l'équipement des services de réanimation dans ces établissements.

Pour aller plus loin
Conférence de presse - Zika (ministère de la Santé - 3 février 2016)
Point d'information sur la maladie à virus Zika (ministère de la Santé, 29 janvier 2016)
Zika : aucun cas détecté à ce jour à la Réunion et à Mayotte (ministère de la Santé, 29 janvier 2016)
Point épidémiologique du 29 janvier (InVS)
Epidémie de Zika : recommandations pour les femmes enceintes (ministère de la Santé, mise à jour du 29 janvier 2016)
Personnes atteintes par le virus Zika. Actualisation des modalités de prise en charge (Avis du HCSP, actualisé le 22 janvier 2016)
Virus ZIKA Et femme enceinte ou en âge de procréer, document d'information provisoire, CNPGO, 3 février 2016
 

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