Dépôts lipidiques sur la paroi d'une artère (illustration).
VIDAL : L'efficacité des statines est-elle contestable ?
Jacques Blacher : Cela fait à peu près 20-25 ans que l'on a sur le marché des statines.
Il y a énormément de médecins, cardiologues, médecins généralistes qui considèrent que les statines sont une valeur ajoutée considérable en matière de prévention des événements cardio-vasculaires et cérébro-vasculaires. Il y a des dizaines d'essais thérapeutiques parfaitement faits montrant que les statines sont supérieures au placebo chez des patients qui sont à risque vasculaire élevé, soit parce qu'ils ont fait un infarctus, soit parce qu'ils ont fait un accident vasculaire cérébral, soit parce qu'ils sont à risque de faire l'un ou l'autre de ces événements sans en avoir encore fait, prévention primaire, prévention secondaire.
VIDAL : Qu'ont montré les différents essais ?
Jacques Blacher : Les différents essais ont montré qu'il y avait une réduction du risque extrêmement importante, 20, 25, 30 % avec cette classe de médicaments, statine, inhibiteur de la coenzyme A réductase. Ces essais thérapeutiques sont des essais qui ont été faits contre placebo pour les premiers et il y a eu ensuite une modification des populations incluses, puisque bien entendu dès que l'on avait montré la supériorité de la statine par rapport au placebo, il n'était plus éthique d'inclure un sujet dans un essai contre placebo, donc de ne pas lui donner une statine. On a donc été obligé de modifier les populations d'inclusion. D'abord, encore une fois, c'était dans le post-infarctus, puis cela a été en prévention primaire. Globalement, quasiment tous ces essais ont été positifs. À savoir que la statine était supérieure au placebo.
VIDAL : Est-ce prouvé pour toutes les populations ?
Jacques Blacher : Il y a quelques sous populations pour lesquelles on se pose encore la question, notamment les insuffisants rénaux chroniques. On n'est pas absolument certain qu'il y ait une réduction du risque cardiovasculaire lié à la prise de statine et peut-être les patients très âgés, on n'a pas encore la certitude du bénéfice de la statine, mais dans toutes les autres populations, c'est absolument incontestable
VIDAL : Que penser des affirmations de certains auteurs quant à l'inutilité des statines ?
Jacques Blacher : À côté de la vision scientifique, il y a une vision de communication par rapport aux statines avec différents auteurs qui se sont émus en expliquant que finalement, ces prescriptions étaient poussées exclusivement par les industriels du médicament qui avaient, bien entendu, intérêt à ce que les médecins prescrivent et que ces médicaments ne servaient à rien.
Qu'est-ce qu'il en est ? On est à 20, 25 ans de prescriptions de statines. Aujourd'hui, je pense qu'il faut dire les choses comme elles le sont, il est absolument incontestable que cela ait été une vraie révolution dans la prise en charge de risque cardio-vasculaire. Ces médicaments sont donc des médicaments qui sont extrêmement efficaces.
VIDAL : Les nouvelles statines sont-elles plus efficaces que les anciennes ?
Jacques Blacher : Il y a les premiers médicaments, simvastatine, pravastatine, les plus « vieux » qui, comme ils sont anciens, sont maintenant dans le domaine public donc génériqués et il y a les médicaments les plus nouveaux et notamment la rosuvastatine qui n'est pas encore dans le domaine public donc qui n'est pas génériquée et généricable. Elle le sera bientôt, probablement l'année prochaine.
Est-ce que les nouveaux sont supérieurs aux anciens ? Pour répondre à cette question, il faudrait avoir un essai thérapeutique où l'on tire au sort les patients : groupe A, on donne une "vieille" statine, groupe B, on donne une nouvelle statine et on attend quelques années et au bout de quelques années, on compte les morts ou les infarctus ou les accidents vasculaires cérébraux. Est-ce que l'on a cet essai ? Non. Est-ce que l'on en aura un ? Non. Clairement, on ne peut donc qu'avoir des informations indirectes pour comparer au sein d'une même classe deux médicaments : simvastatine à pravastatine, pravastatine à rosuvastatine, atorvastatine à pravastatine, etc. Il y a donc certaines analyses en réseau qui réussissent à faire ce type de comparaison, mais on est sur des comparaisons à faible niveau de preuve. Donc encore une fois, on ne sait pas si les nouvelles statines sont supérieures aux anciennes statines.
VIDAL : Comment le bénéfice des différentes statines est-il évalué ?
Jacques Blacher : On a l'impression que le bénéfice lié à la prise d'une statine est, a priori, dépendant de la quantité de baisse du cholestérol. Plus je baisse le cholestérol et meilleure sera la prévention du risque cardio-vasculaire. Et ces nouvelles statines ont eu une autorisation de mise sur le marché parce qu'elles rajoutaient par rapport à l'existant qui est qu'elles sont un peu plus efficaces que les anciennes sur la réduction du niveau de cholestérol. Mais elles n'ont pas démontré qu'elles étaient supérieures en matière de réduction du risque cardio-vasculaire.
VIDAL : Et en termes d'efficience ?
Jacques Blacher : Les nouvelles sont tellement plus chères que les anciennes que le groupe de travail de la HAS [NDLR : Haute Autorité de santé] qui a rendu ses conclusions il y a deux ans, je crois, a expliqué que ces nouvelles statines n'étaient pas efficientes et que cela ne devait pas être des traitements de première intention.
Nos autorités de santé nous ont donc dit : « Prescrivez préférentiellement les "vieilles" statines et ne prescrivez les nouvelles statines que chez des patients qui n'auraient pas toléré les "vieilles" statines, donc en deuxième intention. »
Propos recueillis le 3 octobre à l'Hôtel Dieu (Paris).
* Déclaration d'intérêts du Pr Jacques Blacher (octobre 2014)
* Les liens d'intérêt du Pr Jacques Blacher sont accessibles sur le site dédié du Conseil de l'Ordre des Médecins.
Sources
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